[Résumé des épisodes précédents. L’architecte Dubois, redoutable tueur en série de blondes aux yeux bleus, est depuis la veille en garde à vue à Paris. L’inspecteur Nutello – du service des personnes disparues, dit Dr. Nut – tente, vainement jusqu’à présent, de lui faire avouer quelque chose de concret. Ethel Hazel, qui suit l’architecte depuis quatre ans en psychanalyste, est témoin des échanges. Après tout, elle a survécu à Dubois. Elle va pouvoir mesurer sa chance.]
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« Je suis devenu architecte à cause de mon goût pour ce qui n’existe pas encore. Si je devais expliquer le sens même de ma décision, je dirais qu’il concerne le plus fondamentalement ce qui est en question, ce qui n’est pas encore. Vous voyez, il ne s’agit pas de besoin. Cela ne concerne que les désirs ».
Louis Kahn
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Mardi 12h30 – L’architecte vient à peine de finir de manger, en lisant le journal, quand arrive l’inspecteur suivi d’un fonctionnaire qui sans autre forme de procès débarrasse les reliefs du repas, emportant le journal. « Pourrais-je avoir un café ? », demande Dubois. Le fonctionnaire quitte la pièce sans répondre et sans le regarder. La porte à peine fermée derrière lui, Dr. Nut réarrange son dossier et remet les photos de ses victimes sous les yeux de son vis-à-vis.
Dr. Nut – Revenons-en aux stagiaires, à vos stagiaires plus précisément.
L’architecte – Lesquels ? Ou lesquelles, au féminin devrais-je dire. Stagiaire, stagiaire, c’est un mot qui finit désormais par ne plus signifier grand-chose. Vous savez, il vous faut être précis car, de plus, les stagiaires d’aujourd’hui ne sont plus les stagiaires d’hier.
Dr. Nut – Comment cela ? Moins fragiles ? Moins influençables ?
L’architecte – Je dirais l’inverse, plus fragiles, plus influençables mais c’est surtout que la nature des études a changé entre hier et aujourd’hui. Avec Madeleine, nous avons eu des stagiaires dès la création de l’agence. Mais à l’époque, ceux-là préparaient un DPLG. Alors de quels ou quelles stagiaires parlez-vous ?
Dr. Nut – DPLG ?
L’architecte – Diplômé par le gouvernement, D P L G ! C’était le diplôme des architectes qui leur permettait de s’inscrire à l’ordre et de construire dès qu’ils le souhaitaient. Ils avaient conscience des difficultés qui les attendaient, ils en avaient assez chié dans les ateliers, encore que ça dépendait desquels. C’étaient des étudiants mais aussi déjà de grands garçons et de grandes filles qui avaient le sens des responsabilités et une assez bonne idée des efforts nécessaires à consentir pour atteindre leur objectif : devenir architecte. Mais ça c’était avant.
Dr. Nut – Parce que ce n’est plus le cas ?
L’architecte – Non car les études d’architecture sont, pour simplifier, devenues des études académiques : licence, master, doctorat. D’ailleurs, je vous le demande, qu’est-ce qu’un doctorat d’architecture ? Qu’est-ce qu’un doctorat de boucherie ? Ha ha ha. Bref, nous voyons désormais passer une armée d’étudiants qui se préparent aux « nouveaux métiers de l’architecture » – quelle blague cela encore – et qui n’ont pas vraiment le début d’une idée de ce que construire, être architecte, implique de don de soi en quelque sorte.
Dr. Nut (sarcastique) – Don de soi ? Dans quel sens ?
