Cette étape de 143 km dans les Hautes-Pyrénées, avec l’enchaînement des ascensions aux cols d’Aubisque, de Spandelles, inédit sur le Tour, et enfin la montée d’Hautacam, sera dure pour tous les coureurs. Sera-t-elle pour autant déterminante pour le classement général ? Pas sûr, surtout si les positions sont figées depuis la veille. Mais, là encore, dans le sport, rien n’est jamais acquis et si une étape peut susciter surprises, imprévus et renversements de situation, c’est bien celle-ci ! Sinon, quelques pirates sauront tirer parti de l’inertie des leaders fatigués.
Les suiveurs du Tour de France contemporain de Chroniques, qui n’attendent pas de miracle, auront quant à eux évité Lourdes pour passer la nuit, ayant préféré se réfugier à Pau, capitale du Béarn. Là, en attendant l’arrivée de la caravane, même s’il est encore tôt, ils pourront au petit-déjeuner se régaler d’un fleuron régional, le jambon de Bayonne qui n’était pas de Bayonne mais était massé et salé au sel de Salies de Béarn. Les jambons bénéficient désormais d’une IGP pour cette spécialité qui couvre le bassin de l’Adour. Sur une bonne tranche de pain d’antan, on accompagnera la cochonnaille d’une, ou deux, la journée sera encore longue, tranches de tomme de brebis fermière.
Après la visite du château d’Henri IV – pour se souvenir de l’édit de Nantes et de la poule au pot – et un tour en funiculaire, se rendre à pied rue Louis Barthou pour visiter le lycée éponyme. Pas besoin de rentrer à l’intérieur, c’est la cour de récréation réalisée par l’architecte palois Pierre Marsan qui vaut le détour. Encore que ‘cour de récréation’ ne rende pas justice à cette réalisation, un mail serait plus juste peut-être.
L’espace est traversé par un réseau de cheminements dont les surfaces se déforment au gré de pliages et dépliages afin de créer des volumes où sol, parois verticales et toits ne font plus qu’un élément formant le préau et l’espace sanitaire. Heureux lycéens palois ! Pour le coup, si les suiveurs n’ont pas traîné, ils peuvent descendre la N134 pendant quelques minutes et pousser jusqu’à Bosdarros pour découvrir une autre école, en bois cette fois, du même architecte.
S’orienter ensuite vers le complexe République au cœur de la ville de Pau, qui, revisité en 2019 (Tranche 1 – Halles) et 2021 (tranche 2 – Tour) par les Parisiens de l’agence Ameller Dubois, a vu son marché couvert, flanqué d’un immeuble de bureaux trapu et en très mauvais état, devenir à nouveau un ouvrage identitaire de la ville.
À l’instar des musées, les marchés couverts deviennent aujourd’hui des bâtiments identitaires au cœur des villes, dédiés non seulement à la population locale mais aussi aux visiteurs de passage qui y perçoivent l’âme de la région. Le réaménagement urbain de la place de la place lui permet de retrouver sa vocation naturelle de lieu de destination, attractif et séduisant.
Conçue comme un espace libéré de tout poteau pour fluidifier les parcours et favoriser les échanges entre les commerçants et les visiteurs, la halle est ponctuée d’allées traversantes largement dimensionnées qui convergent autour de l’atrium central en double hauteur. Elle s’habille d’une enveloppe unitaire, en façade comme en toiture, constituée d’une résille métallique blanche aux perforations déclinées selon deux densités qui offre ainsi un généreux apport lumineux à l’intérieur tout en contribuant à la protection solaire.
Telle une « lanterne magique », la halle fait ainsi pénétrer la lumière naturelle le jour et diffuse sur la ville son éclairage intérieur le soir puis au petit matin lorsqu’elle s’éveille.
L’espace intérieur met en scène trois matériaux qui entrent en résonance pour offrir une atmosphère chaleureuse : le traitement en verre des garde-corps allié aux structures légères métalliques des étals permet de dégager les vues, tout en dialoguant avec la sous-face du plafond à claire-voie en chêne.
