Pour Dubois l’architecte tueur en série, autant que pour Ethel Hazel, sa psychanalyste, que pour Dr. Nut et Aïda, les policiers aux trousses du premier et dans le giron de la seconde, le temps est-il venu, des scènes du quotidien, de passer aux actes ?
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« Dans la vie, quand on pense le dernier acte arrivé, on s’aperçoit souvent que la pièce ne se comprend pas sans son épilogue ».
Richard Joly
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Scène 1 – 9h26 : dans le bureau du chef, dans une ambiance décontractée
Le chef (souriant et heureux des bonnes nouvelles) – Décidemment, vous avez accompli un travail formidable. Qui aurait pensé tirer autant d’informations des photos des vêtements d’un cadavre retrouvé à plus de 1 000 kilomètres et mort depuis plus de quatre ans !!! Alors la fliquette, comment s’appelle-t-elle déjà… ?
Dr. Nut – Aïda, elle s’appelle Aïda. Aïda Ash.
Le chef – Aïda, oui c’est ça. Alors Aïda, vous la gardez ou je la renvoie dans son labo ?
Dr. Nut – Si c’est OK pour vous, on la garde mais en fait tout dépend d’elle…
Le chef (rêveur) – Puisque vous parlez de budget, j’espère qu’en faisant le tour des bijoutiers de Paris, elle n’a pas trop fait chauffer la carte bleue.
Dr. Nut (souriant) – Il n’y a pas de danger avec elle, et elle se déplace à vélo !
Le chef – Elle ne ramène pas de notes de taxi, c’est ça que vous voulez dire ? Bon, si c’est OK pour elle, elle peut rester avec vous au 22, je vais pouvoir vendre le poste en parlant de ‘cold case’ comme à la télé, ça leur fera plaisir en haut lieu. Maintenant, dites-moi Nutello, comment avez-vous fait pour identifier cette Monica… Bergman c’est ça ?
Dr. Nut – Monica Bergman oui. Quand Aïda a récupéré la liste des bijoux commandés par Dubois, on s’est aperçu que les prénoms correspondaient tous à ceux de certaines de ses présumées victimes, dont justement on ne retrouve aucune trace, à l’exception de Gina. Et encore le fait que le corps de Gina soit réapparu ainsi n’est pas clair… Bref parmi les prénoms des bijoux il y a : Claire, disparue en 1990 ? 1991 ? Je ne suis pas sûr ;* Christèle, disparue en juin ou juillet 2000 ; ** Hilda, disparue en juin, juillet 2020 ;*** Géraldine, disparue en 2018, comme Gina mais plus tôt dans l’année ; Anna, disparue en 2020 vers Noël****, ce qui en fait deux en 2020. On constate une accélération qui semble correspondre à son divorce entre 2018 et 2020. Avec de longues périodes sans meurtres, du moins pour ce que j’en sais. Le divorce aurait-il perturbé son rythme ? Ou est-ce qu’il en a tué deux par ans depuis 30 ans !!!! Toujours est-il qu’il y a dans la liste une Monica dont je n’avais pas connaissance parmi les victimes de Dubois.
Le chef – Je n’ose pas penser à ce que cela peut signifier…
Dr. Nut – Je suis moi bien obligé d’y penser mais découvrir son nom lui donne une nouvelle réalité. Je dois cependant avouer que j’ai été surpris. Depuis le temps, j’ai checké et rechecké suffisamment de fois la liste de toutes les employées et stagiaires de l’agence Dupont&Dubois pour savoir ce que chacune d’entre elles, surtout les blondes, est devenue. Je ne me souvenais pas d’une Monica. Je suis allé revérifier la liste, une longue liste encore accessible aujourd’hui sur le site de l’agence Dupont Architectes de tous ceux de tous les pays ayant collaboré avec l’agence. Pas de Monica. Pour autant, j’ai pensé que Dubois, qui avait sans doute les accès internet, aurait pu subrepticement effacer le nom de Monica et personne n’en aurait rien su. Qui lit ce genre de liste ? Pour en avoir le cœur net, car ce ne pouvait pas être le hasard, sur la liste, elles ont toutes travaillé avec Dubois, j’ai demandé à un copain de checker dans les fichiers de l’URSSAF. Il lui a fallu du temps parce que ça date mais Bingo ! il y avait bien pendant deux ans, au tout début de l’agence Dupont&Dubois, une jeune architecte nommée Monica Bergmann. Elle a cessé de travailler à l’agence en novembre 1997, date de son dernier bulletin de salaire. Elle est – était – suédoise et j’ai eu un mal fou à vérifier qu’en effet elle avait disparue et que depuis longtemps les autorités suédoises avaient oublié son cas.