L’architecte – Vous savez – non, vous ne savez pas – mais un projet d’architecture qui va durer dix ans va vous prendre la tête tous les jours, au bureau, sous la douche, au bar avec les copains, au lit avec Madeleine, ou Géraldine… Pendant dix ans, chaque jour et chaque nuit, à toute heure, et pour chaque projet pareil. Il faut imaginer le crépitement ! Ce n’est pourtant qu’une toute petite partie du travail, la meilleure, quand il s’agit juste de faire de l’architecture. Parce qu’il faut aussi gérer l’agence, tous les tracas administratifs, et ceux-là sont pour moi une torture continuelle, gérer des cycles financiers incertains – il suffit parfois d’un seul gros projet bloqué pour telle ou telle raison et c’est toute la structure qui est soudain en danger –, embaucher ou laisser partir en fonction des projets qui entrent ou qui se terminent. Les projets ? Il faut les chasser, perdre souvent, gagner parfois. Et quand tout cela est fait, il faut encore trouver le temps de lire des ouvrages savants et se déplacer aux expositions pour s’enrichir, tenter de gagner un prix ici ou là et communiquer et puis enfin trouver le temps d’un voyage à Venise ou à l’étranger quelque part, là encore pour voir et comprendre ce que font d’autres architectes dans d’autres contextes et ainsi nourrir cette réflexion qui vous prend la tête du matin au soir et du soir au matin. Être architecte est un sacerdoce, du moins ce l’était et ça le reste encore pour moi. D’ailleurs regardez-moi, je suis plus proche de la soixantaine que de la cinquantaine, les enfants sont grands et se sont à juste titre éloignés, je suis divorcé, ne me reste qu’une petite agence, on dirait la vie d’un vieux policier comme vous, pourtant je crois encore à mon métier, à ce sacerdoce, et je continue de faire don de ma personne ha ha ha…
Dr. Nut (qui pense à sa propre existence, presque similaire à celle de Dubois en ce sens que son métier prend toute la place, notamment quand il s’agit de ces jeunes femmes blondes disparues aux mains de l’architecte dont il pense bien être le seul à les chercher encore et lui sait que dans son métier aussi, il perd plus souvent qu’il ne gagne. Presque à regret) – Votre obsession n’a pas l’air si désagréable.
L’architecte (s’écriant) – Mais le travail n’a pas besoin d’être désagréable, nous ne sommes plus à la mine que diable. Il faut garder le sens des proportions. C’est ce sens-là que les nouveaux stagiaires et les nouveaux architectes sortis des écoles semblent avoir perdu. Ils viennent « travailler » à l’agence comme ils iraient bosser à Carrefour ou Bricorama. Pour la plupart, architecte, c’est un « job ». Déjà rien qu’à l’entretien : « Je vous préviens, je ne fais pas de charrette ! », et là vous savez tout de suite que ça commence bien. Le fait est que ces jeunes gens qui entendent tirer parti de l’aura du métier d’architecte choisissent de faire 9h-17h, comme n’importe quel fonctionnaire de base, voire comme un ouvrier d’usine, quelle tristesse ! Vous discutez avec eux et le plus souvent vous êtes abasourdi par leur manque de culture générale et architecturale et, plus grave encore, leur manque de curiosité. Ils sont très pointus sur les questions de rémunérations, moins sur les normes de la construction. Ils ne lisent pas de livres, ne lisent pas le journal, ils s’indignent trois secondes sur les réseaux sociaux avant de pleurer de bonheur trois secondes au même endroit. Comment devenir architecte quand vous êtes accro au sucre rapide ? D’ailleurs, on ne les voit plus aux pince-fesses, ni à ceux des institutionnels ni aux fêtes des copains. Quand on sait qu’il nous fallait vingt ans, et encore, en bossant comme des malades pour devenir un architecte qui tient la route, et les jeunes diplômés d’aujourd’hui ont l’impression d’avoir déjà fait tout le chemin. Alors oui le métier est en train de devenir désagréable, pour tout un tas de raisons, mais le travail en lui-même n’a pas à être désagréable sinon il faut changer de métier. D’ailleurs, je suis sûr que vous avez le même problème avec la formation de vos policiers. Qui a désormais envie de faire votre boulot ? Vous êtes avec moi depuis hier, vos vêtements sont tout froissés, vous avez l’air fatigué. N’avez-vous donc pas de vie inspecteur ? Pas une blonde qui vous attend en préparant le cassoulet ? Et puis tous ces gens, toutes ces femmes, qui disparaissent tous les jours et que vous ne retrouvez jamais, pas étonnant que quand vous avez trouvé ce qui pourrait ressembler à un coupable, vous lui mettiez le grappin dessus avec férocité.
