
La photo d’architecture, pour résumer, ne s’exprime qu’à partir d’un bâtiment construit, sinon c’est de paysage qu’il s’agit. Le croquis, puis le dessin, interviennent en revanche en amont du chantier, même là où il n’y a encore qu’un paysage. C’est ainsi, souvent, que s’expriment des intentions premières. En quatre croquis et quatre vignettes, vues sur l’univers de Marie-Odile Foucras.
CROQUIS
Fort d’Issy – Croquis 10

« Quand j’ai dessiné Issy, je suis retourné voir au musée Rodin les œuvres de Camille Claudel. Il me manquait un élément : ce jeu de tourbillon qui tout à coup bascule dans un équilibre fragile. Et, au musée, j’ai retrouvé La Valse, comme un rendez-vous longtemps oublié. Puis j’ai dessiné toute la nuit ».
Fort d’Issy – Croquis 11

« Le bâtiment fonctionne avec deux ailes, un peu comme le ying et le yang. Alors en avoir deux est très intéressant. L’ovale est resté mais il est doublé par les terrasses et balcons filants et les structures métalliques rapportées. De l’extérieur, impossible de discerner le patio intérieur tandis que le bâtiment se dévoile au fur et à mesure que l’on tourne autour de lui. Du coup la découverte du second bâtiment jumeau accentue encore la variété d’angles de vue pour le regard, tant pour le bâtiment lui-même que la façon dont il s’insère dans le vaste espace du site ».
Lumière

« Ma principale source d’inquiétude, c’est la lumière. Mon principal élément de fascination, c’est la lumière. La création est ce qui est rationnel, la lumière est irrationnelle, c’est le domaine qui va vous échapper jusqu’à la fin mais c’est aussi le domaine que je vais travailler le plus afin d’être rassurée sur le résultat final ».
Patio parisien

« Cette passerelle-escalier traverse les bâtiments et les relie entre eux. C’est la clef du dessein puisque que c’est autour de cet élément que le projet fut conçu puis construit. Nous avons posé l’escalier sur un jardin extrêmement sobre et très graphique, très japonisant, composé de galets blancs et de bambou. La végétation accompagne la verticalité de l’escalier et le bâtiment devient ainsi l’écrin du patio ».
DESSEINS

Très, très dur, l’oral de ce concours « projet de doublement des voies-vélos par des voies-trottinettes »…
Au début tout allait bien, je tenais le rythme. Mais il y a eu cette moue sur le visage du président du jury. A partir de là, mes idées se sont brouillées, j’ai fait beaucoup d’erreurs et puis, sur la fin, cette grosse faute lorsque le directeur de l’urbanisme m’a demandé si je connaissais le rayon de giration d’une trottinette… L’ai donné celui de ma Jaguar.
Le concours était perdu.

– Et quand j’ai dit à mon maître d’ouvrage : « pour moi, introduire une notion de développement durable dans ce projet serait un geste aussi poétique que si Van Hamme invitait Sempé dans une de ses bandes dessinées ». Il m’a répondu : « l’idéal serait une invitation avec peu de frais mais beaucoup de communication autour ».

– De toute façon, en matière d’architecture, tout a été dit… Moi je ne travaille plus que sur des concepts qui me laissent une liberté totale : pas de règles, pas de programme, pas de contraintes et, pour commencer, aucune échelle, aucun rendu pour présenter mon projet.
– Et tu n’as pas peur qu’un maître d’ouvrage te dise un jour : « finalement, pour terminer, j’essaierai bien le concept ‘aucun archi’ ».

– Alors l’autre soir j’ai dit à Léa : « ce que j’aime le plus chez toi, outre tes propositions qui frisent le nombre d’or, c’est ton énergie positive qui ferait pâlir n’importe quel bilan d’un bâtiment certifié BBC… c’est que, lorsque tu es là, j’en oublie même jusqu’à mon métier d’archi.
Marie-Odile Foucras
Marie-Odile Foucras est architecte. Dessin, poésie, art, littérature, musique sont toutes passions utiles à son métier. Son travail se traduit par des bâtiments lumineux, pleins de sollicitude pour leurs habitants*.
*Ces croquis et dessins, ainsi que la citation ci-dessus, sont extraits de la monographie MARIE-ODILE FOUCRAS – Architectures 1994-2014. Société d’édition architecturales/SEA. Premier trimestre 2015