
La signalétique ne peut pas être uniquement abordée comme un système d’orientation dans l’espace mais doit participer pleinement de l’expression de l’architecture et des usages. Telle est l’intention du ‘designer’ Ruedi Baur. Il l’explique au travers de quatre projets de signalétique issus d’une étroite collaboration avec les architectes de l’ouvrage.
Un théâtre à Saint-Étienne, le siège d’une organisation internationale à Genève, le complexe aquatique de Courchevel, et le centre de recherche d’une banque à Val-de-Fontenay répondent chacun de besoins de visibilité et d’intelligibilité différents. Pour les uns la question de l’enseigne permettant d’identifier le bâtiment est essentielle, pour d’autres la signalétique participe d’une atmosphère intérieure particulière.
Dans tous les cas le vocabulaire de l’orientation se voit relié à l’expression du lieu
Les Dunes, nouveau technopôle de la Société générale – Architecte : Anne Démians

Comment éviter la forêt de panneaux qui généralement affectent un tel lieu ? Comment renforcer la générosité et la sensibilité des espaces ? Ces questions nous ont conduits à proposer, en complément de la signalisation, une aide à l’orientation naturelle. Cette approche limite la présence visuelle des informations fonctionnelles qui sont remplacées par des interventions contribuant à différencier des espaces, à en relier d’autres, à rendre plus intelligible l’ensemble des cheminements.
Nous avons proposé de distinguer les différents secteurs grâce à la calligraphie en passant d’une langue et d’une culture calligraphique à une autre. Une ligne horizontale se déroule sur l’ensemble des supports architecturaux faisant le tour de l’étage, passant d’un texte poétique en chinois, à un en arabe, en hindi…

Le fléchage directionnel vient se greffer à cet ensemble pour renforcer les profondeurs. Les inscriptions sur des supports transparents, les ombres, comme les visions en miroir renforcent cet aspect tridimensionnel. Ces poèmes horizontaux viennent croiser de longs textes qui eux sont composés dans des caractères latins et peints à la main directement sur les murs. Ils indiquent les montés d’ascenseurs, débutent aux sommets des bâtiments pour descendre d’étage en étage jusqu’au niveau de la rue intérieure. Certains travailleront en suivant Fernando Pessoa, d’autres passeront devant Daniel Defoe ou Georges Sand.

L’expressivité poétique se trouve en contraste avec des supports de signalétique fonctionnelle extrêmement sobre et discret. Enfin pour les parkings, nous avons repris le souhait du commanditaire : travailler avec des graffeurs. Le graffiti est devenu élément de notre parti pris visuel et nous avons invité chaque artiste à développer une installation sur les piliers, murs et places de parking visant à distinguer visuellement chaque rangée, facilitant le repère visuel. La signalétique, discrètement, accompagne ces installations.
La Comédie de Saint-Etienne (La Stéphanoise et la salle Jean Dasté) – Architecte : Studio Milou Architecture

Sollicités par le Studio Milou Architecture, nous avions participé au concours d’architecture du centre dramatique national et école supérieure d’art dramatique de la Comédie de Saint-Étienne. La transformation des bâtiments industriels de la Manufacture Plaine-Achille en un centre et une école d’art dramatique nécessitait une expression visuelle forte en direction de la ville.

Dès la phase concours, nous avions proposé de réutiliser les structures des ponts roulants pour suspendre des enseignes évoquant celles des anciens théâtres urbains. S’appuyant sur la composition en points du logotype de la Comédie, nous utilisons des LED rouges sur fond rouge pour remplacer les néons traditionnels. Ces lumières, à l’origine feux de navigation spécialement transformés pour le projet, sont superposées sur trois plans distincts qui procurent une profondeur lumineuse aux compositions typographiques.

Deux types d’éclairage combinés (ampoules à 70° et 360°) assurent la lisibilité et permettent de lier chaque plan lumineux en un seul ensemble coloré et scintillant. Les enseignes placées sur les ponts nord et sud marquent les entrées du bâtiment, celle du pignon ouest, grâce à sa position surélevée fait signe vers la ville.
La signalétique intérieure est réduite à l’essentiel. Les informations sont directement et sobrement apposées sur les murs, la technique du glacis laissant apparaître leur matière.
Organisation Mondiale de la Propriété Intellectuelle (OMPI/WIPO) – Architecte : Behnisch Architekten

La confrontation à la notion de propriété intellectuelle et de création fut le déclencheur de notre proposition pour le centre de conférence du siège de L’Organisation Mondiale de la Propriété Intellectuelle. Le concept est de travailler sur la limite entre copie, déclinaison, répétition, reproduction et inspiration.
Alors qu’habituellement des panneaux de signalétique identiques sont répétés dans l’espace de manière systématique, nous avons ici proposé un jeu subtil de différences. Des supports de même nature mais légèrement différents sont associés dans chaque zone d’implantation. Ces supports d’informations varient pour une part dans leur matière et leur couleur, et d’autre part dans leur relief qui se différencie pour constituer différentes séries de surfaces encadrées évoquant des tableaux.

A l’extérieur du bâtiment le principe devait être repris sous la forme de grands pots verticaux, évoquant le vase, l’urne, ou la jarre, avec des variations de formes qui auraient servi d’outils de jalonnement et de marquage du périmètre et auraient permis de cacher les bornes de sécurité. Ce projet fut développé en collaboration avec les architectes Behnisch Architekten de Stuttgart.
Centre aquatique de Courchevel – Architecte : Auer+Weber+Assoziierte

Ce projet de signalétique a été réalisé sur demande des architectes allemands Auer+Weber, en charge de la conception du nouveau centre aquatique de Courchevel.
Le concept architectural est basé sur une fusion entre le paysage alpin et le bâtiment – résolument contemporain – dont le volume fait écho aux strates géologiques des montagnes, et dont la toiture s’apparente en hiver aux pistes skiables.
L’approche du projet de signalétique répond à ce parti pris d’intégration au paysage par des compositions typographiques reprenant le thème des strates. Des lettrages de grand format, apposés directement sur les parois, semblent – de par leur couleur et leur géométrie – émaner des alcôves colorées et guident le visiteur vers les différents lieux et services.

La mise en page et le caractère typographique Garaje avec ses lettres «multi-chasse» étirables renforcent l’horizontalité de l’ensemble. Les dénominations rendent compte des activités ludiques et de loisirs : ainsi, l’espace escalade est surnommé «hô hisse», l’espace sèche-cheveux «vent fréquent», etc.
Des teintes douces, déclinées à partir des teintes déjà présentes dans l’architecture, ont été choisies pour former un langage visuel cohérent et agréable.
