L’architecte parisien François Scali travaille à Londres, Singapour ou Shanghai sur de grands projets. Mais c’est à Paris, avec de petites réhabilitations d’espaces, qu’il se détend. Son dernier loft, 70 m² dans le XXe arrondissement, est un petit « monospace » où rangement et chauffage bioclimatique s’accommodent de l’insoupçonnable légèreté du béton. Découverte.
« C’est un machin, un espace simplissime dans tous les sens du terme ; si on peut résumer l’architecture en trois choses comme cela – une dalle, un trou, un meuble – c’est de la bonne architecture et un objet de satisfaction« , explique l’architecte parisien François Scali. De fait, le projet peut être résumé ainsi : un grand meuble qui sert d’appui à la dalle, une grande dalle qui flotte en l’air, du béton brillant.
Son ‘Unité de logement’, comme il l’appelle, un monospace de 70 m² à Paris, dans le XXe arrondissement, est un peu plus qu’un machin. Habitué à travailler sur de grands projets – le chien assis de Shanghai par exemple, de son propre aveu, affole les bureaux d’études chinois – il trouve dans de petites réalisation parisiennes – c’est son second loft – matière à « diviser par 3.000 » ses inhibitions. Mais c’est justement à cause d’un « fameux manque d’humilité » qu’il doit déployer là qu’il parvient à convaincre que « more is less » ici. Là une énorme structure, ici des calculs fait à la maison et un contrôle de A à Z « sans prise de tête« . « La taille du projet ne mérite pas 25 dessins, ou alors il mérite toute une vie…« , dit-il.
Au départ il y a un vieil entrepôt et un architecte qui parvient à convaincre la S.C.I. de lui donner une plus-value architecturale. « Cette habitation très compacte a été imaginée comme une unité de logement mono spatiale : elle est constitué d’un seul volume de 3,5 X 3,5 x 20 m, et repose sur deux économies« , explique François Scali. Economie d’espace tout d’abord. « J’ai regroupé tous les rangements dans un seul gros volume de 16 m3 en partie centrale du logement« , dit-il. Ce grand meuble sert de séparation aux différentes fonctions et organise le logement : la cuisine est en partie décaissée, le dressing derrière le meuble se termine en bureau au droit de la chambre sur la mezzanine, l’espace chambre est sur la mezzanine. Economie d’énergie ensuite par l’utilisation d’un puits canadien urbain : une prise d’air passant sous la terre afin d’être plus tempérée que l’air extérieur.
Le système de chauffage est simple et bioclimatique : de grandes fosses creusées (à l’intérieur) devant les fenêtres, sont remplies de terre et amènent aux radiateurs un air plus doux l’hiver. La végétation dans ces fosses pousse devant les radiateurs, apportant une humidité complémentaire qui diffuse mieux et plus sainement la chaleur. « Ce dispositif permet 25% d’économie de chauffage, et apporte de la douceur lors des canicules, répondant ainsi pleinement aux objectifs de la RT 2005« , explique l’architecte.
Ce qui ne nuit en rien, au contraire, au minimalisme de la composition de l’ensemble. La géométrie du meuble, en médium teinté anthracite dans la masse, n’est rien d’autre qu’un « gros parallélépipède » par exemple. Et si la mezzanine donne l’impression de flotter, c’est que ses poteaux sont cachés dans le grand meuble de rangement.
Si un tel projet est l’occasion pour François Scali de poursuivre ainsi, sans inhibitions, ses propres recherches autour du thème de l’économie, c’est aussi (surtout?) le moyen de laisser libre cours à sa passion du béton – « pour donner matière au béton, il faut le composer comme une recette de cuisine puis s’adapter au savoir-faire de l’entreprise« , dit-il – et des escaliers. Ainsi, s’il ne revendique pas la qualité du béton brut et gris de la mezzanine, il s’est attaché à la finition du ciment dans les autres parties du logement pour créer un subtil jeu de contrastes. Le sol est en « surfadur » moiré (durcisseur de surface du ciment qui, selon la façon dont il est disposé peut rendre un effet de marbrures). « Sur le mur du fond, comme une marque de style devenue signature en réhabilitation, je laisse toujours une surface de l’état initial, vernie pour être protégée comme une œuvre d’art dont le temps sur la matière, est l’auteur« , dit-il.
Le maître d’ouvrage n’a pas eu à regretter la plus-value architecturale. Le logement monospace s’est très bien vendu. Quant à François Scali, il estime que « la sagesse serait de parvenir à réaliser de grands projets avec autant de détachement que pour ce petit loft« . En clair, il n’en est pas encore là et il n’a pas finit d’affoler les bureaux d’études chinois ou d’ailleurs. Jusqu’au prochain loft ?
Christophe Leray
Cet article est paru en première publication sur CyberArchi le 18 octobre 2006