Le Prix Versailles a dévoilé à Paris le 30 septembre sa liste 2024 des Plus belles gares du monde : six gares ou stations de métro récemment ouvertes ou rénovées, qui servent à la fois la créativité, l’écho au patrimoine local et la performance écologique. Découverte des Lauréats, dont une gare en France.
L’architecture des gares connaît un grand regain d’intérêt, qui s’explique par leur contribution à un développement durable intelligent, comme le rapporte Jérôme Gouadain, secrétaire général du Prix Versailles : « Les gares sont redevenues un enjeu essentiel du cadre de vie. Elles remplissent leur rôle de porte d’entrée sur un territoire et, bien souvent, de place publique au cœur de celui-ci. Elles sont un condensé de vie et de ville, facilitatrices de mobilité et ambassadrices de transports en commun et écologiques. Faire de belles gares est un investissement on ne peut plus actuel et rentable pour nos sociétés ».
Gare du Schafbergbahn, Saint-Wolfgang, Autriche
Le Schafbergbahn, en service depuis 1893, est le chemin de fer à crémaillère à vapeur le plus raide d’Autriche. Sur 5,85 km, il mène de Saint-Wolfgang dans la vallée jusqu’au sommet du Schafberg à 1 783 m d’altitude, lequel offre un soufflant panorama à 360°. Compter 35 minutes à l’aller comme au retour pour un voyage bucolique.
L’expérience commence ou finit dans la gare de départ, à 542 m d’altitude, dont la structure historique a été réinterprétée et revitalisée par l’agence dunkelschwarz. Les espaces publics – salle d’entrée avec billetterie, boutique, restaurant… – occupent un hall lumineux ouvert sur le lac Wolfgang et les montagnes, une terrasse extérieure permettant de rester au contact direct des éléments. Avec ce matériau atmosphérique, le vocabulaire « industriel » rend hommage à l’histoire tandis que la conception et le bois chaleureux offrent toutes les aménités contemporaines de services et de confort.
Une « gare de plaisance » ou Erlebnis Quartier au charme éloquent.
Gare de Bell, Melbourne, Australie
Dans les vastes espaces australiens, le passage à niveau est devenu une frontière sinon une cicatrice quand la ville rattrape l’histoire. C’était le cas à Melbourne, où un programme général d’aménagement architectural et paysager a été engagé.
Née du talent et de l’imagination de l’agence Wood Marsh, Bell, située à Preston, fait partie des nouvelles gares surélevées. La station se distingue par une façade en béton faisant référence aux logements classés au patrimoine entourant le site, le paysage des toits de Darebin résumé en un motif tridimensionnel. Les fenêtres en verre multicolores filtrent la lumière et propagent dans l’espace du hall une atmosphère à la fois douce et tonique. Alliant culture et anticipation, un amphithéâtre public fait office de bassin d’inondation.
Relié au Grand Melbourne, le projet n’est pas dépourvu d’ambition, que ce soit en termes d’inclusivité ou d’écologie, comme en témoignent les nombreux espaces verts et terrains de plantation indigènes qui entourent les accès. Une réalisation surprenante qui contribue à redynamiser le paysage urbain en incarnant à la perfection la notion de durabilité intelligente.
Gare de Pékin, Pékin, Chine
Dix ans après la fondation de la république populaire de Chine, en 1959, lors de la construction de la gare de Pékin, le pays comptait environ 670 millions d’habitants, d’où les dimensions gigantesques de l’ouvrage pour l’époque. La gare fut construite dans le style traditionnel de l’architecture chinoise mais, dans un contexte de pénurie, les architectes et les artisans ont dû faire au mieux avec les ressources disponibles.
La rénovation intérieure signée WIT Design & Research permet de redécouvrir toute la richesse et la finesse du savoir-faire d’un peuple écrivant son histoire, chaque façade vitrée étant une œuvre d’art. Dans l’une des salles d’attente, les sièges en cuir ont même repris le vert originel des années 1950, soulignant ainsi une boucle nostalgique.
Plus étonnant, une fois les aménités et installations remises à jour, les espaces monumentaux d’origine se révèlent parfaitement adaptés en taille à la capitale d’un pays dont la population a doublé. Un joyau.
Gare de Toulouse Matabiau, Toulouse, France
L’architecte Marius Toudoire expliquait en 1905 à propos de la Gare de Toulouse Matabiau dont il est l’auteur qu’elle prenait la forme d’un nouveau « palais ». Plus de cent ans plus tard, il a fallu aux architectes
contemporains d’AREP éplucher les archives pour retrouver à travers ses multiples métamorphoses l’image à sa création d’un bâtiment désormais classé. Les structures métalliques, la marquise et les moulures ont pu être restaurées et les chapiteaux manquants reconstitués en staff. Les menuiseries monumentales de la façade sur le canal du Midi sont directement inspirées de celles dessinées pour la gare d’origine.
Le défi était alors de magnifier un bâtiment historique tout en modernisant son accessibilité et les services aux voyageurs. À l’intérieur, le choix des matériaux et des couleurs répond à un objectif de sobriété : le poli miroir reflète le mouvement des voyageurs et les lumières des commerces contribuant à l’animation et au dynamisme du lieu. L’architecture, résolument moderne, témoigne de justesse et de légèreté.
Station de métro Chiaia, Naples, Italie
En lien avec le projet architectural d’Uberto Siola, l’intervention artistique de Peter Greenaway se déploie dans la nouvelle station, participant à un voyage mythologique descendant au cœur de la ville. Chaque niveau est ainsi associé à une divinité et à une couleur.
L’entrée est signalée par une sculpture de Jupiter à vingt-quatre bras. La zone inférieure, teintée de blanc et bleu, accueille un puits de douze mètres de diamètre dédié à Neptune. Traversé par une rampe hélicoïdale, on peut y lire le vers d’Ovide : Est in aqua dulci non invidiosa voluptas (« Dans l’eau pure, il y a un plaisir
que personne ne regrette »). Plus bas, se trouve un espace dédié à Cérès, et structuré selon une matrice carrée. Dans ce cadre où domine le vert, sont exposées des reproductions de statues de la collection Farnèse du Musée archéologique national de Naples.
Un passage ocre, dédié à Proserpine, conduit enfin au dernier niveau, de couleur rouge pompéienne, et dominé par une coupole en acier dont le centre laisse filtrer la lumière naturelle jusque sur les quais. 320 yeux représentant le regard de Pluton, roi des Enfers, y contemplent les aventureux voyageurs.
Grand Central Madison, New York, États-Unis
Difficile d’imaginer aujourd’hui que 43 mètres sous la huppée Park Avenue et plus de 27 mètres sous la gare de Grand Central Terminal, se trouve Grand Central Madison, plus grande extension du Long Island Rail Road depuis 100 ans et exploit d’ingénierie. Une entreprise audacieuse pour ce projet titanesque associant AECOM, visant à améliorer la fluidité des transports vers Manhattan, en désengorgeant notamment Penn Station.
Si l’architecture de Grand Central Madison relève surtout de la prouesse technique, elle réserve une expérience visiteur bien inattendue. Par le biais d’un large hall et d’une mezzanine aussi vaste que lumineuse, les voyageurs pénètrent peu à peu dans des abysses tapissées d’œuvres d’art uniques, offrant un voyage initiatique hors du commun. Des commandes d’art numérique, des expositions Poetry in Motion sur des écrans LED monumentaux, une présentation permanente de photographies, des concerts et les derniers systèmes technologiques proposent une sélection spectaculaire.
Entre sobriété et galerie contemporaine, quel plus bel hommage au charme trendy de New York ?