Dernier échauffement avant les choses sérieuses – Les Alpes – cette traversée du Jura jusqu’à Lausanne, en Suisse, devrait voir les grimpeurs s’observer et rester prudent et en garder sous la pédale en prévision des étapes à venir. L’occasion pour des aventuriers qui ne visent rien au classement général de se faire la malle et d’aller s’expliquer à quelques-uns, au pied du dernier raidillon – un kilomètre jusqu’à 12 % de pente – jusqu’à la ligne d’arrivée. Pour gagner cette étape, il faudra du cœur !
Pour les suiveurs, la journée, une fois n’est pas coutume, commence à Dole (Jura) par quelques longueurs dans un bassin nordique, les occasions de se baigner, après les eaux froides de la Baltique et de mer du Nord, seront en effet rares désormais. Bref, dès potron-minet pour vraiment en profiter, se rendre à pied, exactement en cœur de ville, à l’Espace Pierre Tallagrand.
En effet, pour développer l’attractivité du centre-ville, la ville de Dole a opté pour une démarche originale en prenant le parti fort de regrouper en un lieu unique, en plein cœur de la ville historique du XIXe siècle, d’importantes surfaces sportives à destination des scolaires et du public.
C’est donc le moment de découvrir l’ouvrage livré en 2021 par TNA Architectes (Thierry Nabères) et Serge Roux Architectes pour la Communauté d’Agglomération du Grand Dole. Sur 9 600 m², compter une salle évènementielle omnisports avec gradins, un double gymnase, une salle de danse, un mur d’escalade et des bassins intérieurs et extérieurs, dont les fameuses lignes de nage du bassin nordique que les suiveurs apprécieront.
A la sortie des vestiaires, ils saisiront alors vraiment comment un centre sportif est capable, en l’occurrence, de donner à la composition urbaine de la Place Précipiano une nouvelle richesse due à l’assemblage d’une forme parfaitement régulière, caractéristique des Places d’Armes, contrebalancée par la diversité architecturale de ses bâtiments de profils et d’époques variés.
Après un café à la cafétéria, se rendre alors, à deux pas, au Théâtre de Dole restauré en 2022 par François Chatillon Architectes. Les suiveurs du Tour de France contemporain de Chroniques tendent à privilégier les ouvrages innovants plutôt que les vieilles pierres mais puisque, vraiment, c’est à deux pas, ce serait dommage de se priver.
Le premier théâtre de la ville de Dole est aménagé en 1754 dans un bâtiment militaire, attenant à des écuries. L’écroulement de ces dernières en 1839 déclenche la construction d’un nouveau lieu de spectacle moderne, contribuant à la diffusion et à la transmission des arts et des sciences et au développement de l’art musical. Le chantier s’étend de 1840 à 1844 sur les plans de style néo-classique de l’ingénieur-architecte Jean-Baptiste Martin.
Le nouveau théâtre répond alors aux principes de convenance et d’économie voulus par les pouvoirs locaux de l’époque. La multiplication des balcons et la forme du théâtre en fer à cheval permettent de magnifier le lien entre la salle à l’italienne et la scène, en renforçant la proportion intimiste du lieu. Les loges et les balcons sont garnis de velours rouge et le décor est peint sur bois et toile marouflée.
« Plusieurs adaptations ont été effectuées pour rendre le théâtre conforme aux attentes de notre société contemporaine », explique François Chatillon. Afin de permettre l’accueil de tous les publics, un ascenseur accessible depuis l’extérieur a été installé. Il permet de desservir le théâtre et son premier balcon où huit places pour personnes à mobilité réduite (PMR) ont été créées. En coulisses, une loge PMR permet dorénavant d’accueillir les artistes de façon universelle. Les flux de circulation ont été repensés pour faciliter les entrées et les sorties des spectateurs ainsi que leur déambulation à l’occasion des représentations. À cet effet, l’accueil, la billetterie et le bar ont été déplacés.
Bref, de la belle ouvrage conforme à l’esprit du lieu mais une rénovation, aussi excellente et convenue soit-elle, que ne nous envieraient sans doute pas Danois, Belges et Luxembourgeois.
Profiter des ruelles du centre-ville pour trouver un endroit accueillant où manger. Selon arrivage, choisir une matelote d’anguilles au vin rouge ou, pour les plus audacieux, une tourte d’escargot au comté. Sinon, partager sur le pouce une cancoillotte mettra tout le monde d’accord. Le tout arrosé avec modération d’un vin du Jura, vins plus nombreux que ne leur prête la culture populaire. A savoir, à Dole les portions sont généreuses.
Pas grave puisqu’il s’agit maintenant pour les suiveurs, qui ont déjeuné de bonne heure, de s’offrir une promenade digestive vers le Doubs, de traverser la rivière et d’aller découvrir « La Commanderie », salle de spectacles (de congrès et de sport), livrée à Dole en 2006 par Brigitte métra, l’architecte presque régionale de l’étape puisqu’elle est de Besançon (Doubs).
