Alphonse Monmoulin, qui a décidé de construire sa maison sans homme ou femme de l’art mais avec Maisons-Hypnos Construction, va de déboires en déboires. Il n’y est pour rien, l’architecte Charles Curbo en atteste. Mais quand la justice s’en mêle, pour Alphonse Monmoulin, les déboires, c’est jusqu’à plus soif. Lettres de Monmoulin (épisode 5).
ASSIGNATION EN RÉFÉRÉ EXPERTISE
DEVANT MONSIEUR LE PRÉSIDENT
DU TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE
Le 15 décembre 20..
À la demande de Monsieur et Madame Alphonse et Vivette MONMOULIN, demeurant 3 rue principale à Sainte-Gemmes,
ayant pour avocat Me Tartarin,
nous donnons assignation à Maisons HYPNOS, en la personne de Monsieur Thierry RYANT, gérant,
pour les motifs suivant :
Monsieur et Madame MONMOULIN ont conclu avec les Maisons HYPNOS un contrat de construction de maison individuelle, afin d’éviter tout problème de chantier et ainsi que le préconise Monsieur le ministre de l’Économie*, ce qui montre à quel point les économies de la France sont en de bonnes mains.
Selon un rapport de Monsieur Charles CURBO, architecte, l’ouvrage est entaché de nombreuses malfaçons graves, détaillées ci-après. En outre, Monsieur et Madame MONMOULIN ont été lésés par Monsieur RYANT à plusieurs reprises, ainsi qu’il sera démontré.
OBJET DE LA DEMANDE
MALFAÇONS DANS LA RÉALISATION DES TRAVAUX *
- Un sondage a montré que les fondations en semelles filantes ne sont qu’à une profondeur de – 0,80 m au lieu des – 3,20 m préconisés par l’étude de sol, ce qui aurait nécessité des micropieux.
- Ces mêmes fondations filantes ayant été coulées dans l’axe du mur mitoyen, une partie d’entre elles déborde donc de 15 cm sur la propriété voisine.
- Il n’y a pas de drain le long de ce mur mitoyen, alors que la pente du terrain y amène toutes les eaux de pluie.
- L’étude de sol, constatant la mauvaise portance du sol, demande que tous les planchers bas soient des planchers portés, par exemple en hourdis de béton sur vide sanitaire. Or le garage et les pièces de service sont constitués d’un simple dallage sur hérisson, ce qui n’est pas conforme.
Les époux MONMOULIN expliquent que M. RYANT leur avait dit qu’il s’agissait d’un « radier », donc conforme à l’étude de sol, réponse erronée injustifiable de la part d’un professionnel, voulant faire prendre un simple dallage pour un radier. - L’étude de sol demande aussi que la maison ait un joint de dilatation en partie centrale, scindant la maison en deux systèmes de structure différents, pour prévenir toute fissure compte tenu de la pente du terrain. Ce joint de dilatation n’a pas été réalisé.
- L’expert relève une erreur de dimension de 30 cm provoquant un faux-équerrage dans la salle de séjour. Ce faux-équerrage rend ipso facto impossible la pose d’un carrelage esthétiquement acceptable.
- L’implantation du poteau du Salon n’est pas conforme aux plans, ce qui a nécessité une modification de l’implantation des cloisons,
- La poutre du salon est plus basse de 15 cm par rapport à la cote mentionnée sur les plans.
- La laine de verre a été posée en doublage thermique des façades mais l’enduit n’a pas été réalisé. La porosité de la brique a détrempé la laine de verre en façade nord-ouest, la rendant trop dégradée pour être conservée, ce qui impose la démolition de tous les doubles intérieurs de façades.
NON-RESPECT DU CONTRAT *
- Il manque une fenêtre de toit (velux) à la chambre 3. Les Maisons HYPNOS avancent que cette fenêtre n’est pas due car elle ne figure pas expressément sur la Notice descriptive. Mais le détail des menuiseries n’y est pas mentionné. Figurant sur le plan des façades, cette fenêtre est donc due.
- L’évacuation des terres a été facturée aux époux MONMOULIN, pour une somme de 5 250€, alors que cette prestation n’était pas mentionnée ni dûment estimée dans le CCMI. Sur un mél de sa part, on peut lire que Monsieur RYANT avait menacé d’arrêter le chantier si les époux MONMOULIN ne payaient pas cette somme, ce qui est illégal et met en jeu sa responsabilité pénale.
- La loi sur la sous-traitance n’a pas été respectée. Les Maisons HYPNOS ont toujours refusé de soumettre leurs sous-traitants à l’agrément de leurs clients, malgré leurs demandes répétées et leur lettre de Mise en Demeure, rédigée sous le conseil de Monsieur CURBO, architecte.
- Le Garant (garantie de livraison à prix et délai convenus) a obtenu des époux MONMOULIN que ceux-ci renoncent à cette garantie, au prétexte d’économiser la franchise prévue au contrat de garantie, soit 6 000€. Ce renoncement a été obtenu de façon abusive, il porte un préjudice grave aux demandeurs, le Garant n’ayant pas respecté son devoir de conseil. En effet, les travaux n’étant pas achevés, ils n’ont pas été réceptionnés et les garanties légales, notamment la garantie décennale, ne peuvent pas être saisies.
En ces conditions, les époux MONMOULIN demandent à la Cour la désignation d’un expert judiciaire,
avec pour mission de :
- constater la réalité des demandes des requérants ;
- dire les travaux à effectuer pour que l’ouvrage soit conforme au contrat CMI conclu ;
- fournir les éléments permettant de déterminer les responsabilités encourues et les préjudices subis.
***
Affaire Époux MONMOULIN contre Maisons HYPNOS
RAPPORT d’EXPERTISE
Après avoir pris connaissance des pièces du dossier, l’expert s’est rendu sur place pour examiner les lieux et entendre les parties.
Jamais rapport d’expert n’aura été plus simple et plus rapide :
Compte tenu des malfaçons graves et rédhibitoires entachant l’ouvrage dès son implantation (erreur d’implantation, notamment sur un fond voisin), sa base (fondations et planchers bas non-conformes aux règles de l’art) et sa structure (absence de joint de dilatation), l’expert préconise la démolition pure et simple de tous les ouvrages réalisés car ils sont inutilisables.
Concernant les préjudices subis par les époux MONMOULIN, l’expert constate la faute entière des Maisons HYPNOS dans la définition et la réalisation des travaux,
L’expert constate la faute personnelle de Monsieur RYANT vis-à-vis de son devoir de conseil. Il constate aussi l’infraction pénale commise par Monsieur RYANT, pour avoir soutiré à ses clients des sommes non dues dans le cadre de son contrat (évacuation des terres, étude de sol, surcoût des fondations), ainsi que son infraction à la loi sur la sous-traitance, ces mêmes sous-traitants pouvant maintenant se retourner contre les époux MONMOULIN pour leur demander le paiement de leurs travaux, paiement qu’ils n’obtiendront pas à la suite de la mise en liquidation judiciaire des Maisons HYPNOS.
Enfin, l’expert constate la faute du Garant qui a obtenu de façon abusive un renoncement à sa garantie de livraison, privant ainsi les époux MONMOULIN de leur dernier recours. L’expert préconise le rétablissement de cette garantie malgré l’avenant conclu.
Ayant accompli notre mission en notre honneur et conscience, nous avons rédigé le présent rapport pour servir et valoir ce que de droit, et l’avons clos.
Fait le 1 avril 20..
Témoin des débats : Jean-François Espagno
Pour retrouver les épisodes précédents des Lettres de Monmoulin
* Faits authentiques