Le chef (soucieux) – Ca fait combien ?
Dr. Nut – Avec Monica, ça fait au moins sept, rien que dans la liste des bijoux…
Les deux hommes restent silencieux quelques instants.
Le chef – Mais aucune preuve probante ? Juste un faisceau de présomptions…
Dr. Nut (qui soupire) – Vaste le faisceau de présomption certes, mais aucune preuve formelle. Qu’est-ce qui empêche un patron d’offrir un joli cadeau à ses employées ou ses maîtresses ? La preuve, Gina a été retrouvée avec le sien. Nous sommes sûrs de la période à laquelle Gina a été assassinée mais nous n’avons ni le lieu ni même la date exacte de sa mort et croyez-moi que les Italiens ne sont pas tous convaincus qu’elle est morte à Paris en 2018 et non à Turin en 2022, alors un juge… On a des photos, vous les avez vues… Mais le tatouage par exemple pose plus de questions qu’il n’en résout. Tout le monde se tatoue n’importe comment aujourd’hui.
Après, un autre silence, le chef – Je vais en parler au juge, au moins que l’on puisse resserrer la surveillance. Je sais à quel point vous tenez à le coincer, moi aussi d’ailleurs car je n’aime pas qu’un tueur en série se promène tranquillement dans ma ville. Heureusement qu’il se révèle lui-même d’une parfaite discrétion, vous imaginez la peur sur la ville si la presse s’en empare ? Pour autant je crains à ce stade ne pas pouvoir en faire beaucoup plus qu’en parler au…
Drinn Drinnn : une lumière rouge se met à clignoter. Le chef, les sourcils froncés – « on ne peut pas être tranquille 5 mn » – presse sur un bouton : « Oui, Maud ? »
Maud – Un appel urgent pour l’inspecteur Nutello.
Le chef (surpris) – Pour Dr. Nut ? Très bien, passez-le-nous.
Une voix – Allo Nut, c’est Guillaume, de la PAF, ça va, je ne te dérange pas ?
Dr. Nut – Je suis avec le chef.
Guillaume – Oui on m’a dit mais j’ai pensé qu’il valait mieux que je te prévienne.
Dr. Nut (qui sent l’inquiétude monter jusqu’à la racine de ses cheveux, Guillaume Pelletier est le grand patron flic de Roissy, qu’a-t-il pu s’y passer qui le concerne ?) – On t’écoute.
Guillaume – Dubois, l’architecte, tu te rappelles ? Tu m’avais demandé de garder un œil au cas où mais bon ça fait un moment déjà, plusieurs années, alors je ne sais pas où tu en es. Bref, pour ce que ça vaut, ton Dubois il prend l’avion pour le Brésil, vol Air France pour Sao Paulo par le vol AF 460 de 10h25.
Dr. Nut et le chef en sont babas.
Dr. Nut – Dubois, nous en parlions justement !!! Et il part quand ?
Guillaume – Là, aujourd’hui, maintenant, dans moins d’une heure, il a déjà passé la douane, c’est comme ça que j’ai vu passer l’alerte sur son nom et que je me suis souvenu.
Dr. Nut (le cœur et le cerveau courant à toute blinde) – Guillaume, peux-tu le retenir ?
Guillaume – Je peux l’embêter un peu mais je ne peux pas l’empêcher de partir sauf si j’ai un ordre d’un juge.
Dr. Nut – Ok, garde un œil sur lui, j’arrive et le chef va appeler le juge, il devait l’appeler de toute façon à ce sujet…
Guillaume – Il est au Terminal 2E, Porte K49. Je serai là.
Le chef et Dr. Nut savent d’emblée que faire.
Le chef – J’appelle le juge, je vais voir si je peux le convaincre. Foncez à l’aéroport mais n’intervenez pas sans autorisation, je compte sur vous Nutello.
Mais Dr. Nut est déjà parti. Il appelle Aïda qui décroche immédiatement.
« Oui patron ? »
« Aïda, Vous êtes encore chez vous ? »
Aïda (alarmée) – « Oui, j’allais partir au bureau ».
Dr. Nut – « Parfait, foncez Porte de Clignancourt, et postez-vous à l’entrée du périph intérieur. Dubois se barre… On va à l’aéroport. Je vous prends dans 10 minutes au plus ». Sans attendre de réponse il a raccroché.
