Pour cette seizième étape (179 km), l’entrée dans le massif pyrénéen pourrait sourire à des échappés… sous réserve de très bonnes dispositions pour la montagne, bien entendu. Car pour espérer lever les bras à Foix, il faudra d’abord tenir le choc en montant au Port-de-Lers et ensuite faire la différence dans le Mur de Péguère. Des talents de descendeur ne seront pas de trop pour plonger vers la préfecture de l’Ariège pendant une vingtaine de kilomètres.
Depuis Carcassonne (Aude), avant le départ des coureurs, après un café de rigueur, les suiveurs du Tour de France contemporain de Chroniques seront heureux de laisser aux hélicos des chaînes sportives les vues médiévales pour s’éclipser un moment du côté de Pamiers, déjà en Ariège et petite bourgade qui aura su reconnaître que l’architecture contemporaine ne nuit pas aux administrés.
Arrivé là, trouver le complexe sportif livré en 2015 par l’agence W-Architecture (Yann Courrech, Christophe Maisonobe, Bernard Voinchet et Raphaël Voinchet) qui vaut le détour. La singularité du site, une parcelle enclavée entre le centre aquatique, le stade et des habitations, la déclivité du terrain vers l’Ariège, pose des questions essentielles, celles justement que doit poser l’architecture contemporaine en zone périurbaine.
« Comment composer, dans une zone urbaine particulièrement hétérogène, un ensemble cohérent avec le bâti voisin ? Comment éviter qu’un bâtiment de cette échelle ne renvoie l’image d’un entrepôt sourd et muet ? Enfin, comment faire de cet équipement un outil performant adapté aux besoins des sportifs mais également exemplaire sur le plan environnemental ? » s’interrogent les architectes.
Ces questions essentielles ont guidé leur réflexion et une « écriture résolument contemporaine, sans ambigüité ». Cette dernière joue son rôle de passeur pour rester à l’écoute des lieux et s’attache à faire signe tout en les respectant. Symbole du lien social à tisser chaque jour, elle tente de créer les liaisons nécessaires avec son environnement.
Le complexe sportif n’est pas ici la seule curiosité contemporaine puisque sera apprécié un détour vers le restaurant de l’institut Notre-Dame, lequel valut à Benjamin Cros et Rémy Leclercq de remporter l’Équerre d’argent 2018 dans la catégorie première œuvre.
Jean-Claude Martinez, le président de la MAF, sponsor de la première œuvre, remarquait alors à propos de ces deux jeunes architectes, en leur remettant la récompense, que « la première œuvre est le symbole de l’avenir de cette profession, c’est une promesse que les architectes sont indispensables à l’acte de construire ». Benjamin Cros et Rémy Leclercq n’allaient pas le contredire. « La loi MOP reconnaît aux architectes le sérieux de la construction, pourtant, en 2018, la loi ELAN signifie une dégradation de la qualité architecturale », ajoutait alors Jean-Claude Martinez. Qui, encore plus aujourd’hui qu’hier, pour le contredire ?
L’institution Notre-Dame – établissement scolaire privé accueillant des élèves de la maternelle au lycée – avait alors besoin d’un nouveau pôle de restauration d’une capacité de 600 couverts, ce qui n’avait rien d’évident avec un site et un bâtiment tous deux classés, dont l’un des trois clochers de Pamiers, lui-même classé monument historique depuis… 1921.
« Il y avait un véritable enjeu architectural. Nous souhaitions défendre une architecture contemporaine tout en conservant l’aspect historique avec l’emploi de la brique », expliquent les architectes. « Le but était aussi de créer une nouvelle façade sur la rue. Un long mur en brique en claustra qui fait entrer la lumière tout en protégeant les élèves des regards. Et qui la fait ressortir quand il fait nuit », disent-ils.
Avant de reprendre la route, les suiveurs se seront sustentés d’un azinat, plat emblématique de l’Ariège qui a la réputation de tenir au corps. Il est cuisiné sous forme de potée à partir de légume de saison (comme le chou, de pomme de terre, blette, etc.) et de viande. Pour la touche sucrée, quelques fruits parmi ceux qui inondent en cette saison les vergers seront les bienvenus.
Avant de retrouver la route de Foix, faire un détour par la grotte de Niaux dont la magistrale entrée en Corten est l’œuvre, livrée en 1993, de Massimiliano Fuksas. Dans le massif du Cap de la Lesse, elle s’ouvre à mi-pente sur la vallée de Vicdessos. La grotte de Niaux, en Ariège, est l’une des dernières où l’on peut voir des peintures des hommes de Cro-Magnon.
En 1988, le Conseil Général de l’Ariège organise un concours pour la création d’un bâtiment d’accueil destiné à remplacer les constructions temporaires affectées à la billetterie. Il doit à la fois accueillir les visiteurs et faciliter leur accès au musée naturel. Un architecte catalan, un architecte italien, une agence toulousaine (Almudever et Lefebvre) et un architecte parisien (Henri Gaudin) proposent un projet. Massimiliano Fuksas, associé aux architectes nîmois Jean-Louis Fulcrand, G. Jourdan et Jean-Michel Capia, remporte le concours.
