Opus 5 (Bruno Decaris, architecte des Monuments Historiques, Agnès Pontremoli, architecte du patrimoine et Pierre Tisserand) a livré en octobre 2018 à Elancourt (Yvelines) la restructuration, pour 2 M€ HT, d’un ancien centre œcuménique en école de musique (900 m² SDP). Le parti pris : rhabiller les façades en briques neuves et traiter les parois en «moucharabieh» devant les fenêtres. Communiqué.
L’architecture du bâtiment d’origine
L’architecture du bâtiment d’origine exprime une modularité du bâti entre les parties porteuses en béton et le remplissage en brique pour une expression vraie de la structure et des matériaux, sans artifice, principe remis en cause radicalement au début des années quatre-vingt.
Edifice sobre, dépouillé à l’extrême, introverti du fait de la quiétude nécessaire d’un tel lieu, le bâtiment est construit à partir de poteaux béton cruciformes formant une trame de 7,20 x 7,75 m. Les remplissages en parpaings sont habillés en parement extérieur en briques. Les couvertures sont en dalles de béton. L’ensemble était dépourvu d’isolation thermique. La distribution intérieure s’organisait autour d’un patio central, dit «cour d’accueil» qui desservait deux halls latéraux. Le plan était largement décloisonné et comprenait côté nord : une grande salle de 300 m², côté sud : deux salles de moyenne superficie, et quelques pièces plus petites. Les éclairages étaient pour l’ensemble en hauteur afin que les vues du quotidien ne perturbent pas le recueillement recherché.
Une nouvelle école de musique dans l’ancien centre œcuménique
La nouvelle école de musique d’Élancourt a investi l’ancien centre œcuménique du quartier des Sept Mares, un des pôles fondateurs de la ville nouvelle de Saint-Quentin en Yvelines. La nouvelle école de musique était un lieu de culte, partie d’un ensemble central, cohérent et indissociable germe de la ville entouré par les équipements qui regroupent la vie administrative, le marché couvert, la vie commerciale et la vie culturelle, mais aussi la santé et la sécurité.
De ce centre bâti sur dalle exempt de toute circulation automobile, on se rend en périphérie vers les logements, les bureaux, le lycée et les espaces verts qui le cernent.
Cet ancien centre cultuel a été bâti par Philippe Deslandes entre 1974 et 1977, avec une volonté de simplicité et d’anonymat. Un édifice cultuel désacralisé, modulable et transformable et même utilisable pour d’autres fonctions, dans l’esprit de l’architecte post 68, influencé à la fois par l’architecture de Louis Kahn mais aussi par la volonté structuraliste de magnifier la structure et de traiter les façades sans fard, avec la vérité du matériau mis en œuvre.
Les deux matériaux omniprésents à Élancourt sont le béton et la brique. Sa position centrale et dégagée, son repérage aisé au sein du quartier, ont facilité son adaptation à la nouvelle activité, une école de musique, un lieu de vie, de rencontre, de culture et de convivialité, essentiels à la vie d’une cité.
Cette restructuration de l’ancien centre œcuménique a aussi permis de rendre la vie à un bâtiment exemplaire et de faire perdurer l’esprit de la création du Centre des Sept Mares, l’enthousiasme et la croyance en un monde nouveau, qu’il s’est agi de faire renaître sur des bases d’aujourd’hui. Le projet s’est attaché à offrir un visage rajeuni et attractif en préservant ce qui caractérisait cette œuvre architecturale.
Il fallait transmettre ce bâtiment en cœur de ville tout en annonçant sa reconversion. En effet, sa rigueur originelle lui conférait une rudesse peu avenante et l’identité de sa fonction difficilement décelable. L’état de la brique des parois, la rudesse des bétons des poteaux coiffés de lourds chapiteaux cubiques exprimant la modularité imaginée alors pour ce centre, lui ôtait toute possibilité d’exprimer le renouveau attendu pour l’école de musique.
Il fallait conserver son principe architectural qui favorise l’introversion, l’intimité nécessaire et l’usage du matériau qui identifie Élancourt à savoir la brique. Il a donc été choisi de rhabiller entièrement les façades en briques neuves en continuité, sans rupture, en traitant les parois en «moucharabieh» au-devant les fenêtres, pour que la complexité des volumes soit apaisée par l’unité totale du matériau de l’enveloppe.
Les briques sont moulées main et posées à joints vifs. Les nuances de coloris confèrent vie et modulation à cette peau continue.
La qualité de l’éclairage naturel est améliorée par la mise en place de puits de lumière qui diffusent une lumière zénithale douce et équilibrée avec celle des moucharabiehs, et confèrent une intimité plus grande à chaque pièce.
La cinquième façade visible de tous les hauts logements alentour est traitée en gazon synthétique bleu profond, évocation de la «blue note», qui identifie immédiatement l’équipement et forme une coulée colorée au centre de la dalle.
La nuit, le scintillement issu des éclairages intérieurs, exprime la douceur et la sérénité de ce lieu d’apprentissage et de pratique.
C’est un projet de réutilisation tout en sobriété et intériorité qui ne cherche pas à s’afficher haut et fort, mais a pour vocation de reprendre place sans heurt dans le centre-ville, d’y apporter une dignité nouvelle, durable et de susciter une curiosité et une envie qui devraient encourager à s’y engager.
Cloisonner sans trahir
Le programme de l’école de musique a imposé une lecture nouvelle des volumes intérieurs tout en préservant son esprit originel. L’application des diverses normes contemporaines, accessibilité PMR, règlement incendie, confort thermique, économie de consommation, qualité acoustique particulièrement performante pour une école de musique, ont entrainé un traitement architectural plus élaboré.
Il s’est agi de trouver une organisation interne qui respecte la structure du bâtiment et préserve les apports de lumière naturelle d’origine, notamment ceux issus des bandes vitrées en haut des parois. Un module de 50 m² adapté au programme et à la structure du bâtiment a permis de placer les cloisonnements sur les poteaux sans créer de conflit avec le vitrage périphérique. Un accueil traversant avec un grand puits de lumière zénithale évoque le vide central d’origine.
Le projet a cherché par un traitement harmonieux, lumineux et séduisant des espaces intérieurs à lui ôter toute austérité et le rendre attrayant pour le jeune public, en s’attachant à la fluidité des circulations, à la qualité des volumes de la lumière et des matériaux afin que le bâtiment devienne un espace d’harmonie de plaisir et d’épanouissement.
Dans l’école de musique c’est une toute nouvelle atmosphère, plus chaleureuse, plus confortable, plus contemporaine qui a été créée. Le bois, matériau qui s’allie parfaitement avec la brique et évoque les instruments de musique, donne séduction et agrément aux espaces. Un bois clair permet d’apporter gaité, luminosité et d’unifier toutes les parois pour traiter facilement l’absorption acoustique. Bois sur les parois, sols et plafonds colorés donnent une atmosphère gaie et sereine au lieu.