Avez-vous vu passer cette brève début janvier 2013 ? En Chine, deux ouvrages en construction : à Beijing, dans le nord-est, Galaxy Soho Complex est signé Zaha Hadid ; à Chongqing, dans le sud-ouest, ‘Meiquan 22nd Century’ ne l’est pas. Le second projet serait la version ‘piratée’ du premier.
Images à l’appui, il n’y a pas photo (voir ci-dessus et ci-dessous). D’ailleurs, Chongqing Meiquan, la société de promotion derrière le projet ‘Meiquan 22nd Century’, réfute les accusations et explique, sans rire, n’avoir pas voulu copier, seulement «surpasser».
Voilà un hommage appuyé.
Sans doute Zaha Hadid y est sensible.
Le fait est que l’agence londonienne a bel et bien été ‘piratée’ ; les plans d’éxé ne sont sans doute pas arrivés à Chongqing par hasard.
Au passage, notons l’évolution sémantique. Les projets sont désormais piratés. Avant ils étaient copiés. Avant encore ils étaient plagiés.
Imaginez une telle affaire en France. «Non, nous n’avons pas plagié, juste cherché à surpasser !». Mazette !
Ici, que la langue soit bonne ou mauvaise, le seul soupçon de plagiat donne lieu à de longues considérations chez les architectes, surtout chez ceux qui ne construisent guère.
Au-delà de tics d’écritures, de modes et d’éventuelles similitudes, en fait, les cas avérés de plagiat sont rares.
Cela écrit, si elles ne piratent pas – pas encore ? -, les agences françaises s’inspirent assidûment les unes les autres. Il faut être obtus pour ne pas apprendre des évolutions proposées par les meilleurs. Sinon, il ferait quoi, Panurge, de ses moutons ?
Pour cette raison, le droit international interdit le droit d’auteur sur les idées afin d’en permettre la transmission. Certes, il y a droits à l’image et protection des inventions et processus mais pas de brevet pour l’eau tiède.
Tandis que des laboratoires occidentaux déposent moult brevets sur le vivant – Géronimo ! -, la Chine estime qu’au titre des idées universelles elle n’est pas tenue de se plier à la règle du droit d’auteur. D’autres pays émergents ne sont pas loin d’y penser. Géronimo !
De fait, imaginer que la Chine réclame soudain un droit d’auteur sur tous les horoscopes du monde est propre à semer la panique dans les économies occidentales.
Tout ça pour dire que le promoteur de Chongqing a, en Chine, toute latitude pour «surpasser». Il y est parvenu à tel point que la presse parle de son projet dans le monde entier. Ce qui, en matière de communication, vaut son pesant de yuans. Ce n’est plus un pirate mais un tycoon !
L’occasion assurément d’évoquer autant l’original, le projet de Zaha Hadid à Beijing.
Tiens, à ce propos, à population équivalente, pourquoi les architectes allemands construisent en Chine dix fois plus que les architectes français ? Tiens d’ailleurs, pourquoi si peu d’agences françaises ont une quelconque influence en ces pays émergents, dont la croissance ‘architecturale’ ne se dément pourtant pas ?
Une pudeur à tartiner insolemment le tiers-monde est à leur honneur, mais bon. Alors quoi ?
Ah oui, c’est vrai, nous discutions de plagiat, une affaire d’importance haute en ce pays, comme le ‘mariage pour tous’…
En attendant, de Beijing à Chongqing, c’est Zaha Hadid qui est ‘piratée’ ! Elle l’est d’ailleurs aussi sans doute un peu partout sur la planète, sinon aussi effrontément. Que faire ? Appeler la cellule de soutien psychologique ?
A tout prendre, il vaut mieux être la copiée que le copieur. De fait, Zaha Hadid n’a pas l’air de s’en porter plus mal, merci pour elle. Le cas échéant, un procès à l’amiable fera de l’argent de poche.
Justement, en y pensant, pourquoi n’avons-nous pas, nous, d’histoires d’architectes français copiés effrontément n’importe où dans le monde ? Ce serait une bonne nouvelle, non ?
Il peut être argué en effet que le génie d’une architecte anglo-irakienne n’est pas plus indiscutable que celui de l’un des hôtes de ces bois. Pourtant, à Chongqing, ils n’en ont cure des architectes français ! A Xian non plus. Pourquoi ?
Zaha Hadid s’associe aujourd’hui avec le rappeur Pharrell. C’est Le Monde qui nous l’apprend*.
Pierres vives n’amasse pas mousse.
C’est ainsi qu’à Chongqing, un investisseur s’est surpassé !
Christophe Leray
* www.lemonde.fr/culture/article/2013/01/08/le-rappeur-pharrell-et-l-architecte-zaha-hadid-s-associent_1814104_3246.html
Cet article est paru en première publication sur Le Courrier de l’Architecte le 9 janvier 2013