Le 15 avril 2019, je suis à Shanghai, au bureau avec mes collaborateurs. À Paris, Notre-Dame est en feu ! Le monde entier est devant les télévisions, tous les réseaux sociaux s’enflamment ! Notre-Dame de Paris… Chronique de l’architecte Jean-Pierre Heim.
Aujourd’hui encore, je ressens la peine de sa destruction, un choc immense qui me rappelle à quel point les racines de notre culture sont profondément ancrées dans l’inconscient collectif. Voir disparaître un monument sacré de l’histoire est une tragédie. La chute de la Flèche et les flammes destructives provoquent l’effondrement de la voûte sous une fumée épaisse puis le feu est circonscrit.
Cependant, je vois dans cette catastrophe une opportunité de renouveau, une occasion unique de marier continuité et innovation. Je crois fermement en un renouveau technologique qui pourrait garantir la longévité de cette œuvre magistrale pour des siècles à venir, tout comme Viollet-le-Duc avait su le faire en son temps avec ses innovations architecturales.
Je me pose alors cette question : la reconstruction de Notre-Dame suscite-t-elle la même reconnaissance qu’autrefois ? Innover tout en respectant la tradition, voilà le grand débat qui anime aujourd’hui mes pairs architectes, tant en France qu’à travers le monde. Doit-on encore sacrifier des forêts pour reconstruire la charpente désormais détruite du toit ? Je pense plutôt qu’il faut utiliser les matériaux du futur pour offrir à Notre-Dame encore plus de lumière et de visibilité. Comment oser refuser ce progrès à notre cathédrale ?
Devant un tel désastre, une envie soudaine me prend de dessiner une nouvelle image de ce toit et de la flèche. Je choisis donc la voie de l’innovation : une cathédrale aux proportions d’antan, avec un style néogothique flamboyant, une silhouette et une flèche qui resteront inchangées. C’est ainsi que Notre-Dame continuera de rayonner, pour Paris, pour la France et pour le monde entier. Je lis et je regarde les dessins d’exécution de cette cathédrale construite en géométrie sacrée, je veux revisiter le Moyen Âge en utilisant des matériaux transparents et légers mais résistants au temps. Je suis convaincu que chacun aimera voir comment Notre-Dame peut devenir plus belle, plus accessible, plus propice au partage. J’aspire à ce qu’elle devienne un symbole du renouveau de nos valeurs fondamentales et qu’elle incite nos compagnons et artisans à marier le savoir-faire extraordinaire de l’Art de Vivre avec les matériaux du futur, tout en préservant un savoir précieux.
Une Flèche vrillée comme au Moyen Âge
Je propose de remplacer la légendaire « forêt » du toit par des mains jointes en prière, représentées par une sculpture en titane, un matériau indéfectible et ininflammable. Les sculptures miraculeusement épargnées retrouveront leur place lors des rénovations. Pour moi, les éléments en titane, avec une flèche composée d’un métal léger et solide, représentent véritablement les matériaux du futur. Au sommet de cette flèche, le coq sauvé des cendres brillera de nouveau, témoin de la résilience de Notre-Dame.
Le Devoir de Mémoire
Je souhaite que la « mémoire » de cette cathédrale soit préservée dans un tube de verre abritant son ADN, rappelant ainsi nos gènes et l’histoire humaine, tel un symbole de notre évolution perpétuelle. J’imagine une représentation holographique comme une flamme éternelle de l’humanité. Au centre de la nef et du transept effondré, je propose de conserver cette mémoire en créant un nouveau puits de lumière naturelle, conçu comme un vitrail néogothique, qui apporterait une énergie vitale et colorée.
Une Rosace au Sommet des Arches, exécutée par les plus grands métalliers français. Au cœur de la voûte sous le toit, j’imagine quatre arcs-en-ciel de verre menant structurellement à la flèche. Une partie du toit sera transparente, ouvert à la lumière. Une terrasse scellée en béton renforcera la solidité périphérique du toit. L’intérieur restera fidèle à lui-même, un lieu propice à la méditation, à la prière et à la spiritualité.
Le projet dessiné, je demande à mon ami Philippe Blot-Lefèvre, expert en Géométrie Sacrée, une analyse de mon concept. Depuis l’aube des temps, les civilisations ont construit des temples au nom de croyances qui guident leur culture. La Terre était le centre du monde et l’humanité occidentale a longtemps cru en le géocentrisme. Galilée a payé de sa vie pour avoir affirmé que le Soleil était au centre de notre système planétaire alors que l’autorité religieuse diffusait une culture géocentrique, formée sur deux axes dans la croix latine : l’horizontalité représente la matière, la verticalité représente l’esprit. Lignes régulatrices – première approche architecturale. Ma proposition reposait sur les chemins et proportions de la géométrie sacrée inscrits dans les plans originaux de la cathédrale et les bâtiments qui la précèdent, contribuant ainsi à son influence planétaire.
Dès mon retour à Paris, je réalise un livre et une petite vidéo de mon projet, que je dépose moi-même par la petite porte destinée au courrier, rue de l´Élysée. Trois semaines plus tard je reçois à mon domicile une lettre signée Emmanuel Macron. Le Président de la République me remercie et m’indique avoir transmis cette étude à l’administration de la Cathédrale.
Aujourd’hui le toit et la flèche de la Cathédrale ont été reproduits à l’identique, les conservateurs, au sens propre, préférant toujours glorifier un passé fantasmé que se projeter vers un futur incertain.
Jean-Pierre Heim, architecte
“Travelling is an Art”
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