
À trois heures de Paris en train la Rhénanie offre un havre d’urbanisme et d’architecture modernes et contemporains aux architectes. Carnet de dessins.
Entrer par Cologne, ses musées, ses églises et sa cathédrale gothique. Louer une voiture et parcourir cette ancienne Rhur industrielle qui n’est plus qu’un grand lacis de parcs, de forêts et de villes moyennes.
Qui parle de ville verte doit faire ce pèlerinage. Elle est là devant nos yeux : Bochum, Essen, Bottrop, Duisbourg et consorts. De l’autoroute on ne les voit jamais, cachées qu’elles sont dans les frondaisons. Et quand on est en ville, tout tient d’une sorte de banlieue jardinée : pas de grands gestes, des centres-villes qui n’évoquent rien de centripète, juste un paisible semis qui mêle ville et vert. Si on n’allait pas jusqu’à croire à la fin de l’Histoire, on ne peut s’empêcher d’y rêver.
Qui a la passion de l’industrie doit aller à Zollverein. Ici le spectateur hésite dans ce lieu étrange, enchanté même, entre la célébration mémorielle d’une monstruosité, celle des conglomérats du charbon et de l’acier, celles des laminoirs disparus, des convoyeurs à l’arrêt, des usines géantes et tues et la nouvelle poésie ludique de cet univers d’après la crise.
Qui n’a jamais vu l’accord entre un paysagisme discret mais charmant et les superstructures des années soixante doit visiter l’Université de Bochum. Ici, de gigantesques doigts qui accueillent les étudiants, raidis par la rigueur constructive, se succèdent en balcon sur le val voisin, reliés par des végétations que ne semblent déterminer aucun dessein. Et pourtant, à mieux y regarder, tout est dû à la subtilité du dessin.
Qui n’a jamais vu un beau musée, se visitant sans fatigue car de taille modeste, se parcourant d’émoi en émoi car de collection immodeste, doit aller aux musées Josef Albers près de Bottrop, Wilhem Lehmbruck de Duisbourg ou encore Folkwang d’Essen.
Qui est athée comme moi, mais comprend le sens du mot sublime doit voir les églises de Rudolf Schwartz. Vous avez dit qui ? Vous avez bien entendu : Rudolf Schwartz ! Quiconque a pénétré ses austères appels à Dieu, qui parsèment la région, n’en ressortira sans doute pas croyant, mais croyant certainement à la divine alliance de l’architecture et de la lumière intérieure.
À trois heures de la Rhénanie en train, Paris offre…
Manuel Tardits
(Avec mes remerciements à l’ami Simon Pallubicki sans qui kaputt la Rhénanie.)
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