S’il n’y a que 43 km de Calais (Pas-de-Calais) à Dunkerque (Nord), l’étape pour les coureurs n’a rien de bucolique avec un parcours accidenté de 172 km – à travers successivement les monts des Flandres et les monts du Boulonnais – plutôt favorable à des attaques au long cours. L’occasion pour les rouleurs à grosses cuisses de se faire un nom ?
En tout cas, après la journée de repos de la veille et le voyage touristique au Danemark, les choses sérieuses commencent pour le peloton avec un final côtier potentiellement venté : les passages près des caps Gris-Nez et Blanc-Nez pouvant se révéler décisifs.
Puisque la distance entre Calais et Dunkerque peut être survolée en 40 min par les suiveurs du Tour de France contemporain via l’autoroute A 16., pour le coup, ces derniers, qui se sont levés tôt, ont presque toute la journée pour faire une (très) longue promenade architecturale dans le Pas-de-Calais avec encore tout le temps d’être à l’arrivée. Allez, une tarte au sucre et c’est parti !
Les suiveurs qui, s’ils aiment le vélo n’en sont pas moins fans de sport, iront avant de quitter Calais visiter (si elle est ouverte, sinon en faire le tour) la salle de basket Quai de la Moselle conçue par l’agence lilloise Bureau face B (Camille Mourier + Germain Pluvinage), une arène qui se distingue par sa structure innovante : une toiture tendue en acier, accrochée sur des gradins en béton, qui enjambe 64 mètres de portée.
Le travail sur la structure, techniquement inédit en France en 2019, synthétise à la fois des recherches d’économie de matière et d’économie de moyens. La toiture légère a une forme de paraboloïde hyperbolique, le report des charges de la couverture sur les voiles inclinées des gradins libère la façade de tout élément porteur.
« Les façades vitrées de grande hauteur sont sans traverse horizontale, ce qui permet de marquer leur verticalité et leur abstraction. La répartition du programme sur deux niveaux opère la séparation entre le public et les sportifs et ouvre l’équipement sur chaque façade de plain-pied vers son environnement à forte déclivité », explique Bureau face B.
Prendre ensuite la route de Boulogne-sur-Mer, pour retrouver Shakespeare en son théâtre. En ville, demander le théâtre du château d’Hardelot, tout le monde sauf les touristes saura vous dire où le trouver. Conçu par Andrew Todd, architecte d’origine britannique vivant à Paris, il s’agit du seul théâtre élisabéthain en France.
De forme circulaire, livré en 2016, il est construit entièrement en bois. Son enveloppe de bambou joue avec l’ombre et la lumière. Il est également innovant par l’exploitation de la ventilation naturelle pour le chauffage ou la climatisation du lieu.
Il s’agit du premier théâtre permanent de forme néo-Shakespearienne en France. Comptant 388 places assises, il attire des metteurs en scène tels Thomas Ostermeier, Ariane Mnouchkine et Peter Brook. Il a été présenté à Sa Majesté la Reine Elisabeth II à l’occasion de sa visite d’Etat en France en juin 2014.
Pour l’anecdote, la localisation précise de l’ouvrage, sur un site de 80 hectares, fut déterminée par le chien d’un architecte japonais qui persistait à se rendre sous les broussailles à un endroit qui soudain révélait tout le panorama ; c’est désormais la vue depuis la porte d’entrée, laquelle doit donc être découverte.
Bref une étape incontournable durant le jubilée de la Reine Elizabeth II, et une étape essentielle pour se souvenir encore que l’architecture c’est la culture et vice-versa et que cela ne date pas d’hier.
Prochaine visite, Botanic Park, à Rang-du-Fliers. Sur la route, les aficionados peuvent passer par Le Touquet, pour (re)découvrir le Palais des Congrès de Touquet-Paris-Plage réhabilité et agrandi par l’agence parisienne Wilmotte & Associés. La salle fut inaugurée le samedi 29 février 2020 avec un concert de l’orchestre de Douai Hauts-de-France. Mais, vraiment, les suiveurs peuvent passer vite, ou ne pas passer du tout.
