
Hamadryade (une nymphe attachée à un arbre) est le nom de l’agence de l’architecte Bruno Fuchs qui consacre son art à la maison individuelle en bois, dans un esprit résolument contemporain et coloré. Découverte et visite guidée d’une maison jaune située dans le centre ville de Fresnes (94).
Présentation de Bruno Fuchs (Jouy le Moutier, 95)
« Construire une maison en bois en région parisienne n’est plus un problème tant que l’on reste dans un milieu urbain. Concernant les couleurs, nous avions anticipé des difficultés, ce ne fut pas le cas. Pour cette maison jaune, les clients, un couple avec deux enfants, n’avaient pas d’idée de couleurs en particulier mais ils souhaitaient un ouvrage qui soit un élément de repère dans la ville. « Faîtes-nous une proposition », me dirent-ils. L’idée de la couleur s’est imposée dès l’origine du projet. Au début je pensais à une couleur aux tons ocre jaune et ocre rouge. Je leur ai présenté des nuanciers, nous avons cherché autour du gris et du rouge avant de revenir à l’idée première, du jaune et des menuiseries rouges. Ce sont les clients qui m’ont demandé que ces couleurs ‘pètent un peu‘.
L’architecture en elle-même de la maison est plutôt ‘soft’ afin de s’intégrer dans un tissu urbain dense puisque nous sommes quasiment en centre ville de Fresnes (94). La mairie a trouvé le projet ‘intéressant’ et nous n’avons eu aucun souci. J’avais annexé au permis de construire des échantillons avec les vraies couleurs afin qu’il n’y ait pas de surprises. Lorsque la DDE (Direction départementale de l’Equipement. NdR) est venue, elle a demandé au maire s’il était au courant. Dans l’affirmative, le certificat de conformité était acquis. Globalement les voisins ont bien réagi, sauf un qui a éventuellement déménagé. Les clients m’ont raconté que leurs visiteurs n’ont plus besoin de nom ou d’adresse. Tout le monde sait leur indiquer où est ‘la maison jaune’.
Tout le monde est ravi. C’est une maison facile à vivre de 190 m² habitables avec un sous-sol total. L’une des difficultés de ce projet était liée à la nature du terrain, de l’argile parfaite pour la poterie mais pas pour l’architecture. La maison est donc montée sur de micro pieux qui s’enfoncent jusqu’à 18 mètres de profondeur.

L’un des éléments de base de la conception de la maison était l’articulation autour de l’accueil – aujourd’hui mais surtout dans le futur – de personnes à mobilité réduite. L’un de ces éléments est l’installation d’un ascenseur, du sous-sol à l’étage. Un autre le fait par exemple que les portes sont plus larges que la norme habituelle afin de pouvoir, plus tard, adapter les passages et circulations.
Nous avons également travaillé en fonction de la course du soleil. Alors que toutes les maisons alentours sont ouvertes sur la rue d’un côté, sur le jardin de l’autre, nous avons ouvert la maison au Sud-ouest, de façon à pouvoir capter le plus possible de lumière. Nous n’avons pas scrupuleusement respecté le schéma urbain des autres maisons, quitte à être différents au niveau de l’architecture, de la couleur et de l’orientation. Ce sont justement ces différences qui font que le projet a suscité l’adhésion des clients, bien sûr, mais aussi de la mairie.
Au départ, les clients avaient élaboré leurs propres plans et avaient imaginé leur maison selon le schéma classique, ouverte côté cour et côté jardin. ‘Que voulez-vous : la maison que vous avez imaginée ou la maison que nous allons faire ensemble? Expliquez-moi ce que vous avez mis dans votre maison’, ai-je demandé. La discussion est partie de là et cette maison fut, littéralement, conçue à trois. Au final, ils ont une maison qui va au-delà de ce qu’ils avaient imaginé, leur maison.

Même la couleur reflète parfaitement leur dynamisme, leur optimisme et leur personnalité. Nous avons choisi ensemble la couleur turquoise pour la salle de bains, idem pour les W.C. qui sont oranges. Je n’impose rien du tout, les gens sont plus ou moins expansifs, plus ou moins pudiques, il faut faire en fonction. Par exemple, la dame avait exprimé quelque chose comme « j’aimerais bien quelque chose d’arrondi’. Je me suis aperçu que je n’avais pas suffisamment travaillé cet aspect. Alors, j’ai créé la grande verrière. « C’est ça que je voulais », m’a-t-elle dit.
C’est une maison avec de belles prestations : un ascenseur ; un rez-de-chaussée revêtu de tomettes moulées à la main au-dessus d’un plancher chauffant basse température ; du parquet en eucalyptus de Tasmanie, une essence blonde et claire à l’étage ; du parquet en pont de bateau dans les salles de bains (Jaloba avec des joints ivoire au sol, du cèdre de l’atlantique – imputrescible et qui dégage une très bonne odeur ad vitam aeternam – sur les murs). Le tout, hors terrain, pour environ 360.000 euros, soit environ 1.800 euros le m². Le mari était très sensible à l’idée d’avoir du bois dans la salle de bains. Dans une maison en bois, on vit sans chaussures car on a besoin de sentir le bois au niveau tactile et le mode de vie de mes clients a changé un peu dans ce contexte. La maison est adaptée à leur mode de vie, lequel s’est adapté à la maison (rires).

Je ne suis pas un intégriste du bois. J’utilise le bois pour l’extérieur et l’ossature mais très peu à l’intérieur. A l’intérieur trop de bois peut créer un sentiment d’oppression, je préfère l’utiliser en tant qu’élément de décoration, sur un ou deux murs par exemple. J’essaye de ne pas tricher mais de jouer avec les matériaux. Ainsi le mur en brique est un vrai mur en brique, pas un parement. A la demande des clients, les poutres sont apparentes dans le salon et l’espace repas, afin de rendre ces lieux chaleureux. Ailleurs, nous avons mis du placo car les murs et plafonds blancs font ressortir les menuiseries et la luminosité de la maison. Le bois met en valeur le blanc du placo et vice-versa.
A l’étage, tous les rampants sont en bois, tous les murs sont blancs. C’est l’opposition des textures qui fait ressortir les contrastes, de la même façon que le mur de brique fait ressortir le bois des façades et vice-versa. Par exemple le musée Beaubourg à Paris est un bâtiment contemporain dans un quartier ancien. Tout le quartier en bénéficie. Ce sont les contrastes qui sont sources de mise en valeur. Ainsi, je propose à l’occasion, selon les cas, de mettre au sol du bois dans la cuisine car en réalité, le bois s’entretient ni plus ni moins facilement qu’un carrelage ».
Propos recueillis par Christophe Leray

Cet article est paru en première publication sur CyberArchi le 30 mai 2007