Depuis Tours (Indre-et-Loire), une étape toute plate normalement destinée aux sprinteurs dont les équipes devraient imposer un rythme d’enfer à partir de la moitié de l’étape – quand le peloton laissera le chapelet des châteaux Renaissance du Val de Loire derrière lui – pour rattraper les éventuels échappés ou tuer dans l’œuf toute velléités de s’extraire du peloton pour aller tenter un coup.
Bref, cela va aller très vite en fin d’étape et c’est le matin que les suiveurs devront faire le tour du Tours contemporain lors de cette étape du Tour.
Au petit-déjeuner, ne pas hésiter : fouace de Rabelais – une petite brioche cuite au four aux saveurs de miel, d’épices et de noix – et nougat de Tours – qui comme son nom ne l’indique pas n’est pas une confiserie mais un gâteau composé d’un fond de tarte recouvert d’une marmelade d’abricots et d’une macaronade d’amandes saupoudrée de sucre glace. Les deux tiendront bien accroché toute la journée le cœur des suiveurs.
Ensuite, pour commencer, pourquoi pas un moment de recueillement à La chapelle Saint-Martin réalisée par l’agence Duthilleul pour l’éco-quartier de Monconseil à Tours et inaugurée en 2017. Selon Jean-Marie Duthilleul l’ouvrage de 200m² est « conçu pour envelopper la communauté qui se rassemble autour de l’aménagement liturgique ».
Composée de matériaux naturels, l’ouvrage se présente comme une coque de bateau renversée. Le socle et les fondations sont en béton : le reste de l’édifice est conçu en pierre naturelle et en bois.
La nef unique en forme de mandorle est éclairée par des fenêtres verticales étroites ouvertes de chaque côté entre des rangées de colonnes de pierre massive. Une voûte étoilée de 164 points de lumière naturelle, équipés de led, éclairent la nuit.
Le baptistère est à l’entrée de la chapelle, l’autel au centre et l’ambon, table de la Parole, dans le prolongement de l’axe central. Entourant ces tables, trois rangées de bancs se font face et épousent la forme des côtés pour signifier le rassemblement des fidèles. Le sol en béton blanc lissé présente une légère pente des pourtours vers l’autel, améliorant ainsi la perception de rassemblement. La participation des fidèles réunis sur les bancs en courbe et se faisant face est facilitée. Des sièges encastrés tout autour dans chaque fenêtre verticale complètent la capacité d’accueil de la chapelle.
Poursuivre ensuite jusqu’à La médiathèque François Mitterrand de la place du Nord signée des architectes Sophie Berthelier, Philippe Fichet et Benoît Tribouillet (BFT) et livrée en 2008. Dans ce quartier de petites barres replié sur lui-même, les suiveurs ne peuvent pas la rater : elle porte en gros caractères sur sa façade un poème de Jorge Luis Borges.
« L’idée était d’écrire une histoire autour de ce quartier, de faire lire ce bâtiment, utiliser les mots en tant que matière ; c’est une idée banale mais pas dans ce quartier où les gens n’ont pas l’habitude d’aller à la bibliothèque », explique BFT.
Si l’enveloppe principale est composée d’un mur-rideau de panneaux de verre réfléchissants ou opaques et d’inox poli miroir, sur les flancs de la médiathèque une paroi transparente en méthacrylate « épouse, en s’en distanciant, les formes galbées, magnifiée par la lumière qui vibre sur des copeaux de bronze doré récupérés chez un ferrailleur et inclus dans la matière. Un écran uniforme passe, comme une feuille diaphane, devant d’autres panneaux vitrés et des murs opaques, suggérant l’intérieur tout en isolant les salles de consultation de l’extérieur, sans que les limites ne soient jamais parfaitement définies. Un jeu de double peau qui masque et révèle, intrigue et appelle à la réflexion », expliquent les architectes.
Ces copeaux de récup aux formes improbables, sertis dans des panneaux en résine « moins froids que le verre », indiquent aux habitants de la place nord du quartier de l’Europe qu’ils ont droit autant que quiconque à la richesse, non formelle mais implicite en ce lieu de culture, que l’on a considéré qu’ils savaient être subtils et qu’à partir d’une vieille vis en bronze, ils pouvaient prendre un raccourci jusqu’à la création et l’abstraction, qu’elle fut architecturale n’étant ici qu’un détail.
Puisque nous sommes dans Tours Nord, avant de retrouver la route du tour, se rendre rue Daniel Mayer et aller voir les 53 logements sociaux, répartis en trois bâtiments autour d’un îlot ouvert traversé par des venelles publiques, signés Atelier du Pont et livrés en 2019.
« Les gabarits variés des bâtiments et leurs typologies adaptées (maisons superposées, petit collectif en plot et collectif) assurent la transition d’échelle entre un axe urbain structurant de la ville au nord et un quartier plus vernaculaire de maisons au sud », explique l’agence.
« Les différentes typologies créent une variété de volumes alors que le traitement des façades est homogène et épuré, revêtues de plaquette de terre cuite émaillée blanche, pour ne pas multiplier les écritures architecturales autour de la chapelle adjacente », explique Atelier du Pont.
Les bâtiments collectifs sont découpés par des loggias d’angle en bois sur lesquelles s’ouvrent les séjours et cuisines, créant un seul et même volume intérieur-extérieur.
Avant de quitter la ville, passer encore devant la tour Lumière de 17 étages livrée par Ferrier Marchetti Studio en 2016 sur les rives du Cher. Plus haut bâtiment construit à Tours depuis trente ans, il offre évidemment une vue panoramique incroyable sur la ville, surtout pour les meilleurs appartements situés au sommet.
Enfin, avant de s’engager derrière le peloton sur la route des châteaux, aller peut-être faire quelques courses à Ma Petite Madelaine (avec un a), ‘Retail Park’ de La Compagnie de Phalsbourg signé des architectes Nicola et Adélaïde Marchi, et inauguré en grande pompe en 2016 à Chambray-lès-Tours, en proche banlieue.
Un bâtiment plutôt réussi et construit dans les règles de l’art, jusque dans les détails. Seul problème, pour arriver à « Ma Petite Madelaine », il faut prendre un véhicule motorisé, conduire une vingtaine de minutes sur diverses rocades puis traverser une interminable ‘entrée de ville’, elle-même une ‘zone commerciale’ à ciel ouvert. L’architecture peut-elle être en même temps réussie et toxique ? Les suiveurs se feront leur propre opinion.
Restera alors sans traîner à remonter le peloton pour être à l’arrivée spectateur du sprint massif.
Christophe Leray (dans la caravane)
Pour les suiveurs, retrouver :
– Toutes les étapes du Tour de France contemporain 2021.
– Le Tour de France contemporain 2020 : Le départ ; La suite ; La suite de la suite ; L’arrivée.
– Le Tour de France contemporain 2019 : 1ère semaine ; 2ème semaine ; 3ème semaine.
– Le Tour de France contemporain 2018