Conservant sa vocation civique, la tour restructurée accueille les locaux de la Police Municipale, divers services de la Ville et les bureaux de plusieurs associations. Elle fait l’objet d’un traitement architectural ambitieux visant à lui donner une image contemporaine séduisante par le traitement différencié mais complémentaire de ses deux parties.
Cette véritable vitrine gastronomique régionale aura ouvert l’appétit des suiveurs qui, heureux, dégusteront un confit de palombe (la saison de la chasse au pigeon ramier aux ailes bleutées se fait à l’automne, elles ne seront donc pas servies rôties comme on les vénère dans le Béarn) accompagné de haricot maïs, spécialité locale également et d’une lichette d’eau d’Ogeu. Pour ceux qui auraient encore un peu de place, finir le déjeuner sur une note sucrée avec un chapeau de d’Artagnan, un sorbet pruneaux et mousse d’Armagnac sur un lit de nougatine accompagné d’un panache de chantilly et célébrer dignement les Mousquetaires !
Repu, la visite pourra se poursuivre avec un détour par les logements « La villa du Midi », livré par les Bordelais de Flint en 2018 pour Béarnaise habitat.
Inspiré par la mise en valeur et les contraintes du site, le concept d’insertion urbaine s’affirme avec finesse et justesse. S’étirant en longueur au centre de la parcelle, l’implantation s’infléchit en forme de V afin de développer le maximum de linéaire orienté au sud et à l’ouest.
« Cette orientation, favorable en termes de thermique et d’éclairement, offre aux logements des vues sur le centre-ville et sur les Pyrénées au loin, en prenant soin d’éviter le vis-à-vis avec la barre d’immeuble en R+14 et les nuisances routières. La volumétrie compacte et monolithique s’élève du R+6 au R+8 afin d’accompagner une transition urbaine. L’épannelage du volume, ondulant parmi les arbres, joue néanmoins le contraste formel. Des balcons légers aux formes courbes confèrent à la résidence une image souple et apaisante, qui s’oppose délicatement à la rudesse de la barre voisine », expliquent les architectes.
En façade, un lattis vertical en aluminium blanc décline un rythme variable selon l’orientation et les usages : tantôt dense en bardage au nord et nord-est, tantôt en brise-soleil devant les baies vitrées des balcons sud et sud-ouest.
Après quoi, les suiveurs iront s’offrir un petit plongeon dans les eaux du stade nautique de l’agence bordelaise Brochet Lajus Pueyo en 2014.
En pied de colline, sur un superbe terrain dominé par de belles maisons anciennes et des tours d’habitations modernes, le nouveau stade nautique de Pau profite d’une vue enviable sur les cimes des Pyrénées. « Né de la restructuration de l’ancien stade nautique construit en 1963, c’est aussi un projet de paysage qui joue avec le relief. Sur un territoire où le tissu pavillonnaire laisse de grandes respirations vertes, il renouvelle les parcours piétonniers de la ville haute », expliquent les architectes.
Depuis l’avenue du Stade Nautique, seul le pliage de la feuille de métal formant sa toiture dessine sa silhouette. Réfléchissante et dynamique, cette cinquième façade dialogue avec les toits d’ardoises palois, la cime des sommets et le ciel omniprésent. Plus bas, face au parvis, l’horizontale d’un grand porche et l’escalier monumental vers la toiture jardin confortent le statut d’entrée d’un édifice public.
« Entre ces deux points, l’équipement se déploie sur trois niveaux en strates successives reliées par des rampes et des escaliers. Depuis le parc du Casino, une balade haute descend vers le parvis d’entrée à travers le nouveau jardin public couvrant la toiture des vestiaires. Ce couvert végétal percé de puits de lumière et d’un patio laisse la clarté du jour pénétrer généreusement à l’intérieur du bâtiment », ajoutent-ils.