Botanic Park donc, à Rang-du-Fliers au sud du Touquet, ou plutôt Tropicalia qui n’est pas le nom d’un jus de fruit mais le projet de la plus grande serre tropicale au monde construite sous un seul dôme. Le budget : 50 M€ (financé majoritairement par des investisseurs privés). La surface : 20 000m². L’architecte : cabinet Coldefy & Associés Architectes Urbanistes (CAAU). L’ouverture était prévue en 2021, puis à cause du Covid sans doute, en 2023. Visiteurs prévus : 500 000/an. Pour le coup, pour les suiveurs, cela vaut d’aller vérifier où en est le chantier qui, en toute logique, devrait être bien avancé. Attention aux dinosaures…
Après un Welsh sur le pouce, car il faut tenir toute la journée, rejoindre à Samer la Ferme de la Suze, et visiter la réhabilitation et extension signées Joly-Loiret d’une ancienne ferme en haras d’élevage de chevaux de trait. Nichée au sein de 7,5 hectares de paysage, une réalisation de 2 500 m² qui sent l’écurie et invite à la réflexion à l’heure de la transition écologique indispensable.
La ferme de la Suze est un ancien relais de poste reliant Boulogne-sur-Mer à Paris sur la route du poisson. Elle est aujourd’hui transformée en haras d’élevage et de soin dans le but de préserver la race des chevaux de traits boulonnais. L’architecture y est simple, rustique, reprenant les volumes, matériaux et systèmes constructifs vernaculaires dans un vocabulaire contemporain.
L’architecture tire parti d’un paysage rural singulier et exceptionnel et sur l’identité du site tant du point de vue de ses spécificités architecturales, paysagères, que du point de vue des usages propre à la filière équine à développer.
« C’est-à-dire se caler au plus près du bon sens paysan d’une certaine manière. Un bon sens lié au fonctionnement, à la simplicité des systèmes constructifs et des matériaux et à l’économie des moyens et du territoire. C’est à ce titre que nous pensons pouvoir participer à la préservation et au renforcement du patrimoine culturel régional », conclut Joly-Loiret.
Sur la route du retour vers Dunkerque, à l’heure des guerres sans cesse renouvelées, toujours les même finalement, c’est le moment opportun d’aller se recueillir au Mémorial International de Notre Dame-de-Lorette conçu par Philippe Prost (AAPP), un anneau en apesanteur qui réunit les ennemis d’hier dans une humanité commune.
A l’extérieur, un ruban de béton sombre, couleur de guerre, posé en équilibre sur la colline dominant les plaines de l’Artois, une ligne horizontale formant un périmètre de 328 m. A l’intérieur, 500 feuilles d’un métal doré reflétant la lumière sur lesquelles sont gravés selon l’ordre alphabétique sans distinction de nationalité, de grade ou de religion les noms de 579 606 combattants désormais ensemble pour toujours.
Le choix de l’horizontalité pour le Mémorial apparaît comme une évidence pour donner une expression à la paix. Ancré dans le sol sur les deux tiers de son périmètre, l’anneau s’en détache lorsque la déclivité du terrain s’accentue. Après avoir parcouru la galerie, le visiteur peut rejoindre le grand paysage en passant sous l’anneau en porte-à-faux sur près de 60 m, qui est là pour nous rappeler que la paix demeure toujours fragile. En s’élançant à l’assaut de l’horizon, le Mémorial crée un espace en apesanteur, entre ciel et terre.
Inoubliable et, à nouveau, indispensable.
C’est l’heure pour les suiveurs de rejoindre Dunkerque et d’assister à l’arrivée, avec la prime à celui qui aura misé sur un sprinter vainqueur surprise au terme d’une étape d’observation. Pour celui-là, les moules-frites de saison seront offertes. Sauce originale à son goût.
Christophe Leray (dans la caravane)
Pour les suiveurs, retrouver :
– Toutes les étapes du Tour de France contemporain 2022
– Toutes les Reconnaissances d’étape du Tour de France contemporain 2022
– Toutes les étapes du Tour de France contemporain 2021.
– Le Tour de France contemporain 2020 : Le départ ; La suite ; La suite de la suite ; L’arrivée.
– Le Tour de France contemporain 2019 : 1ère semaine ; 2ème semaine ; 3ème semaine.
– Le Tour de France contemporain 2018