Le 6 octobre 2016 avait lieu dans l’amphithéâtre de la future école des Beaux-arts de Nantes la présentation du projet de réhabilitation des nefs Alstom. Sous la majorité des sheds conservés et requalifiés, cinq projets tour à tour économique, universitaire, gastronomique et culturels s’y installeront. Qui de mieux que leurs architectes pour en parler ?
Halles 1 et 2
Cluster Quartier de la création – Gardera-D / Bouriette et Vaconsin
«L’idée initiale que poursuit le projet est de créer un tiers lieu de création ouvert sur la ville et placé au centre du débat citoyen.
A l’échelle du quartier, les halles de l’ancien site Alstom sont ouvertes, réorganisées et reconnectées pour participer à la cohésion urbaine. A l’échelle des Halles 1&2, dont nous assurons la réhabilitation, le projet propose de recréer une micro-urbanité́ en disposant les différents éléments du programme autour d’un vaste hall fédérateur, sorte d’agora ou de petite place qui organise les volumes bâtis tout autour d’elle.
La structure existante des halles est conservée et remise en valeur et devient comme une première peau sous laquelle se glisse le nouveau bâtiment. La dimension collective est affirmée par les halles qui jouent un rôle fédérateur comme un grand parapluie commun qui abrite ce ‘village’ d’entités programmatiques dialoguant avec la ville».
Patrice Gardera – Gardera-D Architecture
Halles 1 et 2 bis
Le Grand restaurant, espace de restauration et de valorisation de la gastronomie locale – DLW architectes / Fichtre
«Le Grand Restaurant propose un accompagnement de la découverte gastronomique et une expérience spatiale inédite.
La stratégie de transformation de la halle industrielle en un lieu de convivialité́ prend la forme d’une gigantesque table glissée sous la charpente métallique. Cette structure de bois et de béton caractérise d’emblée les espaces ouverts au public : la salle du restaurant se déploie sur le plateau en offrant au regard la succession régulière des fermes de la halle, le bar est lui associé aux dimensions généreuses du piétement et du plafond à caissons. Un escalier suspendu relie les deux salles par un parcours qui multiplie les perspectives sur le site faisant de l’accès au restaurant un évènement en soi.
Les matériaux bruts des sols et des parois (bois, béton, aluminium, verre) sont accompagnés par un mobilier travaillé sur mesure et confèrent une grande unité́ à l’ensemble».
Vincent WATTIER, DLW architectes
Halles 4 et 5
Ecole supérieure des beaux-arts – Franklin Azzi Architecture
«L’installation de l’Ecole des Beaux-Arts de Nantes dans les anciennes halles Alstom redonne vie à un territoire industriel hier en déclin. Respectueux de l’existant, le projet s’appuie sur les qualités intrinsèques du site mais cette approche patrimoniale n’en est pas moins radicale : elle ne conserve que les structures métalliques pour porter une enveloppe transparente.
Afin d’atteindre les performances énergétiques et thermiques attendues, les deux peaux sont parfaitement dissociées. La première, un parapluie en polycarbonate, gère les eaux pluviales et l’apport de lumière naturelle ; la seconde, enchâssée dans chaque halle à la manière des poupées russes, est une enveloppe thermique à l’intérieur de laquelle vient se glisser le programme de l’école des beaux-arts. Laissée apparente, la structure métallique répond ainsi à la réglementation incendie tandis que l’autonomie des «boîtes» vis-à-vis de l’enveloppe répond aux normes sismiques.
À l’intérieur, les halles se décomposent en trois secteurs : enseignement supérieur, cours publics et espaces d’expositions, administration. Ouvertes, réorganisées et reconnectées, elles révèlent l’identité́ des programmes, participent à la cohésion urbaine et se replacent à l’échelle humaine. Se refusant à tout effet gesticulatoire, cette solution ne se contente pas de privilégier l’économie de moyens, elle libère des espaces qui seront, à n’en pas douter, des zones d’expression d’une grande souplesse pour les étudiants et la vie du quartier».
Franklin Azzi, Franklin Azzi architecture.
Halles 6 est
Accélérateur créatif – Avignon et Clouet architectes
«Le bâtiment monolithique est comme une masse perforée qui reprend la trame industrielle. Les percements de la façade reprennent respectueusement le tramage lié à la structure du bâtiment existant, dont la sous-structure était en moellon, la structure en béton et la charpente métallique.
Cette nef fut complexe à requalifier. Le parement de façade est constitué de plaques gris clair découpées et gravées, de manière à anticiper le «risque sismique» propre à la région, sur un soubassement en béton blanc. Le rez-de-chaussée fait la part belle à la lumière. Les pignons largement vitrés sourient à l’espace public. La signalétique s’insérera dans la rythmique des éléments de façades et annoncera au Quartier de la Création la reconversion de ce bâtiment ancré dans la mémoire des Nantais. Le projet se répartit sur quatre niveaux de plancher périphériques y compris le plancher béton nervuré conservé».
Benjamin Avignon, Avignon-Clouet
Halles 6 ouest
Pôle universitaire dédié́ aux cultures numériques et à l’innovation – LIN architects / F.au
«Comme Berlin, Nantes, en tant que ville jeune et créative, veut se réapproprier son patrimoine industriel en bordure d’eau. Une halle est un des archétypes de l’architecture qui regroupe toutes les propriétés industrielles.
Notre projet met en valeur ces qualités sans geste architectural fort. De l’extérieur, nous offrons une recherche sur l’identité, la simplicité et l’élégance de la forme originelle. Les sheds et les trois façades historiques sont conservés dans leur composition architecturale et isolés par l’extérieur. La façade Est, exprimant la section de la halle 6 en deux bâtiments distincts, se voit largement vitrée et présente une entrée accueillante depuis le campus. Elle montre la vie et le fonctionnement intérieur du projet.
La halle se caractérise par une typologie flexible d’origine, présentant un vide central généreux flanqué de deux ailes latérales dont la symétrie et la structure régulière assurent des reprogrammations facilitées dans le futur. Quatre noyaux aux angles assurent les circulations. Des coursives mettent en valeur la charpente métallique filiforme.
Nous travaillons sur l’harmonie du déjà-là, entre le béton et l’acier, dans un projet monochrome et brillant notamment grâce à la transparence de la lumière. En somme, nous aurons proposé un seul ajout qui est la salle immersive placée comme un ovni dans l’existant, au centre du rez-de-chaussée. Elément emblématique du projet, elle apparaît comme un volume lisse et abstrait, flottant dans le vide central de la halle et visible à travers la façade principale du projet».
Philippe Koenig, LIN Architects
Propos recueillis par Léa Muller
*Voir également nos articles A l’aune de la mondialisation urbaine, l’Ile de Nantes ? et A Nantes, la culture à l’assaut du territoire industriel