
Certes le départ de cette étape est à Saint-Paul-Trois-Châteaux, dans la Drôme dont le tour parcourt quelques kilomètres avant de pénétrer en Ardèche. Mais Saint-Paul-Trois-Châteaux étant un petit bourg de 8 800 habitants, les suiveurs auront passé la nuit à Montélimar.
Au matin de cette étape donc, faire le plein de nougat (sans oublier la famille et les amis restés à Paris) et c’est parti pour un périple au long des fabuleuses gorges de l’Ardèche puis jusqu’à Nîmes pour sans doute un sprint massif – les sprinters survivants des Alpes auront envie de se dégourdir les jambes – à moins que le vent mauvais de la plaine du Gard ne provoque bordures et cassures et qu’un vieux grognard ne vienne dans la panique griller la politesse au peloton.
Avant de quitter Montélimar cependant, une visite rapide pour celles et ceux qui rêvent d’une maison contemporaine individuelle dans le budget d’un suiveur du Tour. A dix minutes du centre à vélo, voir (ou revoir) la maison individuelle en pierre livrée en 2019 par Gilles Perraudin sur un terrain issu de la densification pavillonnaire d’un faubourg résidentiel. Un ‘must see’ !
« Une maison manifeste », explique l’architecte. L’ouvrage est en pierre massive et ne nécessite ni isolant, ni enduit, ni peinture, ni entretien. En zone inondable, bâtie sur pilotis selon un plan carré, la maison organise les espaces habitables à l’étage autour d’un escalier central d’accès venant du rez-de-chaussée. Il est étonnant d’arriver chez soi par le milieu mais les circulations dans la maison se révèlent parfaitement fluides pour une famille de quatre avec deux enfants.


Appropriable en saison sèche, le rez-de-chaussée double la surface de la maison, le maître d’ouvrage ayant prévu une chambre d’été – déjà testée – puis d’autres pièces éphémères encore. Une cuisine d’été, près du potager, une piscine et un espace rustique permettent de passer l’été au frais. Le tout pour moins cher qu’une maison de constructeur, lambda et mal construite. De quoi donner à réfléchir !
Pour la traversée de l’Ardèche, les suiveurs oublieront un temps l’architecture contemporaine pour se réjouir de la féérie des gorges de l’Ardèche. Sur la route, faire une pause à Désaignes, bourg ardéchois d’un millier d’habitants. Faire coucou à l’architecte Cœur Vaillant Arnault Guin à qui nous avions déjà rendu visite lors du Tour 2018. Il construit des maisons individuelles dont la villa ci-dessous.

Changer de vie en s’installant à Désaignes, une idée post-pandémie ? (Si parmi les suiveurs, quelqu’un en sait plus sur l’architecture contemporaine en Ardèche, contacter le journal).
Dans le Gard, et plus encore à Nîmes, l’amateur d’architecture contemporaine à l’embarras du choix. Avant d’arriver à Nîmes par exemple, puisque c’est sur la route, les suiveurs qui aiment le sport par nature pourront aller visiter à Uzès la halle des sports Jean-Louis Trintignant livrée par NBJ Architectes (Elodie Nourrigat-Jacques Brion) à l’été 2017.
Un des enjeux majeurs de l’opération résidait dans sa capacité à générer de l’urbanité. Ainsi le parvis joue-t-il un rôle primordial. Pensé comme une place urbaine, il se veut homogène dans sa représentation, unissant les éléments piétonniers tout comme les zones de stationnement. Entièrement vitrée, l’entrée de la halle de sports offre une transversalité visuelle depuis le parvis directement vers la zone de jeux. La nuit, elle constitue un signal pour les visiteurs.


L’impact de la Halle des sports sur l’environnement immédiat est maîtrisé. Epousant la topographie, le gymnase s’adapte aux contraintes de la parcelle et du programme. Cette position a pour effet d’unifier le bâtiment ainsi que de lui offrir une identité unique en résonnance avec son territoire.
Juste avant d’entrer dans Nîmes, les suiveurs de l’architecture contemporaine peuvent faire un tout petit détour pour découvrir le Pôle éducatif Jean d’Ormesson signé MDR (Sancie Matte-Devaux, Frédéric Devaux et Arnaud Rousseau) et livré en 2020. Certes le site offre des vues extraordinaires sur toute la plaine sud de Nîmes mais, comme le souligne l’agence, « l’opportunité de construire un tel équipement sur un site de cette qualité mais dans un quartier sensible comme le Mas de Teste était un véritable défi pour une équipe de conception. Au-delà d’une réponse fonctionnelle, technique et architecturale, ce projet devait constituer un espace dans lequel les enfants aient plaisir à aller à l’école et les habitants du quartier aiment à se retrouver ».
Les strates panoramiques flanquées dans la pente prononcée du terrain sont constituées de dalles en béton abritant, entre ces grands plans horizontaux, les différents éléments du programme. Véritables mouvements tectoniques dans cette colline marquée par ses affleurements calcaires, les lignes de béton clair viennent s’ourler en rives, créant des pincements et des reliefs qui animent et affirment la minéralité des façades ancrées dans le terrain.



