Une longue étape sans difficulté particulière qui verra le peloton traverser les Landes avant d’arriver en Gironde. Les équipes des sprinteurs rescapés de la montagne auront à cœur de maîtriser la course pour un sprint massif mais, si près de la fin, elles sont nombreuses les équipes désespérées à courir encore après une victoire d’étape. Sans compter les aventuriers de la dernière heure. Voilà qui devrait donner du cœur à tous avec une étape expédiée à toute vitesse qui pourrait finir de bonne heure.
Cela tombe bien pour les suiveurs de l’architecture contemporaine qui, après l’arrivée à Libourne, iront passer la nuit à Bordeaux en attendant le contre-la-montre du lendemain. En attendant, avant le retour vers les grandes villes, profiter de la traverser des Landes pour aller visiter une dernière maison individuelle signée de Jean-Philippe Pargade.
La maison est implantée sur une dune plantée de pins et de chênes-lièges entre le lac marin et la mer. « Il s’agit en fait de la transformation d’une maison existante dont on a conservé seulement le soubassement encastré dans la pente du terrain », explique Jean-Philippe Pargade. La nouvelle construction réalisée en bois et métal s’appuie donc sur une dalle de répartition en couronnement du soubassement existant.
« J’étais obsédé par l’idée d’avoir très peu de matériaux. Le carré collait bien par rapport au terrain et la maison est dessinée avec une géométrie pure de tous les éléments composant le carré », poursuit l’architecte.
Une structure en bois était trop épaisse, le métal trop lourd, il a fallu concevoir une structure mixte bois/métal la plus légère possible pour ne pas avoir de reprise en sous-œuvre. Des poteaux de 7 cm de diamètre, aucun contreventement visible…, l’architecte rend grâce aux entreprises du Pays Basque qui se sont « passionnées » pour ce chantier. A l’issue de ce Tour, les suiveurs auront compris qu’une maison d’architecte pour le prix d’une maison constructeur, c’est possible.
A Libourne, en attendant le peloton, les suiveurs de l’architecture contemporaine, qui n’ont pas eu le temps de se baigner depuis l’étape de Montpellier, peuvent aller piquer une tête dans le centre aquatique tout neuf (livré en mai 2021) et conçu par AP-MA (Jean-François Périnet-Marquet et François-Xavier Decré).
« Tel un grand embarcadère, l’équipement se veut signal architectural parmi les espaces naturels du lac des Dagueys. Visible depuis la rive opposée, il se love profondément dans la végétation et intègre celle-ci à son aménagement. Les trois bassins, les aires ludiques et le centre de bien-être bénéficient aussi de larges vues sur le lac à travers les baies vitrées orientées ouest et sud », indique AP-MA.
Surtout, l’ouvrage a été bâti en synergie avec le lac. En effet, l’eau du lac est exceptionnellement potabilisée pour le remplissage des bassins et pour les appoints d’eau de la piscine grâce à un échangeur statique. Une innovation technique formulée par AP-MA Architecture est par ailleurs appliquée à Libourne : le traitement de l’eau à l’ozone. Ainsi 70 % de l’eau de lavage sont enfin réutilisés grâce à leur ultrafiltration, la consommation d’eau maximale étant de 90 L/baigneur, tous usages confondus. Pour les suiveurs, un moment de détente appréciable donc.
Après l’arrivée de l’étape, les suiveurs de l’architecture contemporaine devront foncer à Bordeaux pour être sûr de trouver un hôtel. Une recommandation cependant : une fois dans la capitale de la Gironde, garer la voiture et se déplacer en tramway. En effet, découvrir à cette occasion la scénographie des 130 stations conçue par Elizabeth de Portzamparc et livrée en 2013. Les suiveurs ont déjà croisé l’architecte à Rennes et à Nîmes mais ce projet bordelais était, de mémoire de suiveur, le premier de la femme de l’art.
« Les stations et cette ligne de mobilier urbain compose une famille d’objets cohérente et une identité formelle, un équipement métropolitain symbolique, fédérateur et identitaire pour le réseau du tramway de Bordeaux », explique l’architecte.
La conception de la scénographie des stations obéit aux mêmes principes de transparence, légèreté et rigueur dans la composition d’ensemble, éléments indispensables qui évitent que les stations ne constituent des coupures visuelles ou physiques.
« Leur éclairage est à la fois efficace et onirique. Les stations et leur mobilier dialoguent avec tous les types de tissus urbains dans lesquels elles s’insèrent : quartiers anciens, modernes, zones pavillonnaires, espaces à dominante paysagère. Plutôt que de transformer la trame existante, l’ensemble du dispositif du tramway se superpose à elle pour devenir l’élément fédérateur des diverses entités urbaines de la région de Bordeaux », conclut Elizabeth de Portzamparc.
