
Dernière réalisation en Europe du cabinet Bernard Tschumi Urbanistes Architectes, (architecte associée Véronique Descharrières), le siège et la manufacture de Vacheron & Constantin ont été inaugurés le 7 septembre 2005 au terme de plus de deux ans de programmation et de 18 mois de travaux.
Situé à Plan-les-Ouates, dans le canton de Genève, ce bâtiment symbolise une étape significative dans le développement de la plus ancienne et la plus prestigieuse marque de montres au monde dont l’activité n’a pas connu d’interruption depuis sa fondation, en 1755.
Désireuse de regrouper ses forces jusqu’alors réparties sur différents sites en ville de Genève, la marque lançait en 2001 un concours international d’architecture remporté, au deuxième tour, par Bernard Tschumi Urbanistes Architectes. Le premier coup de pioche était donné en décembre 2002. Le Siège et la Manufacture, caractérisés par un design audacieux et par la transparence, réunissent désormais sous un seul et même toit administration et production.
Comment, à travers le bâtiment du siège et de la manufacture de Vacheron & Constantin allier les nouvelles technologies du XXIe siècle et l’intelligence du siècle des lumières, le XVIIIe siècle ? Comment d’un seul geste, offrir une image, à la fois de continuité et de nouveauté, à la fois poétique et fonctionnelle ? Telle était l’une des contraintes auxquelles l’architecte devait répondre.
Voici sa réponse :
Imaginez une fine feuille métallique, à la surface travaillée, ajourée, élégante, pouvant se courber aisément.
– L’une de ses deux surfaces – qui deviendra la surface extérieure – reste de métal. L’autre de ses surfaces est doublée de bois : ce sera la surface intérieure.
– Imaginez une structure porteuse, fine elle aussi, légèrement dissymétrique, sur laquelle la feuille métallique va s’enrouler, suivant la géométrie de cette structure.

Un espace en résulte. Lisse et précis sur son extérieur, chaud et accueillant par son intérieur. Ce n’est pas un objet refermé sur lui-même, puisque la logique de l’enroulement laisse pénétrer abondamment la lumière au nord et au sud (ici filtrée), tout en s’entrouvrant pour accueillir artisans et visiteurs.
Un mouvement de terrain laisse entrevoir le dessous métallique de cette enveloppe : c’est le parking, abrité mais ouvert à la lumière naturelle et au paysage. Au-dessus, une découpe révèle un patio calme et aéré. En un seul mouvement, l’enveloppe assure la continuité visuelle et fonctionnelle de l’ensemble, de la production à la gestion ou la création.
Cette continuité se retrouve dans le paysage. Cette feuille de métal avec sa doublure intérieure de bois naturelle est posée légèrement au milieu d’un paysage réglé, assurant les ouvertures visuelles : la feuille pliée est comme dans un écrin.
L’entrée du bâtiment est particulièrement soignée et met le visiteur ou les membres du personnel en relation immédiate avec l’ensemble de l’espace de la Manufacture :
– verticalement, la triple hauteur majestueuse de l’atrium offre des vues obliques vers les coursives menant aux bureaux et au restaurant ainsi qu’une lumière filtrée et sobre nécessaire à la sérénité du lieu.
– plus loin, à travers le jardin d’hiver se dévoilent les espaces de travail organisés horizontalement autour du patio. Là encore, la lumière travaillée, filtrée et texturée par la végétation joue un rôle majeur dans la sensation de confort souhaité.

Le Hall d’accueil est un espace unique mais différencié pour offrir des accès séparés aux visiteurs entrant par la porte principale et aux membres du personnel accédant depuis le parking. Une entrée réservée est créée pour les VIP venant du parking et les menant directement dans la lumière l’atrium. Une batterie d’ascenseurs et d’escaliers dessert tous les étages.
L’adéquation entre les exigences parfois opposées d’un circuit de production très précis et des conditions de travail de haute qualité ces deux objectifs a constamment guidé les choix des architectes. Ainsi les espaces de production se développent dans un volume homogène et tourné prioritairement vers le Nord pour éviter l’éblouissement du soleil tandis qu’un patio amène lumière et vues sur l’extérieur pour les locaux plus éloignés de la façade Nord.
La structure du bâtiment étant simple (trame de poteaux de 10 m), la flexibilité du volume est optimum. Dans ce schéma d’organisation, les différents départements bénéficient tous de vues sur l’extérieur et d’un très bon niveau d’éclairage naturel. Par ailleurs, l’enveloppe de bois autorise tout ce qui peut être nécessaire au confort et lié directement aux postes de travail : traitement de l’air, traitement acoustique, circulation et innovation informatique du bâtiment, dispositifs de sécurité (caméra, etc.).

Les bureaux de l’administration et de la gestion sont répartis sur deux niveaux en liaison directe avec le hall d’accueil des visiteurs grâce à l’Atrium. Ainsi la séquence de l’atrium, du patio et du jardin d’hiver joue un rôle fondamental dans le rapprochement physique et visuel des espaces entre eux tout en leur conférant autonomie et sécurité, une personne dans un bureau du premier ou second étage pouvant aisément apercevoir les salles de la manufacture et inversement. Le restaurant et la salle à manger de direction, situé au niveau le plus haut du bâtiment, profitent d’une vue dégagée, au premier plan, sur le paysage architectural et végétal du site et sur les montagnes dans le lointain.
Christophe Leray
La Manufacture en quelques chiffres
Superficie du terrain : 30.000 m²
Surface construite : 7.000 m²
Emprise du bâtiment : 40 m x 80 m
Surface vitrée : 3.000 m
Charpente métallique : 460 tonnes

Cet article est paru en première publication sur CyberArchi le 9 février 2005