L’agence de Shanghai Wutopia Lab a été chargée par un maître d’ouvrage privé de concevoir le premier musée de maquettes architecturales de Chine, livré en janvier 2019. L’architecte Yu Ting a pris le parti de maquettes dans la maquette avec un projet de 1 000m² intitulé La dernière redoute. Son objectif : s’approcher d’une vision – cinématographique – de la ville du futur. Communiqué.
Le client est le fondateur de Fengyuzhu, une société qui s’occupe à Shanghai et en Chine de la planification, de la conception, de la mise en oeuvre et de la maintenance de systèmes d’affichage culturel numérique. Son intention est d’exposer dans ce musée des maquettes de tous les célèbres architectes chinois contemporains. Son inspiration est venue d’Archi-Dépôt, un musée de maquettes situé dans un entrepôt à Tokyo.
«Si nous regardons les maquettes de ces projets très différents d’une macro perspective et si nous ignorons les différences des contextes dans le temps, elles finissent par former un ensemble cohérent. Par conséquent, j’ai décidé de faire de l’ensemble du musée une méga maquette de la ville du futur. Les modèles collectés deviennent des composants différents du tissu de cette ville, chacun d’eux prédisant un avenir différent. Un tel musée-maquette architectural est significatif du niveau de l’architecture, d’où cette demande des maquettes dans une maquette», explique-t-il.
1909 Théorème : «tout le confort du pays sans aucun de ses inconvénients»
«Des maquettes sur des étagères me rappellent la bande dessinée d’A.B Walker citée par Rem Koolhaas dans Delirious New York, qui a d’abord été publiée dans un magazine en mars 1909. Koolhaas pensait qu’il représentait une imagination utopique de gratte-ciel. En 2011, ma thèse de doctorat sur les villes verticales a cité cette partie du texte et de l’image dans le livre de Koolhaas. Je pense que l’imagination diversifiée des gratte-ciel à travers l’Europe et l’Amérique du Nord au début du XXe siècle a façonné le prototype d’une ville verticale. C’est ce qui m’a conduit à faire de ce musée une maquette de ville verticale futuriste», poursuit l’architecte Yu Ting.
«Zenobia, mentionnée dans le livre d’Italo Calvino Les villes invisibles m’a aidé à déterminer la structure de base de la ville futuriste», explique-t-il. «Il ne s’agit pas de littéralement imaginer cette future ville car, pour mettre en valeur les maquettes de ces architectes, la ville doit demeurer abstraite. Finalement, j’ai décidé de construire cette ville avec comme éléments de base des tiges d’un diamètre de 32mm. J’ai nommé la ville The Last Redoubt (La dernière redoute) un immeuble de la taille d’une montagne censé contenir plus d’un million de personnes dans le roman de science-fiction The Night Land publiée en 1912», explique Yu Ting.
Construction de structures invisibles
Au total, 5 653 tuyaux d’acier ont été utilisés pour construire la ville verticale de Dernière redoute. Les piliers structurels et décoratifs uniformes dans leur taille et l’impression visuelle affaiblissent délibérément l’existence des structures. Ces tuyaux d’acier continus forment ensemble un rythme et composent des interfaces qui divisent différentes zones de la ville verticale.
La conception de la Dernière Redoute tient pleinement compte à la fois des échelles humaines et de celles des maquettes. Du point de vue de l’échelle du modèle, the Last Redoubt compte plus de dix niveaux, les maquettes situées à différentes hauteurs en façonnant collectivement la forme.
A taille humaine, le musée dispose d’une mezzanine qui s’étend sur toutes les zones d’exposition. La mezzanine est suspendue et cachée entre les interfaces formées par des barres d’acier afin d’éviter les conflits visuels entre les deux échelles. Les visiteurs se déplacent entre les maquettes dans un système de circulation tridimensionnel.
L’Acropole
Le hall d’entrée est appelé Visionary City, d’après l’oeuvre fantastique représentant une ville du futur créée par le peintre américain William R Leigh au début du XXe siècle. Visionary City est l’acropole de la Dernière Redoute et se présente comme un désert vide. Cependant, lorsque le verre environnant est actionné, la grande ville verticale derrière elle apparaît et les ombres projetées éclatent sur le sol, faisant de la zone inondée d’expériences illusoires une ville véritablement visionnaire.
Trois zones principales
Le centre-ville de la Dernière Redoude, c’est-à-dire la principale zone d’exposition du musée, est divisé en trois sections principales, y compris Tijuana (du film Cowboy Bebop), Ironia (Le nom est dérivé de la cité du fer dans le film Alita: Battle Angel) et Pod Bay (2001: A Space Odyssey). Tijuana et Ironia diffèrent dans l’arrangement spatial basé sur la taille du plan d’origine, tandis que Pod Bay est comme une place dans la ville, qui est également l’intersection de Tijuana et Ironia.
Le Panthéon
Il y a un espace circulaire dans le coin sud-ouest destiné au spectacle VR, le repos ou la communication. C’est le seul espace social dans du musée, comme le Panthéon de la ville. Bien que nommé Le Dôme du Tonnerre (Mad Max), c’est un endroit paisible rempli de lumière divine. Sur le côté de la coupole une salle d’exposition spéciale pour sa lumière particulière, a été baptisée Tyrell pour rendre hommage au grand Blade Runner.
Trois Espaces sacrés
La Redoute a été intégrée sur le plan irrégulier d’origine comme une ville carrée. Les trois espaces d’angle résiduels sont devenus des espaces d’exposition spéciaux en rouge, jaune et bleu, qui fonctionnent aussi comme des espaces sacrés de la ville. Le rouge, le bleu et le jaune représentent respectivement Olympus (Appleseed), Asgard (Thor) et Arrakis (Dune). En fait, ces couleurs symbolisent une chose : les espaces purs finiront par franchir les frontières et élargir les champs inconnus plus magnifiquement pour parvenir au développement durable.
Trois Ports
N’importe quelle grande ville et civilisation doit certainement étendre sa frontière pour explorer l’inconnu. Par conséquent, j’ai considéré les trois balcons comme des vaisseaux spatiaux sur les trois ports aériens de la Dernière Redoute. Ils sont respectivement The Eclipse (Star Wars) qui représente l’ambition de conquérir, L’Alliance (Star Trek) qui symbolise la curiosité et l’exploration, et La Sérénité (Firefly) à côté de la baie de Pod qui représente le courage et la chance.
«L’architecture doit utiliser les architectures comme outils pour réfléchir au destin futur de l’humanité. Elle doit faire face à l’avenir et ne pas se cacher derrière la coquille de l’histoire, du contexte et du régionalisme. L’ouverture, la temporalité, la diversité, le hasard, l’accident ou l’amnésie temporaire, l’inspiration instantanée, la beauté éphémère et la légère fragilité méritent également une attention particulière de la part des architectes et ce musée des maquettes est en soi un manifeste architectural», conclut Yu Ting.