Point de départ à l’époque du futur aménagement de ‘Dole rive gauche’, ce pôle culturel situé face à la vieille ville, au bord du Doubs et au cœur du « jardin des métamorphoses », en constitue le point d’orgue. Dans ce contexte exceptionnel de ville « sauvegardée », à un jet de pierres des arches en ruines d’un pont roman, s’est posé le problème de l’insertion de cet équipement. « Le minéral et le végétal sont le support de l’inclusion recherchée, disparition et métamorphose sont les clés de l’insertion », expliquait alors l’architecte, assurant – déjà – avoir cherché « à retrouver l’écosystème et redensifier l’état naturel du site ».
Ce n’est rien d’écrire que Dole, ville moyenâgeuse qui fut capitale de la Franche-Comté, a le goût des vieilles pierres. Considérons encore les bizarres exigences des élus à l’époque : il est quand même rare que quiconque souhaite organiser des matchs de handball ou de volley dans une salle de théâtre. En clair, les contraintes étaient de deux ordres : insertion d’une architecture contemporaine dans un site naturel et patrimonial et fonctionnement d’un programme un peu surréaliste.
Les suiveurs verront alors par eux-mêmes que, pour Brigitte Métra, il ne s’agissait même pas d’une gageure puisqu’aujourd’hui la salle n’en finit pas de bien fonctionner. La preuse, s’il n’y a pas de concert en été au moment où passeront les suiveurs, la saison 2022/2023 de la Commanderie reprend en septembre avec un concert de Pink Floyd, ce qui signifie qu’elle est sur la route des tourneurs !
Mais bon, Brigitte Métra et les salles de musique, cf la Philharmonie de Paris, elle sait faire.
Ensuite prendre la route sans s’arrêter jusqu’en Suisse, autre pays visité lors de ce tour de France 2022, jusqu’à Lausanne. Pendant que les coureurs traverseront le Jura, prendre de l’avance pour avoir le temps de visiter le Campus de l’EPFL. Une visite à une école d’archi, en Suisse, c’est la moindre des choses pour les suiveurs du tour de France contemporain. A comparer avec l’école d’archi de Nancy ! Une fois sur place, impossible de se tromper : dans un contexte gris, le B1 signé Dominique Perrault (DPA) fait péter les couleurs du cercle chromatique en une ode maximaliste à la joie de vivre, ce qui est plutôt inhabituel chez lui.
Pour ce bâtiment livré en 2012, dix millions de francs suisses, soit neuf millions d’euros, furent convenus entre maître d’ouvrage, entreprise totale et architecte. Ce fut le prix à la livraison, après treize mois de travaux, y compris une extension non prévue au programme, un tribut à l’efficacité de l’ensemble. Particularité suisse, « l’entreprise totale » est une entreprise générale qui s’occupe également de la planification du projet attribué par le maître d’ouvrage, en plus des autres travaux de construction.
Ici c’est Lausanne !
Face au ‘Learning Center’ de SANAA, son ouvrage vise, selon Dominique Perrault, à « la reconquête de l’espace public ». Quid ?
Certes, ce bâtiment abrite des services administratifs, financiers et académiques de l’université et aussi un bureau de poste, une salle d’exposition, un café et chacune des vues de chacun des bureaux est ouverte sur le campus. Cela en fait-il pour autant un bâtiment ‘urbain’ ainsi que le prétend Dominique Perrault ? Aux suiveurs de le vérifier. S’ils ont le temps, faire un tour également au ‘Learning Center’ de SANAA justement.
Les suiveurs seront ensuite en quelques minutes à leurs postes de travail à l’arrivée pour voir quel homme fort va s’imposer juste avant les Alpes.
Le soir, l’étape depuis longtemps terminée et leurs articles envoyés à leur rédaction respective, les suiveurs peuvent descendre tranquillement jusqu’au bord du lac, se promener jusqu’à trouver une guinguette ou un restaurant et là se régaler de filets de perche – que l’on peut déguster façon meunière, une recette typiquement lausannoise – accompagnés peut-être d’un fendant frais. Quelques caracs au dessert arrosés d’un kirch local et bio feront l’affaire puisque les suiveurs rentrent à pied à l’hôtel.
Christophe Leray (dans la caravane)
Pour les suiveurs, retrouver :
– Toutes les étapes du Tour de France contemporain 2022
– Toutes les Reconnaissances d’étape du Tour de France contemporain 2022
– Toutes les étapes du Tour de France contemporain 2021.
– Le Tour de France contemporain 2020 : Le départ ; La suite ; La suite de la suite ; L’arrivée.
– Le Tour de France contemporain 2019 : 1ère semaine ; 2ème semaine ; 3ème semaine.
– Le Tour de France contemporain 2018