Cette fois, avec cette première réelle étape de montagne, les cadors vont devoir se montrer. Oh, pas encore pour tout casser mais au moindre signe de faiblesse, ils seront nombreux les adversaires à planter les banderilles. Comme les favoris vont devoir s’observer, c’est le moment pour les téméraires de s’offrir une étape en pirate à l’abordage des Portes du Soleil. Le capitaine Courage qui aura fait la différence au Pas de Mougins n’aura plus qu’à plonger sur Châtel. Gare à la griserie !
Aigle abrite le Centre Mondial du Cyclisme, qui n’est autre que le siège de l’UCI, et marque de manière symbolique le départ de cette étape pour les suiveurs avides d’architecture et de vélo. Une visite matinale pendant que s’échauffe le peloton permettra de découvrir cet ensemble réalisé par le consortium Tekhne Managment et les architectes Pierre et Pascal Grand livré en 2002 qui abrite un vélodrome, le bâtiment administratif de l’UCI et une salle de gymnastique.
Cet ensemble tricorps caractéristiques des années 2000 s’organise autour d’un grand ovoïde central, le vélodrome, encadré de part et d’autre par deux volumes prismatiques qui expriment par leur formalisation leur programme. Form follows function. « La composition du bâtiment en trois volumes contigus, exprimant par la complémentarité de leurs formes respectives les trois fonctions du programme, permet l’adaptation des dimensions aux données du programme prévu pour chacune des entités, en fonction des contraintes techniques et financières qui leur sont propres », précisent les concepteurs.
Le vélodrome et sa charpente centralisent la technicité du projet qui cherche à franchir cette grande portée en offrant une lumière naturelle généreuse et maîtrisée. Cette innovation marque l’apparition dans le système de couverture des membranes gonflables EPTL que l’on retrouvera plus tard à l’Allianz Arena d’Herzog et De Meuron à Munich avec une mise en œuvre en deux épaisseurs de coussin. Cette approche technologique, étonnante pour l’époque, offre aux cyclistes une lumière généreuse et diffuse qui confère à ce vélodrome couvert une ambiance particulière.
Arrivés à Monthey, nos suiveurs retrouvent le duo Bonnard et Woeffray rencontré lors d’une étape de reconnaissance. L’occasion de découvrir cette fois une opération mixte de logements et bureaux située en entrée de ville sur une parcelle anciennement occupée par un hangar des transports publics du Chablais. La voie ferrée qui la traverse confère une forme triangulaire qui sert de socle à l’approche volumétrique du projet.
L’ouvrage a cinq faces résultant se déploie par strates successives depuis un socle unitaire qui établit le lien avec la rue et offre aux passants une composition uniforme pour ce double programme. Un noyau central disposé autour du centre de gravité du plan permet d’obtenir une épaisseur continue entre la distribution et la façade en ramenant le plan à un triangle.
L’approche frugale à la sauce helvète observée en reconnaissance se retrouve ici avec une volonté de matérialité brute dans les circulations et du minimum d’action dans les parties habitées (bureaux et logements). « La structure en béton armé reste apparente, refends sismiques du noyau central, parapets, piliers et dalles. L’enveloppe comme les éléments de fermeture intérieure sont en métal », précise le duo.
L’approche chromatique de l’agence se retrouve également dans le choix des quelques revêtements complémentaires des logements en trois gammes de teintes. Pour les sols et les murs (linoléum et carrelage) : vert, bleu ou aubergine. Pour les cuisines, le mobilier fixe : rose, ciel et vanille. La façade en strates est habillée d’un bardage inox qui reflète par des prismes le paysage alentour et reprend l’un des gimmicks du duo.
Ayant repris leur chemin, arrivés au bord du lac Leman, les suiveurs auront le plaisir d’apercevoir la villa le Lac du Corbusier à Corseaux depuis la route. Il faudra cependant avoir l’œil vif pour la repérer depuis la frénésie de la caravane. La journée de repos du lendemain, pour les suiveurs qui ne souhaitent pas se rendre au Festival des Cabanes, leur permettra de la découvrir paisiblement. Sur place, découvrir le lac à travers la petite ouverture du mur d’enceinte…
A quelques encablures de là, prochain arrêt au Lavaux Vinorama de Rivaz conçu par l’agence Fournier et Maccagnan en 2010 dans les vignobles en coteaux autour de Montreux.
