Architecture-Studio essaime des projets de Santiago du Chili à Tirana, de la Jordanie à la Chine, jusqu’en Afrique subsaharienne. Dénicher ces chantiers internationaux nécessite un investissement financier et personnel intense qui conduit, depuis plus de douze ans maintenant, Roueïda Ayache au MIPIM de Cannes. Retour sur l’évolution d’un des salons les plus importants de la planète immobilière.
Le MIPIM, qui a eu lieu à Cannes du 14 au 17 mars 2017, n’est pas, n’est plus, malgré son nom – Marché International des Professionnels de l’Immobilier – que la rencontre entre promotion immobilière et investisseurs privés. Si leurs plus grands représentants sont évidemment présents tout au long de l’événement, c’est pour mieux côtoyer in fine, les aménageurs, les architectes, les maîtres d’ouvrage publics et privés, les bureaux d’études, bref, tous les acteurs de la ville.
«Le grand intérêt du MIPIM est qu’il offre une vision de comment se construit la planète aujourd’hui même si la vision n’est pas exhaustive car des pays sont plus ou moins présents», remarque Roueïda Ayache, associée d’Architecture Studio. De nombreuses villes y sont présentes sur des stands prisés. Londres, par exemple, montre sur son stand une superbe maquette de la ville qui mêle architecture et ingénierie et témoigne de tous les savoir-faire dont la ville anglaise a besoin dans l’acte de construire.
«Le MIPIM commence par l’architecture car le salon met en avant les études et les planifications autant que la phase d’investissement», ajoute Axelle Baillet, partenaire en charge du développement pour A-S. Plus loin, la tente du Grand Paris montre également, au travers de ses grands projets tels le Grand Paris Express ou sa candidature aux Jeux Olympiques de 2024, la solidarité entre la création de l’architecture, sa promotion à l’échelle internationale et son application concrète au travers de la fabrique de la ville. «Tout cela finit par souligner qu’il n’y a pas de ligne de démarcation évidente entre celui qui fait l’architecture et les acteurs qui lui permettent d’exister», souligne l’architecte.
Cela se traduit par la présence de tous ceux qui font la ville, de l’élu aux bailleurs, de l’investisseur au promoteur et jusqu’aux constructeurs en passant par les architectes et les BET. «Il y a une représentativité absolue de tous les professionnels qui interviennent à un moment ou à un autre dans le processus», relève Axelle Baillet.
Les villes viennent pour montrer ce qu’elles font. Elles lancent des appels à projets et à investissements, cherchent des porteurs de projets. «Il est intéressant de voir que tout ceci donne une cartographie sur une année A de ce qui se passe dans le monde. Par exemple depuis quelques années, la Turquie et la Pologne sont très représentées et les pays d’Afrique se lancent progressivement. On peut également comparer entre ce qui se passe aux Emirats et à Hambourg par exemple», poursuit Roueïda Ayache. Le MIPIM offre donc une image transversale de la manière de construire dans le monde, ce qui explique sans doute que l’on y croise le meilleur comme le pire.
La présence des architectes français va croissante depuis une dizaine d’années. Si, avant elle, les grandes agences internationales, plus à l’aise dans ce microcosme, étaient déjà représentées, en 2009, de jeunes agences parisiennes s’étaient regroupées pour tenir un stand et présenter leur travail. Il s’agissait à l’époque d’une aventure, ce n’est plus le cas aujourd’hui. «La ville est un ensemble complexe et les architectes français ont pris conscience que le MIPIM était le lieu de l’architecture internationale», soutient Roueida Ayache.
Qui plus est, aujourd’hui, les architectes français s’y pressent sans pour autant devoir avancer l’investissement pharaonique que représente la tenue d’un stand. Ils ont compris en effet que leurs projets et réalisations pouvaient être exposés de multiples façons dans plusieurs lieux au travers des présentations des villes et des promoteurs présents. De fait, même Architecture-Studio n’expose plus sur un stand A-S, comme cela a pu être le cas il y a quelques années. «Il est plus intéressant d’explorer des problématiques plus globales sur chacun des stands des acteurs de la fabrique de la ville», précise Roueïda Ayache.
C’est sur le stand de la ville de Nice que d’aucuns découvrent par exemple le concours remporté l’an dernier par A-S pour le Palazzo Nice Meridia, un immeuble de bureaux et commerces en structure bois de 35 m de haut sur neuf étages. Les projets jordanien et montpelliérain sont visibles sur le site commun de l’AFEX (Architectes français à l’export), du ministère de la Culture, de l’Ordre des Architectes et de la Caisse des Dépôts. L’agence est également présente sous la tente du Grand Paris qui dévoile les trois gares dont elle a la charge.
«Le nouveau quartier du Wacken à Strasbourg est présenté autour du Parlement européen. C’est amusant qu’A-S est même présente au-delà de l’actualité de l’agence parce que les édifices sur lesquels nous avons travaillé font désormais, 10 ou 15 ans plus tard, partie du tissu urbain de la ville», relève Axelle Baillet.
C’est en réalité la forte présence des villes qui change désormais le débat. Le salon cannois est ainsi devenu au fil des ans un lieu d’expression de la cité restitué au public, lui offrant une nouvelle grille de lecture. De fait, la démarcation public/privé n’existe pas, ou plus, à Cannes. Par exemple, les gares sont des équipements publics mais les programmes qui y sont connectés sont privés, l’initiative publique étant portée par le privé. «Dans ce contexte, il ne peut pas y avoir de ségrégation public/privé et par conséquent, pas de ségrégation entre l’architecte et le promoteur car tous participent à cet écosystème», insiste Axelle Baillet.
«Ce que je trouve très intéressant est que le MIPIM témoigne aussi de la réorientation des politiques urbaines car la promotion prend conscience qu’il existe une culture architecturale qu’il leur faut désormais intégrer dans l’acte de fabriquer la ville, ce qui se fait au bénéfice des deux parties», conclut Roueïda Ayache.
Il existe en France, en Europe et de par le monde d’autres grandes manifestations du même type ou plus ciblées et le MIPIM n’est en aucun cas un passage obligé pour les architectes. Mais si une agence se découvre une vocation internationale, il peut être salutaire de s’immerger quelques jours dans l’écosystème cannois.
Léa Muller