Dr. Nut (caustique) – Et vous ? Y a-t-il une blonde qui vous attend et qui s’inquiète depuis 24h de votre absence en préparant le cassoulet ? Ou qui s’inquiète de la température du cassoulet pour ne pas finir dans une tranchée ou au fond de la pile d’un pont. Vous semblez pour votre part mener votre vie d’architecte avec férocité…
L’architecte (qui se masse le cou et soupire) – Ce n’est pas pour moi une question de férocité, au contraire. J’ai l’amour de mon métier, c’est lui qui me consume. Et ne vous méprenez pas, il y a encore d’excellents étudiants qui veulent apprendre à construire et qui font d’excellents stagiaires dans une agence et qui ont vocation à devenir d’excellents architectes. Mais ceux-là partagent souvent la même obsession que moi.
Dr. Nut – En ce cas, en toute logique, ils, ou plutôt elles justement, ont vocation donc à vous quitter.
L’architecte (avec ironie) – Peut-être justement parce qu’elles ne sont plus stagiaires…
Dr. Nut – De fait, l’âge de vos victimes augmente en même temps que le vôtre. Est-ce que ça vieillit mal un tueur en série, comme un architecte frustré sans plus ni d’idée ni force de l’âge ?
L’architecte (qui lève les sourcils) – Je ne vois pas ce qui vous permet d’affirmer cela.
Dr. Nut (comme s’il n’avait pas entendu, se met à fouiller dans son dossier dont il sort tout une série de photos qu’il étale au-dessus des autres devant Dubois) – Vous la reconnaissez ?
L’architecte (se penche sur les photos sur lesquelles il découvre des clichés pris durant plusieurs jours différents et à différents moments de la journée mais toujours avec le même angle, devant son agence à Belleville. Avec un grand sourire) – Hilda !* Ha pour le coup, en voilà une d’excellente de stagiaire, quasi déjà architecte. Une fille géniale. Et croyez que je regrette encore son départ. Elle aurait pu rester chez moi autant qu’elle le voulait.
Dr. Nut – Hilda de Jong. Une Hollandaise.
L’architecte – Néerlandaise, on dit Néerlandaise.
Dr. Nut (agacé mais fait comme s’il n’avait pas entendu) – Née à La Haye le 6 juillet 1995, 1,75m. Disparue de votre agence en juillet 2020, autour de son 25ème anniversaire. Bref, elle n’est pas restée. Où est-elle ?
L’architecte (se massant la nuque mais toujours souriant) – Ah ça, j’aimerais bien le savoir. Si par chance vous la croisez, dites-lui bien que je l’aime encore et qu’elle peut revenir quand elle veut ! Tant que je suis vivant, cette fille-là, cette femme-là pardon, sans besoin de quelque explication que ce soit, a une place au chaud dans mon agence.
Dr. Nut (surpris, c’est la première fois que Dubois exprime devant lui un quelconque sentiment à propos de l’une de ses victimes ; depuis hier il se montre froid et distant, peu concerné par le sort de ces femmes disparues, qu’il a pourtant connues) – Lui dire que vous l’aimez ?
L’architecte – C’est une façon de parler. Je le lui disais tout le temps « Hilda je t’adore » et ça la faisait rire.
Dr. Nut (toujours surpris) – Ca la faisait rire ?
L’architecte (il se penche sur les photos, en choisit une, se redresse le cou raide et la tend au policier) – Regardez-là, regardez-moi, il n’y a pas photo. Ha ha ha, ou alors, une fois de plus, vous me prêtez plus de pouvoir d’attraction que je n’en ai jamais eu. A quoi pensez-vous donc ? Evidemment que ça la faisait rire, heureusement d’ailleurs. Au fait, ces clichés ont été pris devant mon agence. C’est vous qui les avez pris ? Si vous la suiviez, que lui est-il donc arrivé depuis son départ de l’agence ?
Dr. Nut (sidéré par l’aplomb de l’architecte) – Figurez-vous que je n’ai pas retrouvé trace d’Hilda de Jong depuis son départ de chez vous.
L’architecte – Allons bon. Elle m’avait dit avoir trouvé du travail dans une autre agence à Paris, ce qui ne pouvait pas m’étonner. Elle est belle, douée, bosseuse, avec le Q.I. supérieur à celui d’un caillou, le ciel est sa limite et je ne serai pas surpris de la retrouver dans une superbe agence aux Etats-Unis ou au Danemark ou je ne sais pas où. Sauf ennui de santé ou accident, il ne peut rien lui arriver.
