Strasbourg encore à l’honneur. Comment représenter l’architecture des souterrains ? Comment communiquer sur une architecture qui sera, par définition invisible puisque seulement intériorisée ? Eléments de réponse avec Aline Cousot & Enzo Sessini, Premier Prix avec leur projet de ville cryptée, ou encore Blackfriars station – un pôle d’échanges multimodal au cœur de Londres par Steve Meyer, 4ème prix. Et trois autres projets Béton !
Le 10 janvier 2019, à la Maison de l’architecture en Ile-de-France, le jury, présidé par Lorenzo Diez, architecte et directeur de l’école d’architecture de Nancy, a désigné les quatre projets lauréats et attribué une mention spéciale parmi 10 nominés du Trophée béton Ecoles.*
Projet lauréat – 1er prix : Aline Cousot & Enzo Sessini
La ville cryptée : les sous-sols de la place d’Italie, support de nouvelles spatialités – Paris XIII
ENSA Strasbourg – sous la direction de Dominique Coulon, Didier Laroche et Thomas Walter
La densification des métropoles et l’étalement urbain grignotent inlassablement les derniers espaces libres qui nous entourent. Ce constat a servi de base à la réflexion d’Aline Cousot et d’Enzo Sessini pour leur projet qui entend requestionner ces dynamiques au travers de nouvelles alternatives d’urbanisation : l’investigation des sous-sols.
Les jeunes architectes ont choisi Paris pour leur cas d’étude, la capitale se classant parmi les villes les plus denses du monde et dont le sous-sol est à la fois surexploité et en partie ignoré. La Place d’Italie, dans le XIIIe arrondissement, représente une interface urbaine majeure avec un carrefour infrastructurel en surface et un sous-sol où un réseau d’anciennes carrières cohabite avec trois lignes de métro.
Les enjeux auxquels ce projet tente de répondre sont multiples. Il s’agit de créer une articulation entre les composantes du site (parvis, programme) et les strates qui le composent (tissu urbain, voirie, métro, carrières). Réunissant des équipements publics comme un complexe culturel, cinématographique et sportif ainsi que des thermes, le projet s’efforce de marquer un temps d’arrêt au milieu d’un flux infrastructurel et de conserver un caractère parcellaire pour s’affranchir des connotations péjoratives liées au souterrain.
Dans la mise en œuvre du projet, le béton s’impose comme une évidence par son côté fonctionnel mais aussi esthétique jouant des contrastes entre un aspect brut ou sophistiqué en rappel au métro parisien et aux ouvrages souterrains. Les performances sonores, thermiques et structurelles du matériau et le fait qu’il pourrait être composé de granulats issus de l’excavation partielle de la place renforcent ce choix.
Projet lauréat – 2ème prix : Sabine Frémiot
La tour carree – Francfort (Allemagne)
ENSA Marne-la-Vallée – sous la direction d’Eric Lapierre
Pour son projet de fin d’étude, Sabine Fremiot édifie une tour carrée, fine et élancée, dans le quartier des affaires de Francfort. Parmi les volumétries complexes de ce secteur, la géométrie pure de ce gratte-ciel polychrome libère un espace public qui vient se greffer à la ceinture verte de la ville.
La régularité de la façade tranche avec la variété des espaces intérieurs qui réunissent bureaux, logements, jardins suspendus, une cafétéria, une piscine, des salles de sport et, au sommet, un espace polyvalent accessible au public.
Le béton s’est imposé comme une solution rationnelle pour cet immeuble relativement étroit (31x31m), où seuls les façades et le noyau central sont porteurs afin de libérer l’espace des plateaux. Les façades ont fait l’objet d’une recherche sur le dessin d’un module préfabriqué béton qui définit les proportions du projet. Au-delà de ses performances économiques et constructives, ce matériau définit une écriture homogène.
Unique sur l’ensemble des façades, le module varie pour s’adapter aux angles. Afin de préserver l’uniformité de l’extérieur, tout en répondant aux contraintes structurelles, il se réduit aussi en profondeur quand il gagne en hauteur.
Projet lauréat – 3ème prix : Pierre Ide, Arthur Bila, César Delebarre-Debay, Thibault Deschatre
Le parc des terrils – Vallée Mosane – Liège (Belgique)
ENSA Clermont-Ferrand – sous la direction de Dominique Vertu
Ce projet d’équipe mené par quatre jeunes architectes explore le béton de schiste pour un programme au service de la mémoire d’un territoire. Témoin d’un passé industriel, la vallée Mosane hérite d’un paysage parsemé de friches d’où émergent des terrils et au sous-sol excavé par un réseau d’anciennes mines.
