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Sur le site archéologique de Saint-Blaise (Bouches-du-Rhône), avec un budget de 3,00 M€ HT, Jean-Michel Fradkin (LMO architectes) a livré en 2023 le pavillon d’accueil Henri Rolland qui met en valeur le patrimoine tout en offrant aux visiteurs un espace fonctionnel et accueillant. Visite.
Plusieurs sites archéologiques en France ont su raviver l’intérêt du public grâce à des aménagements modernes et une mise en valeur au cas par cas. Ouverte en 2015, la Caverne du Pont d’Arc est une réplique de la grotte Chauvet, découverte en 1994, qui permet aux visiteurs d’admirer les œuvres pariétales datant de 36 000 ans tout en protégeant l’original. L’oppidum d’Ensérune (Hérault), site antique, occupé dès le VIe siècle avant notre ère, a été restauré et doté d’un musée rénové en 2019. L’agglomération de Lattara (Lattes – Hérault), qui témoigne des échanges entre les Étrusques, les Grecs et les Gaulois, bénéficie désormais d’un musée modernisé, ainsi que le Grand site d’Aléria (Corse) où des travaux de mise en valeur ont été entrepris depuis 2022.
Saint-Blaise, un site en pleine relecture historique
Le site archéologique de Saint-Blaise (commune de Saint-Mitre-les-Remparts, proche de Martigues) situé sur un promontoire rocheux, est doté depuis 2023 d’un pavillon d’accueil à l’entrée d’une vaste zone boisée destinée aux amateurs d’archéologie, aux familles, aux scolaires, ou aux randonneurs.
Fouillé depuis 1935 par le grand archéologue Henri Rolland, jusqu’à sa mort en 1970, le site fut longtemps une belle endormie. Le poète Philippe Jaccottet avoue : « Je n’ai pas médité à Saint-Blaise sur le destin des empires » (Paysages avec figures absentes, Gallimard, 1976), à la différence de Chateaubriand, volontiers saisi par la « fièvre des ruines ». Mais il confesse « ce qui distingue la poésie de l’histoire est là [à Saint-Blaise] dans ses paysages intacts qui, en ayant l’air d’échapper au temps, vous donnent un sentiment de bonheur ».
Depuis les années 1980, les recherches se sont poursuivies, notamment celles relatives aux premiers temps de l’occupation celtique (VIIe-VIe siècle avant J.-C.), qui remettent question le point de départ de la colonisation phocéenne en Provence. Les chercheurs, notamment Jean Chausserie-Laprée, archéologue en charge du site depuis 2009, identifient désormais Saint-Blaise, nombreux témoignages à l’appui, comme la « forteresse des Ségobriges et le lieu de la première rencontre entre Gaulois et Grecs qui a précédé la fondation de Marseille en 600 avant J.-C. ».*
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Une architecture en dialogue avec son contexte historique et naturel
Le pavillon d’accueil se situe en contrebas d’un plateau escarpé, riche en vestiges de plus de 2 600 ans. C’est le point d’orgue d’un aménagement décidé par la Métropole Aix-Marseille Provence, maître d’ouvrage, et porté par le cabinet Alep (Atelier lieux et Paysages, Cadenet – 84). Visant à réaménager l’ensemble du site (12 ha), il doit assurer la fluidité entre la forêt, en accès libre, et l’oppidum, en accès contrôlé.
Conçu par Jean-Michel Fradkin (LMO architectes), le bâtiment adopte une approche contemporaine sobre et frugale qui permet une mise en valeur du patrimoine archéologique tout en offrant aux visiteurs un espace fonctionnel et accueillant. Le projet crée une interface entre le passé et le présent, où la modernité ne vient pas concurrencer mais plutôt éclairer un site exceptionnel et particulièrement complexe.
Le pavillon présente une forme géométrique libre, adaptée au relief environnant. Sa conception privilégie une volumétrie discrète par une série de polygones irréguliers, évitant ainsi une « surenchère » architecturale. Cette sobriété formelle est en harmonie avec l’environnement archéologique.
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La façade principale intègre de larges baies vitrées et des parois en matériaux adaptés, de manière à instaurer un jeu de transparence et d’opacité. Ces ouvertures permettent, d’une part, à la lumière naturelle d’inonder l’intérieur et, d’autre part, d’offrir des points de vue dégagés sur le paysage environnant, en particulier les étangs de Lavalduc et Citis. La composition de la façade, rythmée et équilibrée, sans fioritures, maintient une continuité visuelle entre l’intérieur et l’extérieur.
À l’intérieur, le pavillon se décline en un espace ouvert, fluide et modulable, conçu pour faciliter la circulation des visiteurs et leur permettre de s’immerger progressivement dans l’histoire du site. La zone d’accueil, lumineuse et épurée, donne accès à une grande maquette du territoire, qui introduit aux espaces d’exposition permanente ou temporaire, et à des dispositifs multimédias (en cours).
