Les architectes n’ont pas été mobilisés à ce point depuis 2003 et les initiatives se multiplient pour informer, sinon faire pression, sur les députés à l’heure où la loi ELAN entame son parcours parlementaire. Même le CNOA s’y met. Une journée d’action est prévue le 17 mai. D’ici-là, revue des initiatives des uns et des autres.
L’architecte n’est pas connu pour son côté rebelle mais depuis l’introduction du projet de loi ELAN, la profession s’emballe. A juste titre sans doute puisque le gouvernement prévoit de supprimer l’encadrement de la commande publique architecturale pour les bailleurs sociaux mais aussi pour les projets réalisés avec des fonds publics au sein d’une Opération d’Intérêt National (OIN) et des Grandes Opérations d’Urbanisme (GOU).
Ecrire à son/sa député(e)
Parmi les initiatives des architectes, celle d’écrire à son/sa député(e) pour le/la sortir de sa torpeur. Il y a un texte type : il suffit alors d’indiquer le lieu, de dater, signer, imprimer, poster, et chacun aura fait sa part.
Le ton de ce courrier type est parfois un peu gnangnan : «La France est un pays de culture, et la manière dont nous aménageons les espaces habités à travers l’architecture est une des manifestations les plus représentatives de notre développement culturel». Ce n’est pas ce genre de considérations qui va effrayer le gouvernement.
Plus intéressant dans ce texte est la reprise des citations d’Emmanuel Macron, candidat et président, en regard de ses intentions dévoilées dans le cadre de la loi ELAN. Pot-pourri :
«Replacer l’architecte au cœur des processus de créations de nos villes, de lui rendre sa capacité à inventer et d’en faire à nouveau un acteur du progrès et de l’amélioration de nos cadres de vie», déclarait le candidat. «Rompre avec la France moche», assénait le président. «La procédure de concours doit évoluer et tendre à redevenir la règle. Les concours d’architecture sont des espaces privilégiés de dialogue, d’échange et de compréhension. Ils doivent permettre aux élus de dépasser l’approche programmatique, fonctionnelle et financière et leur permettre de se saisir de la question architecturale», assurait-il. Maudit qui s’en dédie ?
Bref, pour le courrier type permettant de rafraîchir la mémoire de votre député(e), c’est ici.
Même l’Ordre se mobilise
En marge de l’organisation d’une grande journée de mobilisation nationale, le CNOA consulte de nombreux parlementaires pour les sensibiliser aux dangers que des réformes présentées comme «de simplification» font courir au cadre de vie de demain.
Le langage de ce texte est réglementaire mais ne souffre d’aucune imprécision. Ce n’est pourtant pas dans les statuts de l’Ordre de voler au secours des architectes mais, puisqu’en l’occurrence, c’est l’architecture elle-même qui est menacée, le CNOA monte au front, non sans quelque catastrophisme dans le propos. Exemple : «Tout le logement social sortirait ainsi du cadre vertueux de la Loi MOP, sans plus aucun garde-fou, au risque de reproduire les grandes erreurs du passé pour la qualité de l’habitat».
Un calendrier législatif accéléré ; démantèlement de la loi MOP ; suppression de l’obligation d’organiser un concours pour la construction de logements sociaux ; Création par les bailleurs sociaux de filiales de prestations de services ; prolongation jusqu’en 2012 de la conception-réalisation…
Bref, pour ce qu’il en est de la loi ELAN, le CNOA vous dit tout ce que vous n’auriez jamais souhaité entendre sur les conséquences du projet.
Eléments de langage
Enfin, autre initiative et autre approche, le CROAIF (Conseil régional d’Ile de France) propose une analyse didactique de la loi ELAN assortie d’éléments de langages qui devraient permettre aux architectes de ne jamais se trouver démunis face à leurs contradicteurs.
Par exemple, «en l’état actuel la création des GOU (Grandes Opérations d’Urbanisme) [Titre 1 – Chapitre 1 – Article 2-1] laisse la possibilité d’assurer en interne la MOA / MOE, l’instruction des autorisations d’urbanisme et de faire des dérogations tous azimuts». Cela méritait d’être noté !
A noter encore que le CROAIF n’est pas loin non plus d’un certain catastrophisme: «Ces évolutions comportent des risques en matière de gestion des fonds publics, transparence des procédures d’aménagement et en termes de qualité architecturale, avec des conséquences sociétales et économiques potentiellement lourdes».
Bref un texte un peu aride dans la forme mais qui sera d’une grande utilité face aux énervés de mauvaise foi.
Christophe Leray