Dr. Nut – Vous ne vous êtes pas préoccupé de ce qu’elle devenait ? Si elle n’aurait pas eu « un accident » justement ?
L’architecte – Mais avec quelle autorité ? Je ne suis pas son père ou son tuteur. J’ai juste été son patron quelque temps, c’est une chic fille et j’ai essayé d’être un chic type mais non, je ne suis pas à la trace mes anciennes employées, sinon je serais devenu policier, peut-être comme vous tiens et c’est moi qui serais à votre place, et en regard des difficultés de mon métier, j’y gagnerai peut-être au change.
Dr. Nut (jette un coup d’œil subrepticement au miroir sans tain pour cacher son exaspération. Il se replonge dans son dossier, en sort quelques photos) – Et elle, vous la reconnaissez ?
L’architecte (narquois) – Vous connaissez donc tous ceux ayant travaillé pour moi à un moment ou un autre en trente ans de carrières ? Je suis impressionné inspecteur.
Dr. Nut (froidement) – Pas tous ceux, toutes celles. Le seul homme que vous avez trucidé, nous y reviendrons bientôt. Donc, vous la reconnaissez…
L’architecte – Il me semble en effet, peut-être, une autre stagiaire de Dupont & Dubois ?
Dr. Nut – Christèle Meyer,** née le 23 juin 1978 et disparue elle aussi sans laisser de trace en quittant votre agence vers juin ou juillet 2000. Elle a fait un long stage de cinquième année chez vous et elle n’a même pas été diplômée, du moins je n’en trouve nulle trace. Pourtant à l’époque, elle n’était pas loin de devenir architecte, comment dites-vous ? DPLG c’est ça ? Et voilà encore une autre brillante étudiante qui disparaît près de chez vous. Vous ne leur portez pas chance…
L’architecte (penché sur les photos d’une jeune femme lumineuse vêtue d’une robe légère, le soleil faisant resplendir des cheveux blonds tels une invitation au bonheur. Un peu crispé car son cou le fait souffrir) – Excusez-moi mais cela fait plus de vingt ans, comment voulez-vous que je me souvienne ? Si vous ne m’en parlez pas et ne me montrez pas ces photos, j’ai zéro chance de me souvenir d’elle. Ce n’est pas de la mauvaise volonté inspecteur. Je n’en sais rien si je porte bonheur ou pas, ce n’est pas à moi de le dire.
Dr. Nut (avec une fausse empathie) – Vous avez l’air de souffrir ? Voulez-vous une aspirine ?
L’architecte (qui retire sa main de son cou et ne peut s’empêcher de jeter un coup d’œil à la glace sans tain. « Est-ce somatique, comme dirait Ethel », se demande-t-il) – Des courbatures après une nuit hors de mon lit, ce n’est rien. Merci je veux bien une aspirine.
Dr. Nut – On verra ça tout à l’heure. Pour l’heure… (il se replonge dans son dossier et sort une nouvelle série, trois photos jaunies et d’apparences anciennes) – Et celle-là, elle vous dit quelque chose ou votre mémoire est-elle à nouveau défaillante, ce qui m’étonne pour un architecte.
L’architecte (devant désormais une pile de photos qui s’entassent, il observe l’image d’une petite jeune femme, d’une vingtaine d’années peut-être, les photos prises devant le Palais de Chaillot au Trocadéro à Paris il y a longtemps : personne n’a un téléphone portable à la main. En relevant son regard, il secoue sa tête de gauche à droite pour soulager son cou endolori) – Désolé inspecteur, je n’ai aucune idée de qui il s’agit.
Dr. Nut (qui connaît ses notes par cœur mais fait mine de chercher) – Claire Prévot.*** Née le 26 octobre 1970 à Caen.
L’architecte (sidéré : « comment sait-il ? » et dans la seconde qui suit, avec un sentiment chaleureux qui l’envahit, sauf dans sa nuque raide, « et comment pourrais-je l’oublier ? ») – A nouveau, inspecteur, je ne vois pas qui c’est et je ne comprends pas pourquoi vous me montrez ces photos.