Scène 2 – 8h00 : dans le bureau d’Ethel
Ethel n’est pas habituellement déjà à son bureau à cette heure-ci mais cela fait plusieurs nuits qu’elle dort mal tant elle est préoccupée, à son corps défendant, par le départ de Dubois, mais, surtout, parce qu’elle ne cesse de penser à son article scientifique à propos du syndrome de la Belle au bois dormant de l’architecte Dubois. Et à Hollywood, tout ça… Elle est impatiente de s’y mettre. Alors plutôt que de tourner à ne rien faire chez elle, elle est venue tôt et a commencé par mettre de l’ordre dans ses dernières notes. Dubois, le Brésil, Gloria… Envahie d’une bouffée de jalousie, elle se demande avec une joie mauvaise comment va survivre cette Gloria. Si elle savait ce qui l’attend… Devrait-elle prévenir Dr. Nut ? C’est une info dont il serait sûrement content se dit-elle avant de se raviser : « j’aurais trop de choses à expliquer ! ».
Une heure plus tard, elle est assez heureuse de son organisation, toutes ses notes parfaitement rangées, classées par ordre chronologique et par thèmes. C’est la première fois qu’elle entreprend de rédiger un tel article et elle ne sait même pas comment elle s’y prendra pour contacter les éditeurs, encore moins ce qu’ils en penseront. Mais elle sent, pour une raison ou pour une autre, une sorte d’urgence désormais à l’écrire, ne serait-ce que pour se convaincre elle-même de la réalité de ce qu’elle s’apprête à décrire.
Elle a revu son plan en six sections : 1) introduction, 2) méthodologie 3) résultats, 4) discussion, 5) conclusion, 6) bibliographie. Elle sait qu’elle doit répondre aux question suivantes : Qui est Dubois ? Qui sont ses victimes ? Comment il les tue ? Comment il les conserve ? Pourquoi il les garde ? Depuis quand ? ET OÙ ? La seule question encore sans réponse. Elle a déjà commencé à préparer la bibliographie afin de la remplir au fur et à mesure pour ne rien oublier. Elle repense à ses premières entrées sur la page : « La belle au bois dormant » et rit soudain en se remémorant le nombre de fois où elle a lu et relu le conte selon toutes les sources et d’imaginer désormais – elle ne peut s’en empêcher – le Prince sous les traits de Dubois.
Comme elle n’a pas de rendez-vous avant 11 h, elle s’installe enfin devant la page blanche de son ordinateur et après quelques secondes de réflexion, elle commence à écrire.
TITRE : LE SYNDROME DE LA BELLE AU BOIS DORMANT DE L’ARCHITECTE DUBOIS
Introduction
J’ai rencontré Dubois l’architecte pour la première fois le 11 septembre 2018 quand il s’est présenté à mon cabinet après avoir pris rendez-vous quelques jours auparavant. Il m’a alors expliqué que…
(A suivre)
Scène 3 – Au bord du périph bruyant… 10h05
Aïda venue au pas de course est arrivée la première mais a très vite entendu Dr. Nut arriver, le deux-tons au maximum. Elle l’a entendu s’engouffrer sur la rampe de sortie du périph et elle le voit traverser sans ralentir la porte de Clignancourt avant de s’arrêter devant elle dans un crissement de pneus. Elle est à peine assise que Dr. Nut repart toute sirène hurlante et plonge dans les embouteillages du périph à fond les manivelles entre les files de voitures. Aïda, qui ne s’était jamais retrouvée dans cette situation, a sans un mot mis sa ceinture de sécurité et observe du coin de l’œil l’inspecteur concentré, sûr de lui. Elle voit les voitures qui s’écartent devant eux – c’est comme un ballet se dit-elle, ou comme une comédie – jusqu’à ce qu’un touriste et sa famille, ils sont du 56, ne sache plus comment se pousser et panique avec la voiture hurlante de Dr. Nut quasi collée à son pare-chocs arrière, le policier faisant de grands gestes furieux, et Aïda sent bien que le boss est à la limite d’exploser…
Une fois sur l’autoroute, passé le Stade de France, Dr. Nut accélère encore. « Je ne serai jamais allée aussi vite à Roissy », se dit Aïda, qui, la circulation un peu plus fluide quoiqu’encore chargée comme un matin de semaine à cette heure-ci, finit par se détendre.
« Il se barre où Dubois ? », demande-t-elle.
« Au Brésil ! ».
« Au Brésil ?!? ».
« Oui, vol Air France 460 de 10h25 ».
Aïda jette un coup d’œil à sa montre : 10h15. Ils sont au Bourget.
« Une fois sur place, on fait quoi ? »
« On avise ».
