Paris, c’est officiel depuis le 13 septembre, va recevoir les Jeux en 2024. Dans le cadre de sa candidature, la Ville de Paris a confié l’étude urbaine pour la conception du Village Olympique et Paralympique à l’architecte Dominique Perrault. Voici l’intégralité de cette étude signée DPA*.
[La première partie, signée de Dominique Perrault, est une présentation du contexte et une note d’intention quant aux ambitions du projet.]
Concevoir un village olympique
Pour les Jeux Olympiques et Paralympiques de Paris 2024, Dominique Perrault* conçoit le village comme un quartier métropolitain, ouvert et innovant mis à disposition de 17 000 personnes. Une véritable expérience du Grand-Paris, de sa richesse culturelle, de son dynamisme et de ses qualités paysagères est offerte aux athlètes du monde entier.
Étendu sur trois communes (Saint-Ouen, Saint-Denis, L’île Saint-Denis) et traversé par le fleuve – un fait inédit dans l’histoire des villages – le site est un territoire mixte dans ses fonctions, déjà habité, déjà objet de mutation. Les Jeux Olympiques, qui tirent leur appellation de la Cité Antique qui les a vus naître, nouent une relation forte entre l’identité d’une ville, son urbanisme et la pratique du sport pour délivrer aux nations rassemblées une expérience sociale et des valeurs communes. C’est précisément cette dynamique entre le local et l’international que Dominique Perrault a placé au cœur du projet.
Par l’attention mondiale qu’ils suscitent, par l’intelligence collective qu’ils mobilisent, par leur capacité à fédérer toutes les nationalités représentées et favoriser la mixité sociale, les Jeux Olympiques et Paralympiques constituent une chance pour la communauté internationale, pour Paris et ses habitants : un temps social fort et un facteur d’intensification du développement urbain. En regard, le Grand-Paris est synonyme d’un champ des possibles.
Connecté à tous les réseaux métropolitains, situé à proximité de la majorité des sites de compétitions, compact et jouissant d’un plan d’eau de sept hectares, le site du village répond aux exigences d’efficacité fonctionnelle du CIO tout en offrant la possibilité aux athlètes et aux délégations de vivre, ensemble, une expérience mémorable.
Les bénéfices attendus en retour sont nombreux et variés, allant du plus matériel au plus symbolique.
En tout premier, l’aire délimitée forme une nouvelle pièce qui relie L’Île-Saint-Denis au territoire et assure la continuité entre le Vieux Saint-Ouen et le nouveau quartier Pleyel. Une nouvelle gare emblématique du Grand-Paris Express – dans laquelle transiteront quotidiennement quelque 250 000 personnes – sera implantée à cet endroit. Le projet du Village Olympique renforce la logique et amplifie la portée des dynamiques de mutation «déjà présentes». La reconquête du fleuve révèle quant à elle les qualités paysagères oubliées au cours des dernières décennies.
Accueillir 17 000 personnes nécessite d’ajuster les infrastructures présentes et d’en implanter de nouvelles : nouveau franchissement de la Seine, mur antibruit le long de l’A86, enfouissement des lignes Très Haute Tension (THT), construction d’un échangeur autoroutier sur l’A86 sont autant d’exemples des projets rendus incontournables, profitant tant aux athlètes qu’aux futurs résidents du site, à terme.
De plus, la construction comme l’exploitation du site font largement appel aux dernières innovations, qu’il s’agisse de nouvelles techniques constructives – notamment pour les architectures démontables –, de stratégie environnementale, des solutions de transport intelligent, etc. : smart city aux ambitions élevées, le Village est la vitrine du savoir-faire français, mis à disposition des délégations étrangères.
L’héritage légué par les Jeux Olympiques et Paralympiques a également une portée plus métropolitaine dans une perspective de valorisation des ressources. À l’issue des trois semaines de compétition, le projet offre une grande flexibilité et permet la réversibilité des installations (logements, piscines et terrasses flottant sur la Seine, microarchitectures ponctuant l’enceinte, équipements, etc.). Cette dispersion sur l’ensemble de l’aire métropolitaine rend plus absorbable le legs matériel des JO.
Le projet de Dominique Perrault pour le Village Olympique de Paris 2024 fait vivre aux athlètes une expérience urbaine de qualité, singulière car ancrée dans son territoire. Pour le Grand-Paris, le Village olympique participe à l’écriture d’un récit collectif, en dotant le territoire de jalons au service de ses habitants et en activant la mémoire de chacun. Et pour les nations internationales, il offre l’occasion de découvrir le nouveau visage de la métropole capitale de la France.
[La seconde partie, plus didactique, présente chacun des enjeux du projet et les propositions de DPA.]
