L’université Paris Ouest Nanterre La Défense souhaitait en 2012, date du concours, un bâtiment regroupant ses différents laboratoires de sciences humaines et sociales. L’Atelier Pascal Gontier a livré l’ouvrage au printemps 2016. Structure bois complète jusque dans l’ascenseur, ventilation naturelle assistée et contrôlée… Manifeste de construction écologique ? Mieux peut-être. Visite.
A première vue, l’édifice est simple et sans fioriture. Il s’insère plutôt bien dans le gabarit du site et offre d’emblée une identité architecturale originale au regard de ses voisins de parcelle, fidèles représentants de l’architecture universitaire de béton et d’acier des années 60.
Le bâtiment Max Weber consiste en trois volumes parallélépipédiques articulés pour former un bâtiment R+4. Légèrement découpés aux angles, ils ménagent des terrasses et des espaces extérieurs sous pilotis. «Nous souhaitions une vision dynamique du bâtiment depuis l’extérieur et de l’intérieur ; les usagers se repèrent avec la lumière venue des angles» explique Pascal Gontier. Le bardage est d’aluminium.
Si le bois se devine à peine de l’extérieur, il est omniprésent une fois passée l’entrée, du vaste hall d’accueil aux espaces de bureaux et laboratoires, des escaliers à la cage d’ascenseur. Aucun noyau de béton nulle part, ce qui n’est pas banal pour une construction qui s’apparente à de l’architecture tertiaire. En ce lieu à deux pas de Paris, où le béton est encore roi, tel contraste entre la peau brillante et lisse de l’aluminium et le caractère organique et chaleureux du bois est une écriture originale en soi.
L’architecte justifie son parti pris constructif avec les arguments écologiques usuels – le bois matériau biosourcé, renouvelable et recyclable qui absorbe le carbone au cours… etc. – mais il met surtout l’accent sur la préfabrication pointue et la capacité de réaliser un chantier rapide et précis. Il donne le fond de sa pensée quand il dit «contribuer à l’ambiance chaleureuse des intérieurs», la ventilation naturelle devant justement y participer.
Cette volonté était dessinée dès le concours et le jury a fait un pari osé. «Nous avons atteint l’opportunité offerte par ce concours en créant une bonne dynamique d’équipe sur un projet innovant pour tous», souligne Patrick Bobin*, adjoint au directeur du patrimoine de l’Université Paris Ouest Nanterre, qui a mené le projet et participe à la visite. L’architecte lui rend sincèrement la politesse. «Le dialogue avec le futur utilisateur des lieux rend toujours les choses plus faciles, plus encore quand il s’investit, comme ici, dès les phases de conception de son projet», relève Pascal Gontier. Gestion du risque partagée ? Toujours est-il que maître d’ouvrage et maître d’œuvre se sont attachés à construire un bâtiment pérenne.
Quelle expression donner donc à ce matériau ? La structure n’est pas toujours apparente et, sauf dans l’auditorium, le bois n’est jamais utilisé en décoration. En fait, il est à chaque fois utile au mieux de ses qualités intrinsèques. D’ailleurs, lors de la visite de presse, le charpentier était là et il avait l’air drôlement content. «Nous avons souhaité que le bâtiment puisse s’exprimer dans sa structure sans pour autant créer une ambiance chalet», explique Pascal Gontier.
Le contreventement est mis en œuvre avec des panneaux verticaux en CLT. Les panneaux KLH viennent d’Autriche, ils étaient livrés au charpentier dans les Vosges qui les découpaient pour les envoyer prêts à monter sur le chantier. Et l’homme de l’art de souligner encore l’avantage de la filière sèche pour ce qui est de la rapidité du chantier. En revanche, la réglementation lui impose deux couches de vernis ignifuge pour la résistance au feu. «L’oxydation du bois en phase chantier est aussi un problème, chronophage et compliqué», souligne-t-il.
L’absence de ventilation mécanique a permis de supprimer faux plafonds et sous-planchers et si les planchers en bois sont de faible épaisseur ils sont recouverts d’une chape de béton brut au rez-de-chaussée avec un revêtement en linoléum aux étages afin de bénéficier de son inertie thermique. «Le sol en béton brut et le système de ventilation naturelle sont propices à un confort d’été optimal», poursuit l’architecte. La structure en poteaux dalles promet également un éventuel changement de destination sur le long terme, sans changement de l’identité architecturale.
Rationalité et simplicité de la forme, le bâtiment Max Weber n’en résulte pas moins d’une approche innovante de la construction tertiaire en bois qui réinterprète les codes environnementaux, dont notamment le standard allemand Passivhaus. Certes l’enveloppe est dans les clous notamment grâce à une forte isolation des parois pleines et des fenêtres et à une réduction des ponts thermiques mais, sans climatisation, l’immeuble ne dispose que d’un système de ventilation naturelle assistée et contrôlée, simple flux. Huit conduits ventilent chacun des espaces et les usagers peuvent ouvrir les fenêtres. En cas de besoin, une surventilation est possible. Bâtiment passif ? En tout cas un bâtiment dynamique. Sur le toit, une forêt de vingt-cinq cheminées hautes de 3,70 mètres réalisées sur mesure et coiffées de tourelles importées d’Australie. Une écriture en soi.
«Les consommations de ventilation mécanique double-flux que l’on trouve dans les bâtiments passifs sont habituellement équivalentes, voire supérieures, en énergie primaire, aux consommations de chauffage», soutient Pascal Gontier. Il faudra quelques années après livraison pour savoir si le bâtiment Max Webber lui donne raison. Faut-il réécrire le référentiel Passivhaus qui impose une ventilation double-flux ? Il est permis en tout cas de s’interroger sur sa pertinence.
La maîtrise d’ouvrage, dans ce cadre universitaire, demandait un bâtiment de prestige, capable de reconfigurer cette partie du campus et de valoriser l’image des laboratoires de recherche, de favoriser les échanges entre les chercheurs, de donner à la recherche une identité propre et de renforcer son attractivité auprès d’étudiants étrangers. Le pari était osé mais, en regard des réactions des premiers usagers, Pascal Gontier semble bien l’avoir relevé.
Léa Muller
*Lire l’entretien avec Patrick Bobin ‘Technologie : du champ des possibles au champ du réel’