Malgré tout, les terrils et les anciennes galeries représentent une source de production énergétique inexploitée. Ce potentiel souterrain se complète en surface par une grande qualité paysagère. Le projet vient s’intercaler dans une frange urbaine de la métropole liégeoise. Conçu sur la thématique du parc, il se compose de quatre éléments – une opération de logements, une serre-champignonnière et un bassin aquacole, une patinoire et des thermes – qui suivent un réseau de géothermie. Celui-ci, constitué par les anciennes galeries envahies d’eau chaude issue de la combustion naturelle des terrils agit comme un chauffage urbain et forme ainsi une source d’énergie pour les équipements.
Un béton issu de ce terrain nourri du schiste noir des terrils dicte la matérialité des quatre projets du réseau. Tantôt brut, poli, poncé ou sablé, il s’intègre parfaitement à l’atmosphère du site et vient rythmer le parcours constitué par les différents équipements.
Projet lauréat – 4ème prix : Steve Meyer
Blackfriars station – un pôle d’échanges multimodal au cœur de Londres (U.K.)
INSA Strasbourg – sous la direction d’Hugues Klein
Au cœur de Londres, la gare de Blackfriars s’élève au centre de trois pôles d’attractivité majeurs de la ville : la City, l’université et les nombreux édifices culturels qui longent la Tamise. Voies ferrées, métro, bus, parking, gare routière, réseau routier, de nombreux flux convergent vers ce site enclavé qui constitue, aujourd’hui, un réel verrou urbain.
En tirant parti des potentialités du site, Steve Meyer, architecte et ingénieur, a imaginé dans son projet une restructuration de cet ensemble qui permettrait de simplifier les infrastructures et les flux. Conçu telle une main tendue supportant un parc public, le projet offre un belvédère sur la Tamise, la City et les toits de la ville tout en respectant les règles urbaines qui limitent la hauteur des bâtis de la rive Nord et protègent les vues sur la cathédrale Saint-Paul.
Sous une toiture organique, un vaste hall est mis en scène. La transparence entre le projet et son environnement est soulignée par les grandes portées de la trame structurelle en béton brut. La structure élancée en béton fibré ultra-performant blanc intègre les circulations verticales à savoir les escalators, les ascenseurs et les escaliers et repose sur des fondations situées en profondeur aux abords de la Tamise. L’utilisation de ce béton permet de conjuguer monumentalité et transparence et redonne une échelle humaine au projet.
Mention spéciale : Simon Martin
Les silos de Mouy – Vallée de Thérain (Oise)
ENSA de Normandie – sous la direction d’Hervé Rattez et Laurent Sfar
Située dans l’Oise, la commune de Mouy s’est longtemps développée autour de son cours d’eau, Le Thérain, afin d’utiliser la force motrice de l’eau. Malgré un déclin d’activité lié à la désindustrialisation, la ville bénéficie de belles infrastructures routières et ferroviaires.
En centre-ville, de nouveaux aménagements faisant le lien entre la rivière et la gare sont à l’étude. Dans ce secteur s’élèvent deux anciens silos construits après la seconde guerre mondiale. Désaffectés et à l’abandon depuis une dizaine d’années, ils sont cependant reconnus comme témoins du patrimoine historique et industriel de Mouy.
L’architecte Simon Martin imagine, dans son projet, réhabiliter ces cathédrales de béton en programme mixte contribuant à redynamiser et densifier ce quartier. Le premier silo, de par sa volumétrie, sera transformé en un pôle jeunesse avec la création d’une extension qui permettra d’accueillir une salle d’audition. Pour des raisons techniques et acoustiques, la structure de cette salle, qui nécessite une portée de 15 mètres de largeur, sera en béton.
La configuration du second silo permet d’envisager la conception de 19 logements du studio au T5.
Le jury : Lorenzo DIEZ, Architecte et Président du Jury – Directeur de l’école d’architecture de Nancy ; Dominique BORE, Présidente de la Maison de l’architecture en Île-de-France ; Gilles DAVOINE, Rédacteur en chef de la revue AMC – Groupe Moniteur ; Stéphanie CELLE, Adjointe au sous-directeur de l’enseignement supérieur et de la recherche en architecture – Ministère de la Culture ; Christine CARRIL, Architecte – INCAA – Carril Architectes et Associés ; Paul CHEMETOV, Architecte – AUA Paul Chemetov ; Jérémy DELHOSTAL, Architecte – Lauréat de la 6ème édition du Trophée Béton Ecole ; Philippe DEPRICK, Architecte – Deprick et Maniaque ; Dominique DUBAND, Président du groupe Batigère ; Séverine FAGNONI, Architecte – ARCHIDEV ; Mario FERRARI, Architecte – Ferrari e Gaggetta : Marjan HESSAMFAR, Architecte – Hessamfar Vérons ; Hassnae BERKIA, Ingénieure structure – Chef de projet chez Tractebel
* Le Trophée béton Ecoles, organisé depuis 2012 par l’association Bétocib, le Centre d’information sur le ciment et ses applications (CIMbéton) et la Fondation École Française du béton, récompense, parmi les jeunes diplômés, ceux dont le projet de fin d’étude valorise les qualités esthétiques, environnementales et techniques du béton.