Ce lieu dédié à la promotion de la vigne et du vin, inscrit dans un site reconnu au patrimonial mondial de l’UNESCO, s’insère dans le jeu topographique des terrasses des vignobles en se positionnant le long de la route nationale qui longe le lac. Le programme s’inscrit parallèlement à ces courbes de niveau anthropisées quand la circulation extérieure nichée dans une faille permet de gravir la pente perpendiculairement pour accéder au toit.
Ce projet brut et minéral déploie une maille métallique accueillant une œuvre de l’artiste Daniel Schleapfer représentant des feuilles de vignes pixélisées sur sa façade sur route. Elle lui confère un statut de signal et une légèreté tout à propos qui évoque la couleur et la finesse du breuvage local.
Le béton déploie une matérialité singulière parfaitement adaptée au site. Elle est précisément décrite par les architectes : « les bétons composés de sable et d’agrégats du lieu sont coulés puis grattés au râteau avant leur prise finale. Le résultat, d’un aspect à la fois brut et travaillé par la main de l’homme, s’insère avec force et naturel comme un bloc de rochers ». Cette approche, qui remplit désormais les notes françaises de concours, se déploie ici sans pancarte ni annonce grandiloquente avec une antériorité historique réjouissante.
Les suiveurs, juste avant d’affronter le col des Mosses, arrivent à Château d’Oex et découvrent au pied du village l’opération de 33 logements « Les Monnaies » de l’agence Paterr architectes. Le projet est composé de deux unités articulées, autour d’une place, qui organisent les accès et diluent la massivité du programme en deux volumes distincts et opèrent une transition de gabarit entre des maisons individuelles et un ensemble d’habitation collective.
La distribution centrale irrigue quatre appartements par niveaux qui ont tous une double orientation et un séjour-cuisine organisé autour d’une loggia qui offre un espace extérieur protégé des intempéries. Ces loggias, situées aux quatre angles des constructions, structurent les volumétries et allègent les angles du bâtiment. Les façades habillées de bois local rendent hommage aux constructions existantes et proposent une teinte anthracite dès la livraison de l’opération afin de positionner directement la matérialité du projet dans sa gamme chromatique finale due à l’oxydation du bois au fil du temps.
« Quant à la matérialité du projet, l’objectif a été de réinterpréter l’authenticité de l’architecture locale à travers l’utilisation de matériaux bruts, mais avec un langage contemporain et élégant. C’est pourquoi, une attention particulière a été portée à la mise en œuvre de l’aspect fini du béton et du bois », souligne l’agence Paterr architectes.
De retour à Aigle, il est temps pour les suiveurs de s’élancer dans le pas de Mongin pour assister à la bagarre des cadors qui auront le Maillot jaune en ligne de crête pour passer au chaud cette escapade helvétique.
A Châtel, leurs classements dûment classés, pour clore la journée, les suiveurs se rendront au restaurant La Poya (terme désignant les peintures locales représentant la montée des troupeaux aux alpages) pour goûter une cuisine qui symbolise parfaitement cette étape à la fois lacustre et alpine. Un vin blanc Valaisan servit à la bonne température saura inspirer les suiveurs en vue de leur journée de libre du lendemain.
Guillaume Girod (dans la caravane)
Pour les suiveurs, retrouver :
– Toutes les étapes du Tour de France contemporain 2022
– Toutes les Reconnaissances d’étape du Tour de France contemporain 2022
– Toutes les étapes du Tour de France contemporain 2021.
– Le Tour de France contemporain 2020 : Le départ ; La suite ; La suite de la suite ; L’arrivée.
– Le Tour de France contemporain 2019 : 1ère semaine ; 2ème semaine ; 3ème semaine.
– Le Tour de France contemporain 2018