C’est donc en tramway que les suiveurs doivent se rendre aux Bassins à flots dans l’espoir de se loger pour la nuit. Ils peuvent commencer par l’îlot Bacalan où l’agence parisienne COSA (Benjamin Colboc et Arnaud Sachet) a livré en 2021 un impressionnant programme comprenant : un hôtel**** Renaissance de 150 clés desservi par deux anciens silos réhabilités en espaces d’accueil ; un hôtel*** Moxy de 133 chambres ; un programme para-hôtelier de 159 appartements en résidence étudiante et 28 chambres collectives en Hostel Whoo. Sans oublier la réhabilitation de six silos en galerie d’art. Bref il y en a pour tous les budgets des suiveurs du Tour.
Les nouvelles constructions sont articulées autour du jardin des silos, pièce maîtresse du projet qui en constitue la toile de fond. Des strates de couvre-sols parsemées de pervenches, fougères et bruyères, arbustes feuillus et fleuris, émergent les pins-parasols, saules blancs et quelques cordylines géométriques.
« Cette allégorie de forêt des Landes se ramifie en un parvis, une place, une sente paysagère… espaces communs donnés à la ville », explique COSA.
L’Hôtel 3 étoiles lie les Bassins au jardin, qui se prolonge à travers le programme para-hôtelier en une sente paysagère ouverte sur les aménités du quartier à l’est (tram, parking, Institut Vatel). Les clients de l’hôtel 4 étoiles remontent le temps en traversant deux des silos – le premier évidé, comme rendu à la nature ; le second, protégé par une membrane et rendu visible à travers un oculus, accueille le lobby. Le jardin des silos se dévoile à travers une galerie de verre, dont les baies coulissent pour prolonger le café dehors, à l’abri de stores blancs à projection.
S’il n’y a plus de chambres sur l’îlot Bacalan, à quelques encâblures de là, tenter sa chance au Dock G6 Radisson Blu, le long de la rue Lucien Faure qui prolonge le pont levant Chaban-Delmas, livré par l’agence bordelaise King Kong en 2018.
L’identité architecturale du projet prend la forme d’un exosquelette habité qui dialogue avec le genius loci. Bénéficiant d’une large visibilité, Dock G6 se distingue des immeubles avoisinants par sa volumétrie : typologie, forme et hauteur paraissent hors-système.
Le programme, la surface et les grands principes architecturaux avaient été définis avant les autres projets. Le PAE préconisant des séquences irrégulières dans la nouvelle skyline, le gabarit était cohérent avec le schéma urbain. L’architecture, la forme, la matérialité, la couleur bronze et la mixité de programmes respectent les prescriptions. L’ossature lisible en façade confère à Dock G6 l’image d’un bâtiment industriel.
Une fois installés ici ou là, les suiveurs peuvent poursuivre leur promenade sur les Bassins à flot, sur l’îlot B9 précisément, en allant voir la « conception volumétrique » de Josep Lluis Mateo (mateoarquitectura), projet de 30 000 m², dont 10 000 m² de logements, livré en 2016 pour Kaufman & Broad.
Imaginé comme un objet amené par les eaux proches, le projet rencontre la masse de la base sous-marine de la Seconde Guerre Mondiale. « Aux abords de notre parcelle se trouvent des restes du naufrage : de petites maisons anciennes que nous devons intégrer à notre proposition volumétrique », explique Josep Lluis Mateo.
Le parking est aménagé au centre de l’îlot, les habitations sont en périphérie et des commerces donnent sur la façade rue, laquelle est marquée par des portiques qui renforcent la perspective de la route qui mène à l’ancienne base marine.
Trois volumes s’élèvent sur cette plateforme. D’abord un volume très bas (deux étages), métallique ; un petit objet brillant qui interagit avec les maisons voisines existantes. Puis une petite tour à quatre façades, deux métalliques et deux en bardage bois fait l’angle. Enfin un bloc aux murs de béton suit les limites de la parcelle et définit la forme urbaine de part et d’autre.
A la fin de la promenade, restera aux suiveurs à finir la journée à la Cité des vins de X-TU dont ils se souviennent qu’elle a été inaugurée en grande pompe par François Hollande en mai 2016. Il y aura de quoi boire, forcément, et de quoi s’interroger gravement sur les droits d’auteur des architectes.
Christophe Leray (dans la caravane)
Pour les suiveurs, retrouver :
– Toutes les étapes du Tour de France contemporain 2021.
– Le Tour de France contemporain 2020 : Le départ ; La suite ; La suite de la suite ; L’arrivée.
– Le Tour de France contemporain 2019 : 1ère semaine ; 2ème semaine ; 3ème semaine.
– Le Tour de France contemporain 2018