Cette quatrième journée de reconnaissance* au cœur des Alpes est consacrée à la 12ème étape, réplique exacte de l’étape Briançon – Alpe d’Huez de 1986, qui emmènera les coureurs sur 166 km sur les pentes du Galibier, puis sur celles de la Croix de Fer avant de leur offrir en dessert les 21 lacets mythiques de l’Alpe d’Huez.
Cette douzième étape devrait donc faire le ménage entre les cadors et établir un premier rapport des forces en présence. A mi-parcours, à hauteur de Saint-Jean-de-Maurienne en Savoie, les suiveurs pourront s’écarter de la route du Tour d’une dizaine de kilomètres pour rejoindre Notre-Dame-du-Cruet, située sous le col de la Madeleine, et découvrir les nouveaux locaux communaux réalisés par l’agence grenobloise Lis et Daneau, mentionnés au Prix de la première œuvre 2021.
Cet ouvrage destiné à la vie locale de la commune abrite des locaux communaux pour les services techniques, le local de l’association de chasse locale et une cuisine communale qui peut accueillir les évènements communaux. Situé à proximité du four à pain, le projet accueille les festivités qui accompagnent sa fabrication.
« Nous proposons un bâtiment qui est un énorme mur de soutènement habité qui va créer une petite place, une toute petite urbanité dans un village qui est en proie à la question d’étalement (…) on offre une place couverte, le four est à côté (…) c’est un bâtiment couteau suisse avec peu de contrainte, pas de réglementation particulière, juste du bon sens », indique François Lis.
Le projet s’inscrit dans une filiation de l’école tessinoise revendiquée par les architectes au travers de la mise en œuvre de matérialité minérale et rustique. Le béton banché par un coffrage en sapin brut inclut des granulats de la gravière de la commune et illustre l’extrême efficacité de la chaîne courte de production du béton, notamment dans les Alpes où les cimenteries quadrillent le territoire. Ce mur de soutènement habité est réalisé à l’horizon d’une chaîne de production ultra-locale donc et d’une main-d’œuvre territorialisée. La filiation Tessinoise revendiquée par les AJAP 2020 s’incarne clairement ici, aussi bien par la parenté territoriale que par les ambitions architecturales au travers d’une structure puissante à la minéralité affirmée.
Le bâtiment s’installe à l’arrière de deux constructions existantes et d’un talus qu’il remanie. C’est à la fois un arrière-plan et le fronton de la petite placette recréée. L’ouvrage s’étire sur 32 mètres de long et recouvre deux volumes distincts séparés par un vide opportun. Ce préau offre un espace protégé permettant à la commune d’entrevoir de nouvelles modalités d’usage sous cette toiture en voûtains maçonnés blancs qui amènent une lumière zénithale traversante. Ce vide distribue les deux locaux et protège leur accès.
Les murs oscillent entre 20 et 30 centimètres d’épaisseur selon les besoins techniques, leur épaisseur est parfois amplifiée dans les embrasures pour suggérer une massivité plus importante. Les sas d’accès et les locaux sont habillés de lames de bois ou de panneaux de contreplaqué qui traduisent une volonté de mise en œuvre prosaïque.
« Nous souhaitons essayer des choses, revenir à des mises en œuvre les plus simples possibles, travailler comme un artisan, c’est ce que nous essayons de revendiquer, au moins en ce moment (…). Nous essayons de ne pas faire de placo tout de suite, de sortir des mises en œuvre traditionnelles pour construire plus durablement et plus simplement », souligne François Lis.
Cette approche claire et assumée par le duo se cristallise dans cette architecture qui dit ce qu’elle fait et fait ce qu’elle dit, jusqu’à sensibiliser ses plus proches voisins. L’un d’eux a choisi de refaire son muret de clôture en béton banché après la découverte de cette matérialité pendant le chantier des locaux communaux. L’architecture devient dès lors prophète en son pays et parachève le discours des architectes qui revendiquent une volonté de transformation de la conjoncture actuelle.
« Nous avons une possibilité, sans être trop arrivistes, d’apporter un renouveau dans le paysage de l’architecture de nos territoires. A l’échelle de Grenoble, je pense qu’on peut dire légitiment que c’est un renouvellement de l’écriture architecturale publique qui fait du bien. Est-ce qu’on le fait bien ou mal ? En tout cas, on a une volonté d’apporter une vision nouvelle », explique Clément Daneau.
Cette approche proactive dans un contexte rural, qui peut être à tort lu comme conservateur, démontre bien que l’architecture n’est pas nécessairement affaire que de volonté de la maîtrise d’ouvrage mais bien d’un positionnement clair de ses concepteurs. Ces locaux communaux auraient pu rejoindre la longue liste des bâtiments néorégionalistes savoyards construits au travers d’un MAPA de petite envergure, 260 000 € HT pour la construction, et participer à une certaine errance des constructions publiques. Bien au contraire, Lis et Daneau démontrent qu’une vision politique raisonnée associée à un discours clair et volontariste permet de fabriquer notre paysage collectif avec des ouvrages dignes et situés dans leur histoire.
Après cette petite halte, les suiveurs remontent le parcours dans le col de la Croix-de-Fer et filent rejoindre les 21 lacets de l’Alpe d’Huez. Cette longue journée au cœur des Alpes se termine dans l’Oisans et se prolonge sur la route de l’étape 13 du lendemain pour s’avancer quelque peu jusqu’à Saint-Martin-d’Uriage. Arrivé là, chercher et trouver la Maison Aribert pour déguster une truite du Vercors fumée et glace moutarde à l’ancienne accompagnée d’une Roussette savoyarde du plus bel effet. La nouvelle extension du restaurant par l’architecte Joëlle Personnaz fera sans aucun doute l’objet d’une visite plus approfondie lors de l’étape estivale.
Guillaume Girod (en reconnaissance d’étape)
Pour les suiveurs, retrouver :
– Les reconnaissances d’étape du Tour de France contemporain 2022
– Toutes les étapes du Tour de France contemporain 2021.
– Le Tour de France contemporain 2020 : Le départ ; La suite ; La suite de la suite ; L’arrivée.
– Le Tour de France contemporain 2019 : 1ère semaine ; 2ème semaine ; 3ème semaine.
– Le Tour de France contemporain 2018
* Comme les coureurs et leurs équipes du Tour de France 2022, qui s’élancera de Copenhague au Danemark le 1er juillet pour une arrivée à Paris le 24 juillet, reconnaissent leurs étapes, les suiveurs du Tour de France contemporain de Chroniques, pour leur cinquième participation, procèdent aussi désormais à des étapes de reconnaissance.