De là, les suiveurs iront ensuite découvrir la restructuration du pôle de recherche de la faculté de droit, économie et gestion et l’Institut d’Administration des Entreprises de Pau livrée par le Parisien Patrick Mauger, l’occasion d’offrir des locaux fonctionnels, permettant de déployer un plus grand nombre d’activités et de valoriser l’image de la faculté.
« La composition originale du bâtiment a été renforcée : à l’ouest les administrations, au sud la recherche, au nord l’enseignement avec les amphithéâtres à l’est. Les bandeaux horizontaux qui signent fortement l’architecture de la faculté sont repris, réinterprétés de manière contemporaine avec de grandes plaques horizontales de terre cuite pour les centres de recherches et des bandeaux verticaux de terre cuite pour les centres de documentation », raconte l’architecte.
L’extension proposée au sud, comprend un axe vertical avec un escalier et un ascenseur. La phase deux prend en compte l’extension au nord et la reprise des flux verticaux. La composition d’ensemble avec trois points de circulations verticales permet une meilleure irrigation entre les niveaux, et aussi le développement futur de l’établissement. Des extensions seront possibles et facilitées au sud pour la recherche, au nord pour l’enseignement et les masters, et à l’ouest pour l’administration.
En extérieur, la façade est revisitée et modernisée. Les bandeaux horizontaux qui caractérisent l’architecture initiale sont repris. Un mélange aléatoire de cinq teintes de tuiles, émaillées et non émaillées, anime les façades du nouveau bâtiment et facilite l’identification. Ces nouveaux bandeaux abritent des coffres brise-soleil orientables et escamotables, pour une gestion personnalisée de l’apport lumineux et une gestion thermique optimale à partir de l’ensoleillement.
« La façade du bâtiment est constituée d’une double peau vitrée, équipée de brise-soleil verticaux en terre cuite. Elle fait office de tampon thermique l’hiver, avec récupération de calories, envoyées dans les bureaux situés au nord-est et nord-ouest. En été, elle sert de cheminée thermique pour évacuer les calories et renforcer la ventilation naturelle », complète-t-il.
L’emploi de matériaux biosourcés et écoresponsables (menuiseries bois extérieures et intérieures, isolation extérieure en laine de bois, terre cuite) contribue à une empreinte carbone réduite du nouveau bâtiment. D’autres dispositifs actifs viennent enrichir le travail de démarche environnementale : récupération d’énergie sur l’ensemble des centrales de traitement d’air, sur-ventilation naturelle nocturne, système GTB et double flux pour une réduction des consommations, optimisation de la lumière naturelle.
Après un dernier détour pour jeter un coup d’œil au Casino de Pau, signé de l’agence désormais parisiano-marseillaise Reichen & Robert et Associés et livré en 2019, il reste aux suiveurs largement le temps de rejoindre Hautacam pour assister à la dernière explication de texte en montagne entre coureurs dans ce tour de France 2022.
Redescendus dans la vallée, laissant les derniers sommets derrière eux, les suiveurs rendront hommage aux cousins basques en se tortorant d’un axoa de veau, un ragoût de veau mijoté avec des poivrons et du piment d’Espelette bien sûr, accompagné de riz et d’un verre de vin d’Irouleguy pour qui aime les vins ensoleillés. Les gourmands ne résisteront pas à une part de gâteau basque à la confiture de cerises, de quoi recharger les batteries déjà bien entamées après 20 jours de course !
Alice Delaleu (dans la caravane)
Pour les suiveurs, retrouver :
– Toutes les étapes du Tour de France contemporain 2022
– Toutes les Reconnaissances d’étape du Tour de France contemporain 2022
– Toutes les étapes du Tour de France contemporain 2021.
– Le Tour de France contemporain 2020 : Le départ ; La suite ; La suite de la suite ; L’arrivée.
– Le Tour de France contemporain 2019 : 1ère semaine ; 2ème semaine ; 3ème semaine.
– Le Tour de France contemporain 2018