Annoncé par VSD début mai 2022, le philosophe de Chroniques a conçu et animera une série d’émissions de philosophie pour TV5 Monde. Au détour d’une réunion dans les locaux de la chaîne de télévision, Tom Benoit a croisé Louis Giscard d’Estaing. De l’urbanisme autour d’un café. Chronique du philosophe.
Si les grands travaux ont su graver dans la postérité de François Mitterrand l’image d’un président de l’architecture, il me semble que Valéry Giscard d’Estaing (VGE) peut être considéré comme le premier président de l’urbanisme moderne.
La démarche de VGE en 1974 correspond partiellement à celle que je préconise aujourd’hui ; c’est-à-dire, envisager l’architecture comme un lieu de claustration propice à ce que les songes comme les événements qui s’y déroulent soient en mesure d’accompagner durablement chacun des épisodes existentiels d’une aventure humaine.
Les décrets modifiant la nature des flux alimentaires sont les premières décisions ayant une incidence sur la santé d’une communauté.
Je le suggérais à Mme Nadia Hai, ministre de la Ville, lorsqu’elle m’a reçu au ministère (15 février 2022) pour évoquer ensemble l’avenir de l’urbanisme à Marseille ; la projection urbanistique ne peut pas être dissociée des plans d’action affectant la gestion de la santé collective.
Je parle ici de santé publique, pas seulement de médecine – ou alors peut-être, au sens grec du terme.
Dès l’élection de Valéry Giscard d’Estaing, est créé un grand ministère de la Qualité de la vie regroupant tourisme, jeunesse, sports et environnement.
En 1978, est institué un ministère de l’Environnement et du Cadre de vie dont les compétences rassemblent environnement, architecture, urbanisme, paysages, classement, et inscription des sites, abords des monuments historiques, pollutions, nature, qualité de vie.
Très jeune, j’ai été interpellé par l’écoute d’une archive de VGE apportant sa définition politique de l’écologie. L’ancien président de la République y défendait l’idée que l’écologie est une valeur de droite puisqu’elle consiste à conserver ce que l’on a. Discours dont se souvient parfaitement son fils lors de notre échange.
Je précise que mon appartenance politique n’est aujourd’hui classable ni à gauche ni à droite, l’échiquier politique étant devenu un monochrome dont le rouge ressemble à un bleu Klein et dont le noir s’accapare les révoltes populaires.
En outre, je pense que Giscard d’Estaing a su décréter de l’urbanisme d’actes, plus que de l’urbanisme de puissance comme nous en rêvons beaucoup depuis de trop longues années.
Il est aujourd’hui nécessaire de prendre pour exemple ce type d’application politique visant à faire durablement évoluer le panorama architectural tout en protégeant le patrimoine français.
Le plaidoyer de 1977 visant à défendre le littoral fut autrement profitable que bon nombre de théories idéalistes et caricaturales exprimées avec ferveur par les écologistes contemporains, dont les concepts prennent leurs fondements sur la dénonciation capricieuse du désastre environnemental plus que sur la volonté de juguler la confrontation opposant la terre à la société.
Cette discussion avec Louis Giscard d’Estaing fut également l’occasion d’évoquer les incohérences du champ normatif actuel, ne prenant pas suffisamment en considération les typicités de chacun des territoires du pays.
Cette situation évoluera lorsque les dirigeants politiques ne se prêteront plus au frivole exercice consistant à classer l’intérêt porté pour la France parmi les valeurs arriérées.
Tom Benoit
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