Le choix des matériaux
L’emploi du « béton de site » (ciment blanc, granulat et sable, fabriqué sur place avec des matériaux locaux) contribue à créer une atmosphère à la fois moderne et en résonance avec le terroir. Ce béton est mis en place entre deux banches étanches et coffré à la manière d’un béton de ciment conventionnel, une technique ancestrale actuellement redécouverte, autant pour ses propriétés intrinsèques – inertie thermique, confort hygrométrique – que pour son faible impact environnemental.
La palette de couleurs, dominée par des tons neutres (gris, beiges, blancs cassés), renforce l’aspect contemporain du lieu tout en rappelant la sobriété et la pérennité du patrimoine. Un éclairage soigneusement étudié vient mettre en valeur les éléments architecturaux et les objets exposés, favorisant ainsi une expérience de visite immersive et soucieuse du contexte.
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Une intégration paysagère et une démarche durable
Le pavillon conçu par Jean-Michel Fradkin s’inscrit dans le paysage sans le dominer. Son implantation en contrebas des zones de fouilles a été choisie de manière à guider le visiteur d’aujourd’hui vers la découverte du passé. Comme la plupart des projets contemporains de médiation patrimoniale, une attention particulière a été portée à la performance énergétique et au développement durable. Le pavillon intègre ainsi des solutions techniques (isolation performante, gestion optimisée de la lumière naturelle, ventilation maîtrisée) qui limitent son impact environnemental tout en garantissant le confort des visiteurs et la pérennité du bâtiment.
Le Pavillon Henri-Rolland représente un exemple réussi d’architecture contemporaine au service du patrimoine. Sa forme sobre, ses matériaux choisis avec soin et sa délicatesse créent une atmosphère à la fois moderne et respectueuse des valeurs historiques du site. En offrant un espace de médiation adapté, il permet aux visiteurs de passer en douceur de la contemplation d’un passé ancien à l’expérience d’un présent réconcilié avec son histoire.
Jean-Claude Ribaut
*Saint Blaise – Collection des Guides archéologiques de France, n° 57 – auteurs: Jean Chausserie-Laprée, Marie Valenciano et Sandrine Duval. Éditions du patrimoine. 2024
Saint-Blaise en quelques dates
De 1500 à 800 av. J.-C.
Après une occupation dès le Néolithique, Saint-Blaise est le siège d’un habitat d’agriculteurs sédentaires dès la fin de l’âge du Bronze.
800 – 650 av. J.-C.
L’éperon rocheux de Saint-Blaise abrite un ou plusieurs sanctuaires disséminés sur le plateau de Castillon et marqués par de très nombreuses stèles en pierres taillées.
650 – 500 av. J.-C.
Les Ségobriges, tribu celto-ligure du bas-Rhône, érigent une vaste forteresse à l’extrémité nord du plateau de Castillon. Après une période de contacts avec les commerçants méditerranéens, l’alliance des Ségobriges avec les Grecs venus de Phocée se traduit par la fondation de Marseille en 600 av. J.-C. Durant cette période – l’âge du Fer –, l’oppidum de Saint-Blaise voit le développement de son urbanisation sur 5 ha, à l’abri de fortifications renforcées. Y sont importées de nombreuses céramiques et amphores grecques et étrusques.
500 – 200 av. J.-C.
Marseille grecque est le partenaire principal de l’oppidum gaulois dont l’économie repose probablement sur le commerce du sel.
200 – 125 av. J.-C.
Période dite « hellénistique » qui voit le remodelage de la cité primitive. La construction d’un magnifique rempart en grand appareil, selon certains canons de la poliorcétique classique, asseoit la puissance de l’oppidum qui fait partie de la confédération des Salyens.
125 av. J.-C.
Marseille, en conflit avec les Gaulois, s’allie aux troupes romaines de Sextius Caius Calvinus (fondateur d’Aix-en-Provence) qui attaquent l’oppidum de Saint-Blaise, dont la fortification est inachevée. La ville est alors détruite et abandonnée.
Vers 400 après J.-C.
Après cinq siècles d’abandon, une nouvelle cité fortifiée, du nom d’Ugium, s’établit sur les vestiges arasés de la ville ancienne. Sous la tutelle de l’archevêché d’Arles, elle assure l’exploitation des salines de l’étang de Lavalduc. On y a découvert les vestiges de deux églises, dont l’une pourvue d’éléments architecturaux remarquables (mosaïque polychrome, ambon et chancel).
À partir de l’an mil
L’habitat se concentre à l’extrémité nord du plateau sous la forme d’un petit castrum. En 1231, l’édification d’une ultime muraille protège l’habitat autour de l’église rebâtie, dite Notre-Dame- de-Castelveyre.
Fin du XIVe siècle
Après la peste noire de 1347 qui décime la Provence, la population résiduelle de Castelveyre migre dans le nouveau castrum de Saint-Mitre-les-Remparts.
Début du XIXe siècle
Implantation des usines chimiques du Plan d’Aren et de Rassuen qui exploitent les salines de Lavalduc et de Citis
Informations pratiques
Site et pavillon d’accueil Henri-Rolland ouverts au public du mardi au dimanche inclus. Visite et entrée gratuites.
Contacts : saint-blaise@ampmetropole.fr ; tel. : 04 86 64 83 80 ; mob. : 06 34 46 34 04.