A l’heure de l’annonce des lauréats de l’Equerre 2012, en cette librairie de la Cité au Trocadéro à Paris – une première – les premiers mots, ou presque, d’une courte allocution de Guillaume Prot, Président du Groupe Moniteur et Président du jury 2012, furent pour prendre acte de l’émotion du Landernau et faire(-)part de son émoi propre quant à la fermeture annoncée et prochaine de la librairie historique du Moniteur, place de l’Odéon, à Saint-Germain.
Cette librairie a trente ans d’âge, peu ou prou et, c’est vrai, St Germain n’est plus magique.
D’aucuns, en cette capitale, regrettent la disparition d’une des rares librairies exhaustives en centre-ville. D’autres s’en foutent royalement et ne regretteront pas l’accueil négligeant et les prix prohibitifs.
La logique qui présiderait à sa disparition est toute parisienne : le renouvellement du bail. Comment, même Le Moniteur ne trouverait pas à se loger ? Les architectes comprennent la crise du logement à Paris et il est permis de penser qu’en ces temps incertains en pays germano-pratin, le propriétaire des murs aurait fait un effort pour conserver sa librairie. Non, apparemment.
A moins bien sûr que ce ne soit que prétexte. En effet, Le Groupe Moniteur est en cours de «redéploiement», un mot que Guillaume Prot affectionne.
L’issue radicale de la librairie et la migration de St Germain au Trocadéro, dans un quartier certes moins pratin mais plus en phase avec le statut des fonds de pension qui gouvernent, ne sont qu’effets visibles de ce «redéploiement». «La baisse de fréquentation et de chiffres d’affaires [de la librairie] est de 40% en trois ou quatre ans, nous étions à l’échéance du bail, c’est l’occasion de redéployer notre offre», indique le président du Groupe Moniteur. «D’autant que nous avons deux autres librairies». Dont celle de la Cité. CQFD.
Si Guillaume Prot évoque son émotion quant au «côté sensible et physique du papier et du livre», il promet «de déployer des offres numériques enrichies en permanence» tandis qu’une «stratégie d’évolution du support papier» sera mise en œuvre fondée sur le «rapport économique de ces titres». «Dans le cadre de cette stratégie, il est possible que nous redistribuions nos ressources et focalisions sur les titres leaders», conclut-il.
Changement d’ère ? Foin de nostalgie. Trente ans pour une librairie, c’est déjà super. Le Moniteur lui-même, si je me m’abuse, aura 110 ans l’année prochaine.
Au début d’un autre siècle, Le Moniteur du bâtiment et des travaux Publics était un quatre pages, vendu à la criée, annonçant les appels d’offres. Des décennies plus tard – son fondateur mort depuis longtemps – naissait une librairie d’architecture à St Germain, place de l’Odéon.
Une intention, un signe, un symbole.
Une acmé ?
Sans doute un autre métier.
En tout cas, que les anxieux se rassurent. Guillaume Prot assure qu’il y aura d’autres Equerres, «un prix apprécié des architectes», d’autant qu’il est sensible au fait que «c’est fait à un prix raisonnable».
Le président du Groupe Moniteur est donc satisfait de la formule actuelle et n’envisage pas d’en changer.
Christophe Leray
Cet article est paru en première publication sur Le Courrier de l’Architecte le 28 novembre 2012