Renouer avec la Seine
La forme urbaine valorisante et attractive du quartier développe une trame urbaine et paysagère orientée vers la Seine. Le fleuve constitue un paysage retrouvé et un support d’attractivité vers lequel s’ouvre l’espace urbain. Un grand mail paysager développé dans le prolongement du boulevard Finot, s’élargit vers la Seine et offre de nouvelles perspectives au site. Le master plan paysager dans son ensemble renforce les connexions linéaires entre la rue Ampère et le fleuve créant une série de connexions linéaires qui cherchent à introduire le paysage de la Seine dans le nouveau quartier.
La proximité de la Seine devient également une attraction majeure pour le Parc Olympique, non seulement pendant les jeux, mais aussi pour le développement post-Olympique. Plan d’eau de 7 hectares fermé à la navigation pendant la durée des Jeux Olympiques, elle accueille divers usages récréatifs: piscine, bars sur barges et jardins flottants, et sur 1.5km les berges du fleuve sont aménagées pendant l’évènement pour le seul usage des piétons et des vélos.
Offrir des espaces publics généreux
Le plan d’aménagement urbain fait la part belle aux espaces publics et aux espaces verts. Le quartier s’organise autour de la Cité du cinéma qui abrite des lieux de détente, notamment un restaurant de 5 000 places installé dans la grande nef.
En bordure du fleuve, «l’Olympic Village Plaza», large esplanade de deux hectares, devient un repère dans le quartier pour l’accueil des médias et rencontres diverses. C’est sur cette place que débouche une nouvelle passerelle bus-piéton reliant ainsi l’île Saint-Denis à la Ville de Saint-Denis
L’implantation du bâti, dans une juste proportion entre hauteur et largeur, intègre de généreux espaces verts, avec des cœurs d’îlots très ouverts et paysagés. La nature est présente jusque sur les toits des immeubles de logements, conçus comme des espaces partagés ou dédiés à l’agriculture urbaine.
Une localisation optimale
Le futur village olympique se développe sur 51 hectares, dispersé sur l’île Saint-Denis, Saint-Denis et Saint-Ouen. Le projet urbain vise une amélioration des interactions entre le site, la Seine et la métropole.
Cette localisation minimise les déplacements des sportifs. Le Stade de France et le centre nautique seront à quelques minutes en bus, et la gare Saint-Denis Pleyel, à 800m du site, permet de rejoindre le centre de Paris, par les lignes 14, 15, 16, 17 du Grand Paris Express, et la ligne 13 du métro.
Landmark et inscription dans le territoire
Un nouveau bâtiment signal constitue l’élément phare du quartier, marqueur symbolique de l’événement. Il s’agit d’une tour olympique, placée au nord du quartier sur le site Universeine. Elle s’impose comme “pendant de la tour Pleyel”. Il s’agit du seul bâtiment de grande hauteur présent sur le site, majoritairement envisagé en R+5 à R+6.
Un quartier à hautes exigences environnementales
Le futur village olympique porte les hautes exigences environnementales défendues par l’équipe Paris 2024. Le projet envisage 100% de bâtiments passifs ou à énergie positive, 100% de matériaux biosourcés et 100% d’énergies renouvelables. L’implantation d’une agriculture urbaine sur les toits participe à cette volonté de développer un quartier innovant, démonstrateur de la “smart city”.
Réversibilité du programme
Le quartier offre tout le confort nécessaire à 17 000 athlètes pendant les JO, mais a également vocation à être un écoquartier agréable pour ses futurs habitants. Evitant les écueils des expériences passées, tels les villages olympiques de Londres ou de Pékin, le projet développe un véritable quartier de ville mixte, assurant l’accueil des athlètes pendant l’événement, et non l’inverse.
L’enjeu fut de façonner une forme urbaine extrêmement lisible et incluant des aménités pour chaque usage, un quartier à la fois unitaire dans son image et contrasté dans les usages qu’il permet, attirant in fine différentes populations, accueillant différents usages, suscitant un plaisir de vivre et d’être ensemble.
Les logements sont pensés dès leur conception pour une transformation possible après les JO. Les habitations seront transformées en quelques 2 200 appartements familiaux et 890 logements étudiants, et d’autres programmes s’implanteront dans le quartier: deux hôtels, 100 000m² de bureaux et activités tertiaires, un groupe scolaire et un gymnase. La gare routière du village olympique, implantée sur un terrain du RTE, sera transformée en un vaste parc de trois hectares.
Dominique Perrault
* Architecte mandataire : DPA ; architectes-urbanistes associés : LIN GM BH Architectes Urbanistes ; urbanistes-programmateurs urbains : Une Fabrique de la Ville, Paris ; paysagistes : Gustafson Porter, London