Fuksas propose un bâtiment sculpture, oscillant entre Land Art et architecture, qui devient la porte de la grotte. La structure de 28 m de haut, métaphore d’un grand animal préhistorique sortant de la grotte et déployant ses ailes, est à la fois un signal visuel depuis le village en contrebas et un belvédère sur la vallée.
Elle constitue une prouesse technique, répondant au vent dominant par son exposition plein ouest. Un parcours et une mise en scène du lieu sont proposés par une structure reposant sur pilotis, installée à l’entrée de la grotte et se développant dans la principale galerie. Elle est complètement ouverte, protégée par la cavité rocheuse.
L’acier auto-patinable est utilisé comme principal matériau pour les parois (en grandes plaques) et la structure. Sa couleur et son aspect finement grainé contrastent avec la roche calcaire et la végétation environnante, participant à son rôle de signal. Le sol des passerelles est constitué de bois et d’un caillebotis en acier oxydé.
Avant de reprendre la route, faire le plein de croustade du Couserans, une pâte feuilletée garnie de fruit, à grignoter en chemin.
Arrivés à Foix avant les coureurs, les suiveurs ont encore largement le temps de découvrir les logements Jean Ducroux imaginé par W Architectes et livrés en 2009.
Par sa situation particulière, le site – « un plateau » qui surplombe toute la ville – bénéficie d’une vue exceptionnelle sur la montagne. Cette configuration pose la question du paysage avec la plus grande force. « Comment répondre dans un tel environnement, de façon simple et pertinente, à un programme de logement social ? » se remémorent les architectes.
« Notre proposition adopte une démarche d’intégration et de continuité avec le site. Elle s’applique à révéler la texture spécifique du quartier haut en assurant une lecture continue des vides. L’image que renvoie notre projet est celle de la tectonique des plaques, comme si le bâtiment était le prolongement naturel des strates rocheuses affleurant au-dessus de la vieille ville », ajoutent-ils.
Ce dispositif permet de donner au projet son identité : il répond à la forte déclivité de la parcelle et fait entrer les grandes horizontales en résonance avec le paysage ; il guide le regard vers les montagnes du fond de vallée. Les logements se glissent entre les grandes dalles horizontales.
Les derniers coureurs n’étant pas encore au bout de leurs souffrances, il s’agit enfin de faire une dernière escale devant le centre aquatique de la ville de Foix conçu par BVL architecture et Christophe Blamm pour la communauté de communes du Pays de Foix-Varilhes.
Dans le centre-ville, l’équipement regroupe un centre aquatique ludique et sportif, un pôle administratif, une halte-garderie et un bureau d’informations jeunesse. Le volet urbanisme est prépondérant car il s’agit d’une création d’îlot urbain à part entière, pour lequel le parti pris a été d’aligner le projet sur les constructions existantes.
La compacité du bâtiment fait donc écho aux bâtiments publics voisins et la hauteur tient compte des maisons de ville à proximité. « L’élément fort de notre parti urbanistique s’illustre par la création d’un parvis devant le bâtiment. Multifonctionnel, il regroupe l’entrée à tous les services, administratif, piscine, halte-garderie, BIJ… Il est aussi une liaison douce traversée par les Fuxéens, le miroir d’eau situé au centre, l’aménagement paysager ainsi que le mobilier urbain offrent la possibilité de flânerie et de rêverie. Le parvis est devenu un espace intergénérationnel qui structure et anime l’espace urbain aux abords du pôle de services », expliquent les architectes.
« Des pierres locales ont été utilisées pour l’habillage des murs, nous avons également eu recours à toute une gamme de solutions techniques économes en énergie : moquette solaire en toiture pour chauffer la piscine, panneaux solaires, éclairage à LED, diverses récupérations, fumées, eaux… Le tout conçu et réalisé avec le souci de diminuer l’empreinte écologique du bâtiment tant dans la phase de construction que d’exploitation », concluent-ils.
Après l’arrivée des coureurs, les suiveurs ayant bouclé leurs papiers et comptes rendus, il est temps pour eux de conclure cette journée en profitant de la douce soirée estivale à la terrasse d’un bistrot, avec pour accompagner l’apéro traditionnel, un plateau de fromages régionaux.
Alice Delaleu (dans la caravane)
Pour les suiveurs, retrouver :
– Toutes les étapes du Tour de France contemporain 2022
– Toutes les Reconnaissances d’étape du Tour de France contemporain 2022
– Toutes les étapes du Tour de France contemporain 2021.
– Le Tour de France contemporain 2020 : Le départ ; La suite ; La suite de la suite ; L’arrivée.
– Le Tour de France contemporain 2019 : 1ère semaine ; 2ème semaine ; 3ème semaine.
– Le Tour de France contemporain 2018