Juste à ce moment, sur la radio la voix essoufflée du chef.
« Dr. Nut, où êtes-vous ? ».
« On arrive à l’aéroport, on y sera dans moins de 10 minutes »
Le chef, surpris : « On ? ».
« Oui, Aïda est avec moi ».
« OK. Ecoutez tous les deux. Le juge a accepté le prétexte d’une supposée fraude fiscale – les architectes sont toujours en retard d’une facture et on pourra toujours vérifier que c’est le cas et puis j’ai garanti au juge que Dubois ne portera pas plainte. Bref, ça permet de retenir Dubois pour vérification. « Vous avez 24 h pour trouver quelque chose de substantiel », a dit le juge, sinon il faudra le laisser partir ».
« Ok, j’appelle Guillaume mais ça va être juste », dit Dr. Nut.
« Pourquoi m’avez-vous appelée moi et pas un gars de l’équipe ? », demande Aïda, quelques instants plus tard,
Dr. Nut, toujours concentré sur sa conduite lève les yeux au ciel : « parce que les gars ce matin ont autre chose à faire et que vous êtes la seule de l’équipe à travailler exclusivement sur Dubois. Si j’arrête Dubois et que je ne vous avais pas appelée, vous m’en auriez voulu pendant des siècles ».
Certes, pense Aïda, heureuse finalement.
« Et puis, de tous les membres de l’équipe, à cette heure-ci, vous étiez la plus proche de l’aéroport et sur la route. Vous habitiez dans le Val-de-Marne, je me débrouillais tout seul. Maintenant restez concentrée, on arrive », dit Dr. Nut.
Scène 4 –Terminal 2E, Porte K49. 10H15
Dubois est arrivé sans encombre à l’aéroport, déposé par un ami. Il a rejoint le terminal après les contrôles sécurité et traîné un peu devant les boutiques. Il a fait le plein de journaux et de livres, le voyage sera long : Paris – Sao Paulo, puis de là rejoindre Florianopolis, dans l’Etat de Santa Caterina – il ne sait pas encore comment il se déplacera, il s’est gardé de réserver sur internet la suite du voyage – puis retrouver Gloria à Barra da Lagoa. Rien que les noms le font rêver. « Un voyage au long cours », se dit-il en pensant à son idée de faire venir Gloria à Paris. « Ce serait peut-être la dernière », se dit-il « mais, si ça marche, ce sera mon chef-d’œuvre, un voyage au bout de la nuit, littéralement ». Lui-même n’est pas sûr de sa réussite mais qui ne tente rien n’a rien et il est de toute façon tout à fait heureux de (re)partir en voyage, presque des vacances, puisque tout est calé à l’agence, ce qui ne lui était pas arrivé vraiment depuis son voyage à Pétaouchnock, en Russie. Il a alors une pensée pour Nastassia, ou Nathalie, la guide au si joli nom ; là, ça ne s’est pas du tout passé comme il l’avait imaginé. « Un désastre ! » se dit-il en y repensant avec tristesse.***** Mais les passagers ont commencé à se rendre à bord et son rang est appelé ; il se lève et va les rejoindre dans la file.
Scène 5 – Dr. Nut et Aïda à l’aéroport. 10h22
Arrivés au terminal 2E, Dr. Nut et Aïda voient un agent leur faire signe. Ils se précipitent hors de la voiture. « Dr. Nut ? », fait le fonctionnaire. « Suivez-moi ». Les trois partent au galop à travers le terminal, l’agent devant eux montrant le chemin et faisant s’ouvrir les portes devant les touristes étonnés. Aïda en voit même qui prennent des photos et elle leur en veut. K49, c’est presque tout au bout, il faut courir. Le fonctionnaire a bientôt abandonné et Aïda est surprise de voir Dr. Nut, si massif et pourtant si véloce, courir aussi vite qu’elle.
En bout de course, ils découvrent la porte K49, vide et fermée, seul un policier de la PAF les attend. « Salut Nut ». Après une poignée de main, « je ne pouvais rien faire », poursuit le fonctionnaire. « Pour une fois que les avions partent à l’heure… », dit-il avec un triste sourire. « Je n’ai rien reçu du juge par écrit et le temps que tu me préviennes, l’embarquement était terminé et l’avion déjà en train de rejoindre les pistes. Je ne pouvais pas le faire revenir pour « une suspicion de fraude fiscale d’un architecte », tu imagines le bordel, excusez mon langage mademoiselle », dit-il en se tournant tout sourire vers Aïda.