Dr. Nut – Si je vous dis qu’elle a disparu après avoir fait votre connaissance ?
L’architecte (qui secoue la tête comme un sportif avant le match ou la course, sans regarder le policier) – Je vous dirais que je n’ai aucune idée de qui est cette fille. D’ailleurs, visiblement ces photos ne datent pas d’hier.
Dr. Nut – Elle est entrée en première année à l’école d’architecture exactement en même temps que vous. Sauf que, elle, elle n’en est jamais sortie si on peut dire.
L’architecte (se massant la nuque) – Et cette aspirine inspecteur ?
Dr. Nut – Oui, oui, nous verrons ça. Donc vous la croisez à l’école. Que vous avait-elle donc fait pour que vous la fassiez disparaître ?
L’architecte – Puisque je vous dis que je ne la connais pas. Quand a-t-elle disparu d’ailleurs.
Dr. Nut (ne peut s’empêcher d’hésiter) – en 1990 ou 1991, pile poil quand vous étiez dans le secteur.
L’architecte (irrité) – Evidemment si nous étions dans la même école…
Vroom Vroom Vroom
Dr. Nut – Bon je vais voir pour cette aspirine. A tout de suite.
14h50 – Derrière le Miroir
Dr. Nut, le chef et Ethel Hazel, chacun avec un café, sont happés par le comportement de l’architecte, seul dans la salle d’interrogatoire. Dr. Nut lui a refusé une collation mais l’architecte ne le sait pas et devrait être en train d’attendre son café, son verre d’eau et son aspirine. A la place, plutôt que de rester immobile comme d’habitude, il s’affaire avec le tas de photos, dont il sépare celles de Claire, de Christèle, d’Hilda et de Géraldine, repoussant les autres de l’autre côté de la table, près du dossier de l’inspecteur. Puis il se plonge avec une grande attention sur les photos devant lui, Claire puis Christèle puis Hilda puis Géraldine, sans impatience, au contraire, avec sur le visage l’air ravi de celui qui revoit un bon film.
« Bravo Nut. Nous nous approchons je pense du cœur de ses obsessions », dit le chef.
« De fait, une obsession, un trouble psychique assez commun, se caractérise parfois par l’irruption dans la pensée d’un individu d’un phénomène morbide », dit Ethel.
« Vous pouvez traduire ? », demande le chef qui, pour la première fois, fait montre d’impatience avec Ethel. « Il est également obsédé par son métier mais tous les architectes ne sont pas, heureusement, des tueurs ou des maniaques », dit-il.
« Excusez-moi, je vais essayer de résumer, ne m’en voulez pas d’être un peu technique », répond Ethel vivement. « Selon Sigmund Freud, l’explication psychanalytique de l’obsession – la névrose obsessionnelle plus exactement – fait appel aux notions de refoulement, d’isolation, d’annulation et de régression au stade sadique-anal », dit-elle.
Ethel voit bien les deux policiers s’interroger du regard mais, depuis la veille, elle commence à prendre confiance en elle, à se sentir moins comme une intruse, et veut montrer qu’elle est capable. Elle ramène leurs regards vers l’architecte, seul dans la pièce d’interrogatoire, à classer les photos.
« L’obsession est généralement associée à la compulsion, c’est-à-dire à l’action que l’individu est obligé d’accomplir contre sa volonté consciente. Vous avez raison chef, sur le plan clinique, il faut distinguer les obsessions phobiques, idéatives, impulsives, rituelles. D’ailleurs, je suis sûre que vous touchez du bois parfois. Alors oui, il y a autant de niveaux d’obsession qu’il y a de patients, du tic au trouble obsessionnel et invalidant », dit-elle.
« Et une fois que l’on sait cela », demande le chef ?
Ethel, dont les épaules s’affaissent : « A la vérité, ces troubles sont le plus souvent résistants aux diverses thérapeutiques et la psychanalyse, en particulier, doit être parfois prolongée pendant une très longue durée pour être efficace. Voyez qu’en quatre ans je n’ai pas beaucoup avancé. Toujours est-il que s’il ne peut pas s’empêcher d’être architecte, sans doute ne peut-il pas s’empêcher de tuer ».
(A suivre…)
Dr. Nut (d’après les notes d’Ethel Hazel)
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