« J’ai découvert l’Arabie Saoudite il y a plus de trente ans. J’ai eu la chance de découvrir le site d’Al Ula en octobre 2021* et d’y retourner en juillet 2022. Seul sur tous les chantiers, en basse saison estivale à haute température, j’ai compris le potentiel touristique et symbolique de ce lieu merveilleux ». Carnet de dessins de l’architecte Jean-Pierre Heim.
Je suis d’abord allé à Riyad, en Arabie Saoudite en 1988 pour planifier les rénovations d’une vingtaine de villas appartenant à l’Ambassade de France, dans le quartier diplomatique de la ville. J’ai dû attendre plus de 30 ans pour visiter la fabuleuse oasis nabatéenne d’Al Ula, dans le désert d’Hegra, une première fois en octobre 2021 puis en juillet 2022, grâce à des invitations de la « Commission royale pour Al Ula » à venir participer à la rénovation de la vieille ville de l’oasis.
Cette invitation, je la dois au Dr. Mounir Neamatalla, l’homme actuellement en charge de la rénovation de la vieille ville d’Al Ula. Pas du tout étranger à la conservation du patrimoine, il est reconnu pour la rénovation de Shali, la principale colonie de l’oasis égyptienne de Siwa.
L’œuvre de Mounir Neamatalla est une œuvre universelle. Alors que la Vieille ville s’effondre et est en voie de disparition, à travers son tissu urbain chargé d’histoire, fait de briques et de troncs de palmiers, de cordages et de travaux manuels, naîtra une architecture vernaculaire sans architecte.
Al Ula a été désignée par le Royaume d’Arabie saoudite pour devenir une destination écotouristique de premier ordre, en raison de ses paysages magnifiques et de son patrimoine qui offrira de nombreuses et extraordinaires découvertes aux hôtes sensibles à la culture. J’en suis certain.
Les contraintes sont le climat, la géologie et la culture, il est difficile de gérer avec spontanéité une volonté d’intégrer et de respecter l’environnement en rénovant une partie de la Vieille ville.
Bien que la ville ancienne ait été abandonnée au début des années 1980, elle a été pendant des milliers d’années le foyer de royaumes et de civilisations qui comptaient sur son eau abondante pour l’agriculture et avaient établi des routes commerciales à travers la péninsule arabique.
Al Ula contient les traces de plusieurs civilisations. Les Lihyan y établirent leur capitale avant de tomber aux mains des Nabatéens, eux-mêmes tombés aux mains des Romains moins d’un siècle plus tard. Les bâtiments et les tombeaux en terre de l’oasis taillés de haut en bas dans des massifs rocheux présentent ainsi une architecture éclectique composée de styles égyptiens, romains, grecs, assyriens et d’influences mésopotamiennes et phéniciennes. Cette architecture est née d’un mélange de styles connus pour leur extraordinaire simplicité et leur parfaite géométrie.
Le site témoigne d’une rénovation visionnaire d’une architecture généreuse de formes et d’humanité. C’est cette humanité qui ramènera Al Ula à la vie. Cent-cinquante travailleurs ont d’ores et déjà quitté Siwa pour travailler dans le pays d’A Ula.
Symbolique par sa position géographique au pied des montagnes sculptées, surplombant une oasis allongée où des hôtels seront construits, la position de l’éco-hôtel Al Tantora, pensé par Mounir Neamatalla, est magique ; c’est à une certaine heure à cet endroit symbolique où le soleil touche une structure triangulaire dans le sol et induit par son ombre la projection de l’heure.
C’est là que des centaines de villageois se rassemblent traditionnellement chaque année pour lancer la semaine annuelle après la pluie. Le long de la route principale, une odeur se mêle à la chaleur qui s’abat sur la ville. La rue d’accès principale est aménagée en espace commercial, c’est un véritable fleuve d’épices qui s’étire au fil des trottoirs et des échoppes. Poudre, couleur, odeur, tout se mélange dans une cacophonie magique de cette ville arabe. Al Ula renaît…
Lors du second voyage, j’ai vu à Jabal Ikmah, un site dans les montagnes, des messages sculptés et cachés désormais exposés comme l’héritage de la bibliothèque en plein air dans les pierres sculptées de la vallée d’Al Ula. Dans le désert de grès, des noms, des mots, des dessins ont été gravés sur la montagne depuis 2 500 ans. Ces messages sont remarquablement conservés, très peu de détérioration due au vent, au sable et à la pluie sont visibles. Ils constituent des messages d’adoration décrivant des histoires de caravanes le tout dans de très bonnes conditions.
L’Arabie Saoudite et la Commission royale d’Al Ula déploient des efforts énormes et une importante énergie économique pour développer un nouveau tourisme. A Al Ula, de nouveaux hôtels de luxe sont en cours de construction, il y en aura près de vingt-cinq dans un désert sec « avec de l’eau ». Tous les sites archéologiques seront visités en petits groupes limités pour permettre de mettre en place le tourisme de demain sans commune mesure avec le tourisme de masse observé ailleurs.
Cette nouvelle série de dessins sera montrée pendant la COP 27, du 6 au 18 novembre 2022, lors de deux expositions à Sharm El Sheikh dont une, spéciale, puisque les dessins seront exposés de jour et de nuit à la lumière des chandelles pour les soirées diplomatiques et internationales.
Jean-Pierre Heim, architecte
“Travelling is an Art” – Juillet 2022
*Lire Voyage à Al Ula, ancienne cité interdite bientôt ouverte aux touristes
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