« Je comprends, évidemment », dit Dr. Nut. « Guillaume, c’est Aïda, elle bosse sur le dossier Dubois. Aïda, Guillaume, l’hôte de ces bois et grand chef à plumes des pistes ».
« C’est quoi l’histoire ? Vous lui avez tordu le bras au juge ? », demande Guillaume, intrigué.
« Je ne peux pas te donner de détails, tu ne m’en voudras pas », répond Dr. Nut. « Mais que peux-tu me dire à propos de son voyage à Dubois ? »
« Bah pas grand-chose. Tiens regarde, c’est son avion qui décolle là… (consultant ses notes) Il a pris un billet aller simple Paris-Sao Paulo, avec un visa touriste de trois mois. Rien de plus ».
« Merci Guillaume, je te revaudrais ça ».
« Ce n’est rien ».
Dr. Nut et Aïda, silencieux – Aïda s’aperçoit qu’elle n’a pas dit un mot depuis l’arrivée à l’aéroport – retournent ensemble vers la voiture, chacun plongé dans ses pensées quand vibre le téléphone d’Aïda. Après consultation du numéro, elle décroche. Dr. Nut va pour s’éloigner quand elle lui fait signe de rester.
« Merci de me rappeler ».
« … »
« Ah vous avez appelé Dubois … ».
« … »
« Ha bon ???? »
« … »
« OK, merci infiniment, je reviens bientôt vers vous ».
Dr. Nut l’interroge du regard. « C’est le bijoutier, celui qui nous a donné la liste, il a prévenu Dubois, j’aurais dû m’en douter… », dit-elle. « Bref, après notre dernière conversation, j’ai soudain réalisé que je ne lui avais pas demandé si Dubois lui avait passé une nouvelle commande. C’est ballot. Du coup, pour être sûre, je l’ai rappelé et lui ai laissé un message. Il vient de me rappeler ».
« Et ? », ne peut s’empêcher de dire Dr. Nut.
« Et, en effet, Dubois a passé une nouvelle commande. Un tour de hanche. Le plus gros bijou qu’il fera jamais m’a-t-il dit ».
« Quel prénom ? », demande Dr. Nut, impatient.
« Gloria, elle s’appelle Gloria ».
(À suivre)
Scène 6 – Dr. Nut dans le bureau d’Ethel – 22h00
L’inspecteur a décidé de ne rien révéler à Aïda, se disant qu’elle découvrira l’effraction bien assez tôt en lisant ses notes. Déjà il se doute qu’elle doit se demander parfois comment il obtient ses infos. « Moi je n’en ai plus rien à battre de ma carrière si je me fais attraper, surtout si ça me permet de coincer Dubois », se dit-il. Mais autant de pas mettre en péril la belle carrière qui s’ouvre à Aïda en la mettant déjà devant un tel choix. Donc, tant qu’elle ne sait rien, elle est couverte.
Dr. Nut découvre à quel point le bureau d’Ethel a changé depuis la dernière fois qu’il est venu, plus gai, plus coloré, plus accueillant. C’est ici qu’Ethel a évoqué avec lui pour la première fois son concept de syndrome de la Belle au bois dormant. Bon, foin de nostalgie, il a du travail et il n’a aucun mal à retrouver le dossier de Dubois. Il est étonné : pour la première fois, depuis le temps qu’il vient clandestinement les consulter, les notes sont parfaitement organisées. Il est encore plus surpris de tomber sur le début de l’article d’Ethel.
Il a apporté bières et fruits secs, Ethel ne reviendra pas avant demain matin et, quitte à être dans l’illégalité, il a prévu d’y passer le temps qu’il faut. Il s’installe à son bureau, avec juste sa lampe de tête pour éclairer les pages et commence la lecture des notes d’Ethel Hazel.
Très vite il tombe sur un prénom Gloria. Le Brésil ! « Ethel savait et ne m’a rien dit », pense-t-il, furieux. Il lit avec avidité le compte-rendu de la thérapeute. Aucun doute, Gloria est encore vivante !!!! Cela signifie que les bijoux, depuis le début, Dubois les commande en avance, quand celles à qui ils sont destinés sont encore vivantes !!! Si la discrétion ne s’imposait pas, il en aurait hurlé ! Dubois je connais le nom de ta prochaine victime et elle est encore vivante !!!! Mais il se contient, contrôle ses émotions et se replonge dans sa lecture.
À travers les fenêtres, les illuminations de noël de la rue Labrouste, silencieuse, clignotent dans le noir.
(À suivre)
Dr. Nut (d’après les notes d’Ethel Hazel)
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