« Le bâtiment crée un espace public et réalise une véritable synergie entre le bâtiment et son environnement immédiat ; pour une école, lieu citoyen par excellence, creuset de convivialité, de dynamisme et d’ouverture, ce dialogue entre bâti et espace public est primordial », indique MDR. A vérifier donc par les suiveurs.
Puisque Nîmes est ville d’arrivée et de départ, les suiveurs vont pouvoir prendre leur temps et visiter la cité, en commençant par faire le tour des arènes, évidemment.
Cela fait, entrer dans le musée de la Romanité d’Elizabeth de Portzamparc. Ou comment instaurer un dialogue architectural entre deux bâtiments côte à côte mais séparés par 2500 ans d’histoire.

Le dialogue établi s’exprime à travers un jeu d’opposition et de complémentarité. Face à la masse de pierre et au dessin des arcs verticaux que Rome a légués, le bâti rayonne en une présence claire, lumineuse, une architecture contemporaine fluide et diaphane dont les drapés horizontaux semblent léviter sur le site et sur le jardin archéologique. Avec le Palais de Justice qui lui fait face, c’est une nouvelle vision de la place du parvis et de la courbe des Arènes que le Musée cadre de façon respectueuse et exceptionnelle.
Ce n’est pas tant ce concept puisé dans la grande et petite histoire qui fait la contemporanéité de l’ouvrage mais les techniques et savoir-faire actuels qui sont mis en œuvre et qui permettent ces ondulations des façades en céramique stylisée et composées de petits carrés de verre sérigraphié. Contemporanéité renforcée justement du fait de la simplicité du matériau et de l’abstraction de la composition ; face à la masse des pierres, une architecture dont le dessin n’est dénaturé par aucun affichage tapageur.



Nonobstant le fait qu’une façade légère s’imposait pour un bâtiment lourd car devant soutenir de très fortes charges dans sa muséographie – la moindre borne minière fait trois tonnes, les pierres du fronton antique en pèsent 26 – et que la légèreté s’imposait en regard de la puissance et de la force des arènes adjacentes, dans le projet d’Elizabeth de Portzamparc, c’est donc une céramique stylisée composée de petits carrés de verre sérigraphié qui emporte le projet. Pour se désaltérer, terminer la visite sur la formidable terrasse installée sur le toit, un espace public accessible à tous et lieu de rencontre. Du haut de ce musée, observer à 360 ° plus de deux mille ans d’histoire.

En sortant du musée de la Romanité, aller voir – ce n’est pas loin – le Carré d’Art Jean Bousquet conçu par Norman Foster, regroupant bibliothèque, médiathèque et musée d’art contemporain. Qualifié de « temple contemporain face au temple antique », ses proportions sont celles du temple romain tandis que l’espace entre les deux bâtiments, aménagé en place, rappelle symboliquement le forum antique.
Pas loin non plus, le ‘Colisée’ des Japonais Kisho Kurokawa et Mieko Inoue, un ensemble de bureaux, commerces et logements construit en 1991, s’inspire également sans détour de l’amphithéâtre romain. Même Jean Nouvel, tentant en 1987 de redéfinir le logement social, intitulait son projet ‘Nemausus’… en latin ! Le poids écrasant de l’histoire est donc partout présent à Nîmes, encore plus sur les épaules des architectes les meilleurs.
En tout cas, arrivé le soir, reprendre des forces autour d’une tapenade et commander une gardiane de toro (du taureau mijoté au vin rouge) suivi d’un Pélardon (fromage de chèvre de la région, à manger crémeux), le tout arrosé d’un vin du Gard généreux.
Christophe Leray (dans la caravane)
Pour les suiveurs, retrouver :
– Toutes les étapes du Tour de France contemporain 2021.
– Le Tour de France contemporain 2020 : Le départ ; La suite ; La suite de la suite ; L’arrivée.
– Le Tour de France contemporain 2019 : 1ère semaine ; 2ème semaine ; 3ème semaine.
– Le Tour de France contemporain 2018